Je n’ai rencontré Moustapha Diakhaté qu’une seule fois : c’était en février 2023, à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, à l’occasion d’une manifestation scientifique à laquelle il prenait part. Hormis cette rencontre physique dont je garde un souvenir très heureux, j’aime regarder ses sorties médiatiques. C’est quelqu’un qui aime cette République d’un grand amour, il ne s’est jamais lassé de la défendre contre vents et marées, lorsqu’elle était attaquée de partout par ceux qui la lorgnaient.

L’on peut ne pas être d’accord avec lui, ce qui est tout à fait normal, mais force est de lui reconnaître son opiniâtreté, sa constance et son inflexibilité. Moustapha Diakhaté, je n’en doute point, est prêt à mourir pour ses idées. Ce qui est une marque de grandeur, une grande valeur dans un monde où -la politique notamment- les hommes ne croient qu’au prestige et à la gloire que confère le pouvoir. Même avec Macky Sall, Moustapha a toujours martelé ce qu’il croit sincèrement, parfois à rebrousse-poil de son appartenance politique.
Moustapha dérange. Ses idées sont subversives, dures à entendre pour certains. Le faire taire, c’est le souhait ultime de ses pourfendeurs. Il est dans l’œil du cyclone des tenants de ce régime avec lesquels, depuis toujours, il entretient une grande divergence de points de vue et d’orientations. Il s’est fait beaucoup d’ennemis, il est désormais un ennemi à abattre, à conduire à la rôtisserie.

Je me suis toujours indigné face à cette exécrable manière de penser du parti Pastef : est bon celui qui est avec moi, qui me soutient même dans la folie ; de l’autre côté, est mauvais, dangereux celui qui est en opposition avec les idées auxquelles je crois. Cette dichotomie est porteuse de violences, on en a déjà vécu des scènes. D’autres viendront sûrement. Avec ces gens-là, mon ennemi est celui qui ne pense pas comme moi, donc à conjurer comme un pestiféré.
Les propos qui ont conduit Moustapha en prison, dans l’ordre normal des choses, devaient juste susciter une réfutation. C’était simple pourtant : «Non, nous qui avons voté pour le parti Pastef l’avons fait en âme et conscience ; nous sommes beaucoup plus lucides que vous ne l’imaginez.» Et le tour est joué. Mais tout le monde a compris ce qui est en train de se passer sous nos yeux : les geôles seront les espaces où les contradictions d’idées vont se régler -ou se taire. Il n’a insulté personne, il a donné son idée. Et même s’il avait insulté -encore qu’il est trop républicain et cultivé pour recourir à l’insulte afin de défendre ce qu’il pense-, ce ne sont pas les insulteurs d’hier qui vont nous donner, aujourd’hui, des leçons comme : «L’insulte n’est pas bonne, il ne faut pas insulter, ça ne se fait pas.» Ce n’est pas possible.

Ce qui est arrivé à Moustapha Diakhaté sera le destin de tous ceux qui, dans ce pays, auront des positions hostiles à celles du parti Pastef, qui est une machine à la pensée totalitaire. Moustapha est notre miroir, nous nous y verrons tous. Sans exception.

Mes pensées de compassion vont à lui et à toute sa famille. Hamidou Anne, dans sa chronique du lundi, m’a appris que Moustapha est un grand lecteur, donc il ne sera jamais seul ; il sera avec ses lectures, avec ses personnages. Nous guettons son retour qui, nous l’espérons, sera tonitruant, loquace. Dans tous les cas, se sont fourvoyés lamentablement ceux qui pensent et espèrent qu’il va se taire une fois dehors. C’est mal connaître l’homme.

Se taire, c’est surtout ce qu’il ne faut pas faire. Quand des gens qui n’aiment pas votre parole dissidente vous attaquent, c’est parce que ce que vous dites est intéressant, dérangeant, même à peine audible. La désertion de la parole, comme l’a regrettablement fait Madiambal Diagne, est leur victoire. Je répète le titre d’un texte que j’avais écrit dans ces colonnes : «Ne pas se taire, c’est ce qui nous sauvera.»
Baba DIENG
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