Après le succès de «Tundu wundu» qui a remporté le prix de la Meilleure série au Fespaco 2017, Abdou Lahat Wone revient avec une nouvelle production, tout à l’opposé de la précédente. «Dérapages», qui raconte l’histoire de Aby, une femme de 35 ans qui rencontre un garçon prédateur plus jeune qu’elle et qui va gâcher sa vie à un moment, ressemble plus à ces histoires que l’on retrouve dans les Novelas. Un choix assumé par le réalisateur.
Les détails sont réfléchis et chaque objet à sa place. Dès qu’elle entend le mot «Action», l’actrice se met en mouvement pour se couler dans la peau de son personnage. La scène se joue à l’arrière du Musée des civilisations noires. Après le succès de Tundu wundu, Abdou Lahat Wone, réalisateur sénégalais, s’attaque à un nouveau projet. Dérapages, la nouvelle série qu’il est en train de tourner, prend forme petit à petit. L’équipe d’une dizaine de personnes travaille comme un ballet bien huilé. Aujourd’hui, la scène à tourner met en jeu une journaliste comme protagoniste. Votre serviteur, préposé à la tâche, se glisse tant bien que mal dans le rôle. Après plusieurs répétitions, la scène est tournée. Et le réalisateur peut s’accorder quelques minutes de pause. «Dérapages, c’est l’histoire de Aby, une femme de 35 ans qui rencontre un garçon prédateur plus jeune qu’elle et qui va gâcher sa vie à un moment», raconte-t-il succinctement. Mais ce projet ne sera pas dans la même veine que Tundu wundu, laisse échapper M. Wone. «Dérapages sera un peu dans un genre Novelas», dit-il. «On travaille dessus depuis trois à quatre ans. C’est un produit qu’on veut faire grand public, contrairement à ce qu’on faisait avant. Cette fois, on cible réellement les femmes, les ménagères ; d’où le changement de style», explique-t-il.
Télénovelas à la sauce sénégalaise
Après quelques minutes de pause, l’équipe se reforme et le tournage continue. C’est le moment d’approcher l’actrice principale. Elle n’est pas totalement inconnue du public sénégalais. Kadia Sall, ancienne Miss reconvertie dans le mannequinat, incarne le personnage de Aby. Kadia qui vit à Accra est rentrée au bercail le temps de se glisser dans la peau de Aby, le personnage principal du film. «Je me retrouve très bien dans certaines situations et dans d’autres, je suis juste obligée d’incarner le personnage de Aby. Mais c’est un personnage que je n’aurais pas beaucoup affectionné si j’étais juste téléspectatrice. Seulement, quand je joue un rôle, je rentre carrément dans le personnage et je finis par le défendre bec et ongles.» Selon le réalisateur, la production a choisi de faire appel à l’ancienne reine de beauté pour apporter une touche nouvelle. «On a fait appel à Kadia Sall, un mannequin qui a exercé pendant longtemps dans le milieu de la mode. L’important dans notre choix, c’était d’avoir des personnages nouveaux», souligne-t-il. Pour donner la réplique à Kadia Sall, la production a cherché à la fois tout près, mais loin du pays. Le nouveau visage qui fait ses premiers pas sous les caméras sénégalaises est celui de Peter Salinger, un métis germano-gambien. Après quelques apparitions dans des publicités, l’homme au look de jeune premier s’est parfaitement glissé dans le personnage de Bachir Diop. «On essaie de prendre le rôle et de s’imaginer si on était cette personne et si on avait pris ce chemin, parce que c’est notre chemin qui forge notre caractère. J’essaie vraiment de me mettre à la place de Bachir Diop tout en restant naturel. Parfois, on a des prises qui sont compliquées techniquement ou par rapport aux autres acteurs», raconte-t-il.
Dans le tournage, il arrive souvent que l’on reprenne plusieurs fois la même scène. C’est ce qui complique la tâche des acteurs, surtout, indique Peter Salinger, quand il faut reproduire la même émotion au fil des scènes. Pour Kadia, une autre contrainte, c’est la durée du tournage. «Une série ça prend beaucoup de temps. Un long métrage, on le tourne en deux mois au max. Mais là, on a commencé depuis le Ramadan et je ne peux pas faire autre chose. Je suis une femme avec plusieurs casquettes et qui fait beaucoup d’activités. Je suis obligée de tout mettre en attente pour pouvoir terminer une saison», dit-elle.
Financement de ITv, de la Francophonie et du Fopica
Sur le plateau de tournage, l’équipe continue son ballet en essayant de rester à l’abri de la pluie qui n’en finit plus de tomber. Les opérateurs image et son discutent sur une scène en préparation. Dans la loge improvisée, maquilleuses et habilleuses se concertent. L’équipe qui compte une cinquantaine de personnes au total, techniciens comme acteurs, travaille sur la première saison de la série qui compte 26 épisodes de 26 minutes. Selon M. Wone, aucun retard n’est encore enregistré et le film devrait être sur l’écran de la télévision du groupe Emedia invest dès octobre. Une fois n’est pas coutume, la chaîne a en effet innové en participant financièrement à la réalisation de la série. «C’est la première fois qu’une chaîne prenne le risque avec nous et nous accompagne. Quelle que soit la somme qu’ils ont mise, c’est une dynamique qu’il faut encourager. Si les télés locales ne parviennent pas à participer aux productions locales, au bout d’un certain moment, il n’y a en aura plus», insiste Abdou Lahat Wone qui a également reçu un soutien de la Francophonie et du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique du Sénégal (Fopica). D’autres partenaires locaux ont également apporté leur soutien à l’auteur de la meilleure série au Fespaco 2017.