Le prix de l’oignon secoue actuellement le marché et les ménages sénégalais. Les ménagères se plaignent de l’actuelle flambée, qui fait qu’à l’approche des fêtes, un produit aussi indispensable atteigne des niveaux de prix prohibitifs. Ce qui est encore plus incompréhensible est que s’agissant du produit en question, le Sénégal a déjà atteint l’autosuffisance. Aujourd’hui, les ménagères sénégalaises versent des larmes à cause de l’oignon, mais c’est parce que le produit est devenu cher et introuvable, dans un pays qui se targue d’en être l’un des plus gros producteurs africains.

Le kilo d’oignon est actuellement, sur certains marchés de la capitale, à 1500 francs Cfa. Depuis l’année dernière, ce produit alimentaire, indispensable à la cuisine sénégalaise, connaît des hausses jugées par certains comme étant prohibitives. Nous sommes passés de 5000 francs Cfa le sac de 50 kg à 25 000 actuellement, en passant par 7000, 11 000 et 19 500 frs. Le tout en moins d’une année. L’année dernière, à la même période, l’opinion nationale avait été scandalisée par l’information selon laquelle à Touba, on avait vendu le sac d’oignon à 50 000 francs Cfa. Au rythme où les prix de cette denrée évoluent, beaucoup de ménagères disent ne pas s’étonner si demain, le même montant leur était demandé dans des villes comme Dakar. Pour beaucoup d’observateurs locaux, ainsi que des consommateurs, les producteurs sénégalais profitent toujours de la période d’interdiction des importations pour augmenter les prix. Les producteurs sénégalais, de leur côté, font valoir la faiblesse de leurs marges pour essayer de maximiser au plus vite leurs bénéfices. Et surtout, le manque de soutien de la part des autorités publiques. L’Agence de régulation des marchés fait valoir qu’elle offre aux horticulteurs sénégalais des faveurs importantes pour leur permettre de développer la filière et permettre, par ce biais, au pays d’en finir avec les importations, très coûteuses en devises.

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L’oignon sénégalais est essentiellement planté dans la zone des Niayes et dans la vallée du fleuve Sénégal, deux zones qui présentent des conditions favorables à la conduite de cette culture. Les études ont permis de développer des variétés qui peuvent être cultivées aussi bien en saison chaude qu’en période de froid. Le soutien des pouvoirs publics et l’engouement autour de la consommation du produit ont fait que, depuis 2004 environ, le Sénégal a pu dépasser les 200 000 tonnes de production. Ce qui correspond presque à la quantité consommée localement. L’ennui est que bon an, mal an, la moitié de la production est perdue, faute d’avoir respecté les normes culturales, et surtout du fait des capacités de conservation insuffisantes.

Si l’oignon du Sénégal a connu cette forte augmentation, c’est d’abord du fait de la demande. Le respect des normes de cultures a favorisé la qualité et attiré les ménagères. De ce fait, les chiffres de l’Arm indiquent que de 2006 à 2013 par exemple, la consommation est passée de 6 kg d’oignons par personne à 13 kg. Les producteurs des Niayes et de la vallée, qui se plaignaient de devoir faire face à la concurrence des importations, venant principalement de Hollande, ont pu imposer aux pouvoirs publics de fermer les frontières à ces produits, pour leur permettre d’écouler leurs produits. Néanmoins, l’oignon local souffre depuis longtemps d’une faiblesse dans le respect des normes culturales, qui fait que l’Etat ne peut arrêter définitivement les importations.

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Les producteurs ont toujours demandé à l’Etat de les appuyer pour augmenter les capacités de stockage. Malheureusement, les hangars de conservation ne progressent pas au rythme qu’il faudrait. Et surtout, certains spécialistes font remarquer que l’on ne peut conserver des produits de moindre qualité pour faire plaisir aux producteurs locaux. L’Etat a donc besoin, pour le moment, d’augmenter les capacités de stockage du Marché d’intérêt national pour lui permettre de conserver plus que les 4000 tonnes à l’heure actuelle. Mais surtout, l’Autorité de régulation doit se donner les moyens d’encadrer la filière, depuis la culture jusqu’à la récolte, pour veiller au respect de la qualité du produit et être en mesure d’imposer, avec le temps, un label sénégalais de qualité en ce qui concerne l’oignon.

Pour le moment, l’oignon au Sénégal représente environ 40 milliards de francs Cfa de chiffre d’affaires. Bien encadré et avec une bonne régulation, ce montant pourrait facilement être doublé, sinon plus encore. Un tel pactole ne devrait pas être géré au petit bonheur la chance et à la merci des spéculateurs.

Par Mohamed GUEYE / mgueye@lequotidien.sn