De braves fils du Sénégal sont tombés en Casamance au service de la Nation. Des hommes ont fait le choix de nous servir, d’opter pour le métier des armes pour que paix et stabilité règnent dans ce pays. Ils en paient le prix fort, en tentant de préserver l’intégrité territoriale, en défendant le drapeau du Sénégal pour qu’il ne cesse de flotter au plus haut. Nous ne pouvons que nous incliner devant leurs mémoires, prier pour le repos éternel de leurs âmes et témoigner à leurs proches et frères d’armes toute la reconnaissance de la Nation. Ils sont au rang de héros de cette nation, leur sacrifice ne sera pas vain. Le Général américain Jim Mattis, ancien patron du Pentagone, disait qu’il n’y avait rien de plus dur pour lui, à la tête du corps des Marines, que de faire face à une famille d’un soldat perdu au front et qu’il peinait toujours à trouver les mots dans les correspondances à adresser aux familles éplorées. Il dira que son chagrin était loin d’être assimilable au drame de ceux dont la chair et le sang sont tombés en première ligne.

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Les Sénégalais ont cette attitude fâcheuse de tourner le regard à chaque fois que notre Armée est frappée par la tragédie. De façon inconsciente, il y a un mal pour assimiler la peine de nos troupes face à de si tragiques évènements. Hamidou Anne soutiendra dans ces colonnes lors du dernier drame, à propos de cet état d’insensibilité ou d’indifférence face aux tragédies qui touchent nos armées, que «nos concitoyens pour l’essentiel ont réagi comme souvent, avec une forme de désintérêt regrettable et incompréhensible pour des patriotes tombés sur le champ d’honneur. J’ai toujours trouvé cette attitude distante vis-à-vis des soldats tombés au front, curieuse voire injuste et symptomatique de l’état général du pays, qui appelle le relèvement de la conscience civique chez nos concitoyens». Des mots ne pouvaient être plus justes, on ne peut s’imaginer des fils d’un pays tombé au champ d’honneur sous l’œil désintéressé et distant de leurs compatriotes ainsi qu’un certain manque d’empathie.

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Un soldat tombé est à voir comme l’affaissement d’une des poutres sur lesquelles s’adosse la Nation. C’est un arbre utile dans une forêt qui donne refuge, permet de prospérer et autorise le rêve dans la quiétude. Nos armées sont la colonne vertébrale de notre pays par leur sens républicain, par leur engagement dans la construction de la Nation, par leur exigence vis-à-vis d’elles-mêmes. Malgré toute la campagne de diabolisation que des entrepreneurs politiques et des ennemis domestiques ont tenté de mener depuis des mois pour chahuter la présence de nos troupes dans tous les efforts de pacification dans la Casamance, l’Armée sénégalaise est restée constante dans sa mission. Les opérations de sécurisation ne se sont pas arrêtées pour autant. Le contrôle des zones sensibles s’est poursuivi. La lutte contre l’économie criminelle avec laquelle les maquisards s’engraissent a été une constante. La pacification des zones sous contrôle rebelle dans le passé s’est poursuivie pour que des écoles de la République soient ouvertes, que des pistes de désenclavement relient les peuples, que tout Sénégalais où qu’il soit se sente partie intégrante de ce peuple. Le Maréchal français Louis-Hubert Lyautey voyait dans les meilleurs des soldats ceux qui savent prendre une ville pendant la nuit et y faire fonctionner un marché le lendemain. Les troupes sénégalaises cochent toutes les cases des parfaits porteurs d’armes. Ils savent sécuriser et respecter leurs prérogatives, tout en encadrant le fonctionnement de la vie quotidienne.

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Le Sénégal est un pays qui sait se sublimer par ses armées, au moment où un discours xénophobe tente d’étendre ses tentacules dans le débat public par des apprentis fascistes, nos troupes vont porter assistance aux populations guinéennes suite à l’explosion d’un entrepôt d’hydrocarbures. Un détachement de 15 personnels spécialisés du service de santé des armées et 8 secouristes de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers sont à Conakry pour porter assistance et soulager un peuple frère, malgré les divergences idéologiques que nous pouvons avoir avec la junte au pouvoir dans ce pays. C’est dans le même esprit que les troupes sénégalaises se sont retirées du Mali avec la fin du mandat de la Minusma, sans polémiques ni accrochages malgré les provocations et actes hostiles qui ont pu être constatés. Des entrepreneurs politiques avaient taxé les troupes sénégalaises présentes au Mali de détachement de mercenaires au service d’un pays étranger. Une telle attaque n’était-elle pas dans un agenda particulier de saper le moral des troupes et porter assistance à des frères islamistes aux intérêts connivents ?

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La mesure prise par le président de la République, Macky Sall, d’octroyer une indemnité forfaitaire spéciale à 2228 militaires invalides à la retraite, variant entre 2 et 5 millions francs Cfa, est un acte de gratitude et d’honneur qui montre que le service à la Nation ne s’oublie pas. Il mérite récompense, il est digne de reconnaissance.

Il m’a été donné l’occasion une fois de tomber sur un convoyage d’une dépouille d’un soldat américain tombé au front. Une forte escorte policière, une révérence des automobilistes qui comprenaient ce qui se produisait et une gratitude des passants, tout était fait dans le respect face à ce sacrifice ultime. Le Sénégal comme nation a du mal à célébrer ses morts et être reconnaissant envers ses dignes fils. Que nos soldats ne souffrent plus de notre manque de reconnaissance et cette inertie collective face à leur peine.

Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn