Depuis la suppression du poste de Pm, aucun membre du gouvernement ne s’est rendu à l’Assemblée pour faire face aux députés. En attendant, le régime du Président Sall vient proposer une nouvelle stratégie de communication avec le programme, le «Gouvernement face à la presse». Ce matin, 7 ministres et un secrétaire d’Etat feront face aux journalistes pour évoquer les questions urgentes de l’heure comme l’émigration clandestine, la polémique sur les Dipa, la formation professionnelle…

C’est une innovation qui vise à corriger une carence gouvernementale. Même si ce n’est pas une première. Abdoulaye Wade avait lancé dans son deuxième mandat les conférences de presse hebdomadaires, tous les vendredis avec les journalistes au Palais. Et cela avait été porté par son ministre-porte-parole, El Hadj Amadou Sall. Au début de son septennat, le Président Sall avait, lui aussi, fait accréditer des correspondants à la Présidence comme aux Etats-Unis. C’était une initiative mort-née, car elle a été enterrée le jour de la prise de contact avec les reporters choisis par les différentes rédactions. Le Président Sall s’est toujours plaint que ses réalisations n’eussent pas été mises en lumière par ses souteneurs. Il leur suggérait même de prendre d’assaut les médias pour les partager avec le Peuple sénégalais. En lançant le «Gouvernement face à la presse», qui se tiendra tous les 14 jours, le régime Sall veut libérer sa parole en débattant des questions d’actualité qui rythment le quotidien des Sénégalais. Qui se souvient d’une conférence de presse du porte-parole du gouvernement ? Seule sa signature au bas du communiqué du Conseil des ministres rappelle l’existence de ce poste dans l’attelage gouvernemental. Pour­tant, il est tellement névralgique.
Cette nouvelle formule, qui sera lancée ce matin au Building administratif Mamadou Dia, sera fortement épiée. Autour du porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye, les ministres Antoine Diome, Abdoulaye Diouf Sarr, Assome Aminata Diatta, Moussa Baldé… sont attendus sur les urgences de l’heure : il y a la recrudescence du phénomène de l’émigration clandestine avec son lot de morts, qui étreint de nombreuses familles sénégalaises. Nouvellement nommé à ce poste, Antoine Diome sera bien sûr interrogé sur les questions sécuritaires et électorales. Alors que le secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, Moïse Sarr, donnera probablement des chiffres sur la situation des Sénégalais à l’étranger, notamment les expulsions liées à l’émigration.
Aujourd’hui, l’actualité sanitaire est rythmée par la baisse continue des cas positifs au Covid-19 et les annonces des grands laboratoires qui ont certifié avoir trouvé des vaccins efficaces contre le coronavirus. Quelle stratégie va mettre en place le Sénégal pour vacciner massivement sa population si l’Organisation mondiale de la santé (Oms) valide les derniers essais cliniques ? Quid de la maladie mystérieuse qui affecte de nombreux pêcheurs sénégalais ? Autant Abdoulaye Diouf Sarr devra s’expliquer sur ces questions, autant le ministre de l’Economie maritime devra éclairer les Sénégalais sur les accords de pêche signés avec l’Union européenne et qui font déchaîner des passions. Alors que le secteur de la pêche est frappé par une crise structurelle et conjoncturelle. Serigne Mbaye Thiam, qui fera partie du banquet, est dans des eaux tumultueuses avec la persistance de la pénurie du liquide précieux dans la capitale et sa banlieue. Assome Aminata Diatta, ministre du Commerce et des Petites et moyennes entreprises (Pme), aura la tâche d’édifier les travailleurs de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) sur les autorisations d’importation de produits alimentaires octroyées à des opérateurs privés, «exposant leurs emplois». C’est une épine aussi grosse que les polémiques qui entourent les Dipa.

Les questions des journalistes préférées à celles des députés 
Cette plateforme de communication pour s’adresser aux citoyens vient combler le vide dans la communication gouvernementale. Mais elle ne peut se substituer aux interpellations légales et légitimes des députés. En effet, depuis la suppression du poste de Premier ministre, les membres du gouvernement n’ont pas daigné répondre aux questions écrites et orales des parlementaires au point que certains pensaient que la disposition est emportée par l’impossibilité pour le Président de dissoudre de l’Assemblée et de celle-ci de renverser le gouvernement par une motion de censure. Or les membres du gouvernement «peuvent être entendus à tout moment par l’Assemblée nationale et ses commissions» et «se faire assister par des collaborateurs». Entre avril et aujourd’hui, c’est une kyrielle de questions de députés qui sont dans les tiroirs du Bureau de l’Assemblée. Aïda Mbodj aurait été menacée de mort pour avoir réclamé les ministres Diouf Sarr et Mansour Faye sur les enveloppes de 64 et 69 milliards de francs Cfa, respectivement destinées au secteur de la santé et à l’aide alimentaire d’urgence. Mamadou Diop Decroix a interpellé les membres du gouvernement sur les licences de pêche et l’émigration clandestine. Et Ousmane Sonko a, lui, posé des questions écrites sur «L’affaire Terme sud» et les «Conditions de cession définitive ou provisoire d’immeubles bâtis de l’Etat». Et dernièrement, le leader de Pastef a envoyé à Moustapha Niasse deux questions adressées au gouvernement relatives aux «Cas supposés d’escroquerie sur deniers publics et virements illégaux de fonds publics» et à «L’enseignement supérieur et la formation professionnelle». Aucune réponse. Des questions qui ne manqueront peut-être pas à cette conférence de presse.