Si l’attente a été longue, la liste produite par le Président Sall et le Premier ministre Ba n’a pas fait sursauter beaucoup de gens de leur siège. Les caciques du régime sont restés dans le gouvernement et majoritairement à leur poste, montrant que les deux têtes de l’Exécutif ont opté pour la continuité à quatre mois de la Présidentielle qu’ils vont gagner ou perdre ensemble.Par Bocar SAKHO – 

On serait tenté de dire : Ouf ! Après 5 jours d’attente, le gouvernement Amadou Ba 2 a vu le jour. Est-ce que son accouchement a été difficile ? Probablement pas ! En tout cas, la liste publiée dans la soirée d’hier ne montre aucun signe de complication, car les fondations de l’ancien attelage gouvernemental ont été maintenues. Et même renforcées en profondeur.
On peut même se demander pourquoi sa conception a pris autant de temps. On a repris les… mêmes pour aller à la conquête de la Présidentielle de 2024. Au-delà de quelques permutations (voir ci-contre) à des ministères de souveraineté, le Président Sall et Amadou Ba n’ont pas secoué l’architecture du gouvernement sortant. Tous les apparatchiks du régime sont restés à leur poste : Amadou Mansour Faye (Infrastructures, transport terrestre et désenclavement), Abdoulaye Saydou Sow (Urbanisme, logement et hygiène publique), Mame Mbaye Niang (Tourisme et loisirs), Alioune Ndoye (Environnement, développement durable et transition écologique), Pape Sagna Mbaye (Pêche et économie maritime), Pape Malick Ndour (Jeunesse et emploi), Cheikh Oumar Anne (Education nationale), Mamadou Moustapha Bâ (Finances et budget), Moussa Baldé (Enseignement supérieur, recherche et innovation), Mariama Sarr (Formation professionnelle, apprentissage et insertion), Gallo Ba (Fonction publique et de la transformation du secteur public), Fatou Diané (Femme), Marie Khémesse Ngom (Santé et action sociale), Abdou Karim Fofana (Commerce et porte-parole du gouvernement), Moustapha Diop (Industrie), Victorine Ndeye (Microfinance, économie sociale et solidaire), Moussa Bocar Thiam (Communication et télécoms), Samba Sy (Travail et organisations professionnelles). Bien sûr, les autres caciques ont été reconduits, mais ont juste changé de poste en devenant plus puissants, comme Samba Ndiobène Kâ et Doudou Kâ.
Aujourd’hui, tout le monde fait face à une évidence : le candidat de Benno et son patron n’ont pas voulu ou oser secouer leur équipe comme l’annonçaient certains. Qu’est-ce qu’ils auraient à y gagner ? Naïvement, des analystes politiques ont cru pourtant qu’il y aura des chamboulements à quatre mois de la Présidentielle. Les deux têtes de l’Exécutif ne se sont pas aventurées sur ce terrain glissant, surtout qu’elles doivent contenir des frustrations internes qui deviennent de plus en plus publiques. Les multiplies candidatures sorties des flancs de Benno en sont les symptômes en dépit des menaces et des limogeages des dissidents. Pour Sall et Ba, il aurait été mal venu de provoquer de nouvelles secousses dans les rangs de la coalition présidentielle en faisant le ménage, alors que les chances de succès dès le premier tour ne sont pas évidentes.
Comme il n’en pouvait pas en manquer à cause des équilibres confessionnel et régional à respecter, ils ont sorti du gouvernement trois personnes faciles à mettre dehors. En attendant sans doute leur recasement dans d’autres sphères. Il s’agit de Mamadou Talla, qui est présent au cœur de l’Etat depuis la constitution du deuxième gouvernement de Macky Sall quand il a été nommé ministre délégué chargé de l’Alphabétisation et des langues nationales. Choisi Délégué régional du parrainage à Matam par le candidat Amadou Ba, Mamadou Talla ne devrait pas rester longtemps en marge des postes étatiques. Surtout que l’arrivée de Daouda Dia, questeur à l’Assemblée nationale depuis 2012, au ministère de l’Elevage, rebat les cartes dans le département de Kanel où son frère, Harouna Dia, et Farba Ngom se livrent une bataille de leadership depuis des années.

Amadou Ba : «c’est un gouvernement de missions et de combat»
Si Mamadou Talla a perdu le Nord, le départ de Mme Sophie Gladima à quelques mois de la commercialisation des premiers m3 de gaz et barils de pétrole, prévue en 2024, est une divine surprise. Maire de Joal-Fadiouth, elle peut revendiquer un poids politique et électoral, mais elle ne constitue pas non plus une identité remarquable du pouvoir Sall. En dépit des amitiés qu’ils entretiennent. En même temps, la sortie de Mme Oulimata Sarr ne provoquera aucun remord… politique. Ancienne fonctionnaire onusienne, l’ex-ministre de l’Economie et de la coopération internationale quitte une scène sur laquelle elle ne peut jouer aucun rôle. Apolitique, dans l’ombre, elle n’est pas taillée pour participer aux joutes électorales à venir.
Que reste-t-il à faire ? Macky Sall a décidé de finir son mandat avec les mêmes hommes, sous la conduite du candidat Amadou Ba. Pour le Premier ministre, ces 39 ministres doivent aussi l’aider à gagner la Présidentielle du 25 février 2024. Comme en septembre 2022, il n’a pas changé de champ lexical, même s’il y a rajouté quelques expressions : «C’est un gouvernement de missions et de combat. Je réaffirme ma détermination à poursuivre sans relâche la vison d’un Sénégal émergement et d’assurer une coordination optimale de l’action gouvernementale.» Il détaille les misions à lui confiées par le chef de l’Etat qui pense surtout à sa succession et la consolidation de son héritage.
«Ce gouvernent est chargé de conduire pour les 6 prochains mois, quatre orientions majeures : il aura à répondre aux défis de la souveraineté et assurer une bonne organisation de l’élection présidentielle du 25 février 2024, de prendre en charge les urgences économiques et sociales, notamment la consolidation de la croissance, l’amélioration du pouvoir d’achat des populations, la lutte contre la vie chère et l’insertion et l’emploi des jeunes, ainsi que l’organisation, dans les meilleures conditions, de la campagne de commercialisation agricole, et veiller à la stabilité des services publics et à la stabilité sociale de l’ensemble des secteurs de la vie de la Nation, à savoir l’ éducation, la santé, l’enseignement supérieur et les collectivités territoriale, et finaliser les projets prioritaires du chef de l’Etat et amorcer le déploiement à partir du dernier trimestre de 2023 du Pap 3 du Sénégal émergent avec l’entrée du Sénégal dans l’ère de l’exploitation du pétrole et du gaz», liste Amadou Ba, visage dégoulinant de sueur. Or, le plus dur n’a pas encore commencé…
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