Le mot d’ordre des Objectifs de développement durable (Odd) c’est de ne laisser personne en rade, y compris les personnes handicapées qui, selon le président de la Fédération sénégalaise des associations de personnes handicapées, Yatma Fall, ont fortement influencé ce slogan. Faut-il le rappeler, lors de la conception des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd), la question du handicap n’était pas prise en compte. Pour Salimata Baucoum, directrice de Sightsavers, les Odd ont donc le mérite d’intégrer le handicap et «c’est un grand pas», se réjouit-elle modestement. Mais pour Mme Baucoum, le grand défi aujourd’hui avec ces Odd, c’est de faire en sorte que les mots et les vœux pieux soient traduits en actes.
Pour ce faire, Salimata Baucoum, par ailleurs coordonnatrice du Groupe de travail des organisations de la Société civile sur le suivi des Odd, appelle le Sénégal à s’engager comme champion pour la désagrégation des données. Elle estime que la désagrégation des données constitue la solution pour atteindre l’objectif d’inclusion. Car, «pour le suivi des Odd, il faudra mesurer les indicateurs pour rendre compte de la prise en charge des besoins de cette cible que sont les handicapés», note-t-elle. D’ailleurs, révèle la directrice de Sightsavers, beaucoup de pays comme le Ghana se sont dans la charte des données inclusives, lancée en juillet 2018 à New York.
Amacodou Diouf appuie les propos de Mme Baucoum. Il estime que notre pays doit obligatoirement et fondamentalement revisiter le système des statistiques. «Il faut travailler davantage au niveau de la formulation à désagréger les données en fonction non seulement de la situation sociale de la personne handicapée en tant que être social, acteur économique ou bénéficiaire de l’action économique», soutient-il. Le président du Conseil des organisations non-gouvernementales d’appui au développement (Congad) estime que c’est un passage obligé pour avoir des statistiques beaucoup plus adaptées. Car pour lui, le handicap n’est pas, comme on le pense au Sénégal, une dimension uniquement sociale. «Il faut aussi prendre la dimension économique de la personne handicapée. Car quelque part, certaines personnes handicapées ont une plus-value à apporter», précise-t-il.
Il est vrai ; note Yatma Fall, dans le Programme d’action prioritaire1 du Plan Sénégal émergent (Pse), le gouvernement avait fait l’effort de mettre en place certaines politiques sociales notamment la Couverture maladie universelle (Cmu), la carte d’égalité des chances, les bourses familiales. Mais comme on l’a rappelé, le «handicap n’est pas seulement une question sociale, il est transversal et intéresse tous les secteurs du développement. Il faut des indicateurs qui nous renseignent sur la dimension économique, sociale, culturelle, ceci pour ajuster les politiques et programmes publics pour une meilleure prise en compte de nos besoins», plaide-t-il.
Au-delà des données, Amacodou Diouf appelle également, les collectivités locales et ceux qui font la revue de la planification pour qu’ils tiennent compte du handicap. Car, «la mise en œuvre des politiques se fera au niveau des territoires», note-t-il. Citant sa propre expérience avec le Programme national de développement local (Pndl) dans le cadre d’un projet déroulé dans quatre communes, le président du Congad souligne que dans les budgets, la dimension handicap n’existe même pas.
Pour cette raison, les personnes handicapées doivent se positionner pour porter le plaidoyer.
Entre autres objectifs de cet atelier de suivi des Odd, c’est d’outiller et de renforcer les capacités des responsables des personnes handicapées, afin qu’elles puissent sensibiliser les pouvoirs publics de leurs préoccupations.
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