Par Amadou MBODJI

– La compagnie théâtrale Kaddu Yaraax s’est engagée dans un chantier qui consiste à traduire en wolof la pièce théâtrale Médecin malgré lui  de Molière sous le titre en wolof de Doctor Ci Lu Dul Coobarem. «Le projet que nous avons cette année est la pièce de théâtre de Molière Médecin malgré lui qu’on a traduite en wolof. C’est une très belle histoire avec laquelle on peut parler des soins médicaux en général dans les pays en développement, de l’industrialisation de la médecine, de la précaution dans la médecine traditionnelle, son efficacité, son efficience, les critiques contre cette médecine. On peut aussi parler de l’apologie de la médecine moderne et du Covid-19. La pièce de théâtre permet de revenir sur tous ces éléments-là. Et c‘est une pièce qui parle de la violence faite sur les femmes», informe Mamadou Diol, directeur artistique de Kaddu Yaraax. «On va beaucoup travailler sur cette pièce là et en 2022, si tout va bien, on va faire beaucoup de représentations au Sénégal», renseigne Mamadou Diol qui souligne que la traduction leur a pris un bon bout de temps.   «On a fait quatre mois de traduction en wolof sans sauter un jour. Moi et Seydou Bâ, un traducteur spécialiste de la langue wolof qui habite Yeumbeul, avons traduit la pièce», fait savoir le responsable de la compagnie théâtrale de Yaraax qui estime que cette «pièce renferme une dimension politique». «Toutes les pièces ont été traduites en combien de langues dans le monde ? On ne sait pas mais ce n’est traduit dans les langues africaines. On est en train de montrer que nos langues ont cette valeur scientifique, culturelle et artistique. Le message sous ce rapport est très fort. Au Brésil, la pièce Médecin malgré lui est traduite en portugais, en Finlande, on la joue en finnois, en Espagne, au Japon. On est en train de montrer que nos langues comme le wolof sont d’égale dignité avec les autres langues», avance M. Diol.

Jouer en wolof sur les scènes d’Europe
Le directeur artistique de la compagnie théâtrale de Yaraax se projette à l’horizon 2022, en soulignant que des tournées sont prévues à l’étranger pour offrir au public étranger cette pièce en wolof. «On va la jouer en Europe et en Amérique du Sud en faisant le sous titrage comme les autres le font dans leur langue. On compte d’abord commencer au Sénégal avant d’aller nous produire à l’étranger. On a commencé à avoir des link en Amérique du Sud, au Brésil notamment. Les groupes chinois, allemands, lorsqu’ils se rendent en France, ils jouent les pièces dans leur langue.  Nous ferons aussi la même chose lorsqu’on jouera la pièce à l’étranger. A travers cette pièce, nous cherchons à valoriser nos langues à travers le wolof. C’est très politique et il n’est pas exclu de jouer dans les autres langues comme le pulaar. Mais pour cette fois-ci, nous nous limitons au wolof parce que la traduction nous a pris cinq mois», soutient celui qui apprécie à sa juste valeur, le travail abattu autour de cette pièce de Molière. Mamadou Diol table sur un budget de 20 millions de nos francs pour pouvoir dérouler normalement cette pièce théâtrale dont la première représentation est prévue en décembre prochain au Sénégal au siège de Kaddu Yaraax.

Un budget de 20 millions
«Nous sommes en train de refaire la salle de Kaddu Yaraax», déclare Mamadou Diol pour montrer que la compagnie théâtrale est en plein dans les préparatifs de cette première représentation mais réfléchit déjà à une diffusion de cette pièce sur les chaînes de télé sénégalaises. «Nous ne vendons pas cette pièce aux télévisons, nous voulons montrer à travers sa diffusion qu’avec nos langues nationales, on peut faire ça. Il y a des gens qui disent que si vous ne jouez pas en français, vous n’aurez rien. Mais la France est un pays de théâtre qui a énormément de gens avec qui on peut faire de bonnes choses. Mais on veut leur montrer qu’on a traduit leur langue en wolof », ne manque de souligner le directeur artistique de Kaddu Yaraax. «Ce que nous faisons, c’est de la production artistique et après nous rentrons dans le marché artistique. On travaille pour que ce produit soit vendable et nous sommes en pourparlers avec de très grandes salles en France.»

Scènes ’’impudiques’’ dans les séries : Mamadou Diol prône une touche africaine
Les séries sénégalaises jouissent d’une certaine notoriété. Mais au sein de la population, ces produits divisent du fait de certaines scènes jugées « impudiques ». Invité à parler de ces téléfilms sénégalais sur lesquels les critiques s’abattent en leur reprochant de s’écarter des règles de bonnes conduites, Mamadou Diol estime qu’il ne pourrait s‘exprimer qu’en prenant en compte la dimension artistique. « Il y a des choses qui n’en valent pas la peine. La touche africaine devrait apparaitre dans les productions de téléfilms. Si on fait du mimétisme en faisant ce que les européens font, je pense que ce que nous produisons n’atteindra pas le niveau souhaité. Cela fera que nos productions ne seront pas attrayantes », dit-il en faisant appel « à l’originalité » dans les téléfilms sénégalais et africains. Il cite ainsi l’exemple des groupes indiens qui selon lui, ne « s’écartent pas de l’orthodoxie » en parlant des thèmes de société, de la politique et de la culture.
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