Nouvelle série de Marodi : La Dci arrête Rebelles
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La dernière-née des séries de Marodi ne fera peut-être pas long feu. En effet, c’est à quelques jours de la diffusion que la société de production, dirigée par Mass Ndour, a reçu la mise en demeure de la Direction de la cinématographie qui refuse d’accorder une autorisation de tournage à «Rebelles, un combat pour l’unité». En cause, des risques de «troubles à l’ordre public», selon la Dci. «Un abus», estime Marodi.Par Mame Woury THIOUBOU
– La maison de production Marodi a annoncé l’arrivée prochaine de sa nouvelle série. Rebelles, un combat pour l’unité devait même démarrer sa carrière sur les écrans de Sunu Yeuf, YouTube et plus tard sur A Plus, à compter de ce mercredi 21 septembre 2022. Mais voilà, une «fatwa» de la Direction de la cinématographie est venue doucher l’enthousiasme de Marodi et des fans. Selon les explications de Marodi, la Dci a tout simplement rejeté la demande d’autorisation de tournage et interdit dans la foulée, toute diffusion de la bande-annonce de la série. «Conformément aux dispositions qui organisent toute œuvre cinématographique et audiovisuelle, la société́ de production Marodi Africa Sas a soumis, en date du 16 mars 2022, une demande d’autorisation de tournage, accompagnée des dates de tournage et de diffusion, à la Direction de la cinématographie. Face à̀ l’absence de réponse de la Dci, la société́ de production Marodi Africa Sas a sollicité des entrevues et formulé de nombreuses relances par mail, avant de recevoir un refus de tournage daté du 14 juillet 2022.» La décision de la Dci semble ainsi incompréhensible pour Marodi. «Ce refus de tournage n’a pas été motivé, et la thèse d’un risque avéré de troubles à l’ordre public n’est pas non plus suffisamment justifiée par l’autorité aux fins de donner à la société de production Marodi Africa Sas, toute possibilité d’amender et/ou de modifier le contenu de son œuvre le cas échéant», indique la société dans une note. La correspondance de la Dci est arrivée au plus mauvais moment, quand le tournage avait déjà démarré, que Marodi avait commencé à investir dans le projet et qu’une bande-annonce avait déjà été diffusée. «Cette décision de la Direction de la cinématographie condamne ainsi au chômage technique, les équipes de tournage de la société de production Marodi Africa Sas qui travaillent d’arrache-pied depuis plus d’une année déjà sur le projet», indique Marodi qui pouvait espérer tirer des revenus conséquents de cette production. En effet, sur la chaîne YouTube de Marodi, la bande-annonce de Rebelles affiche déjà plus de 200 000 vues. Mais dans la situation actuelle, elle va plutôt vers des pertes financières considérables.
«Nous pensons que nous sommes victimes d’une injustice, parce qu’on ne voit pas en quoi ce projet peut être un trouble à l’ordre public. C’est une atteinte à la liberté de création», estime Thian Thiandoum, le réalisateur de la série. Joint par téléphone, M. Thiandoum estime même qu’au contraire, la série promeut des valeurs républicaines. «La Dci n’a pas autorité pour empêcher la diffusion d’une œuvre. On ne nous a notifié aucune raison valable», poursuit-il. «C’est une fiction, on a la liberté de créer, de nous saisir des problématiques de notre époque. On sait que le sujet est sensible, mais on est responsables et on a le droit d’en parler comme tous ceux qui s’expriment chaque jour sur la question de la Casamance. On demande juste la même liberté», se justifie-t-il.
Les «erreurs» de marodi
«A la faveur d’un remaniement ministériel, Moïse Adjodjena Badji, jeune politicien prometteur, est promu au poste très convoité de chef de Cabinet du président de la République. Ce jeune dandy, insouciant, qui croque la vie à pleines dents, va vite se faire des ennemis et se retrouver ainsi au cœur d’un complot au plus haut sommet de l’Etat. Le but est de créer l’instabilité en Casamance afin de servir des intérêts privés.» Tel est le résumé de cette série dont la bande-annonce, très bien faite au demeurant, met l’eau à la bouche. Depuis 1982, moment où le conflit démarre en Casamance, jusqu’à aujourd’hui, la crise casamançaise est traitée «avec des pincettes». Les autorités surveillent évidement toute production y faisant référence. Dans ces conditions, le délai pris par la Direction de la cinématographie pour instruire la demande d’autorisation de tournage de Marodi prend tout son sens. Sans légitimer la censure, de quelque forme qu’elle soit, il est tout de même nécessaire de relever certaines «erreurs» de la production. Et l’erreur de Marodi aura été de n’avoir pas eu la patience d’attendre de rentrer en possession de ce document pour démarrer son tournage. Ne serait-ce que pour ne pas prêter le flanc. Marodi, qui aurait pu placer son récit dans un pays imaginaire, a plutôt choisi de mettre à l’écran, une histoire réaliste. Et la société s’attire ainsi l’ire des autorités qui, selon certaines indiscrétions, auraient des doutes sur les modes de financement. Marodi pour sa part, précise avoir assuré l’entièreté de celui-ci avec la collaboration de Canal Plus.
Projection de presse
«La société de production Marodi Africa Sas sollicite qu’il plaise à la Direction de la cinématographie de procéder à la révision de son appréciation du contenu de la série. Car interdire le tournage d’une œuvre cinématographique dans le pays de Ousmane Sembène, qui a vu naître le premier film du continent, constitue un dangereux précédent de censure, ainsi qu’une grave atteinte à la liberté d’expression, consacrée par les articles 8 et 10 de la Constitution sénégalaise», conclut Marodi dans son adresse aux abonnés. Et pour lever toute équivoque, une projection-presse des 3 premiers épisodes est prévue aujourd’hui. Rebelles est la 18e série produite par Marodi. A la pointe de l’industrie cinématographique sénégalaise, cette maison de production revendique aujourd’hui un catalogue bien fourni. Parmi les plus populaires, Maîtresse d’un homme marié, Golden ou encore Impact et L’or de Ninki Nanka.
mamewoury@lequotidien.sn