Selon un rapport de l’Oim, un migrant sur trois décède en essayant de fuir un conflit. Egalement, plus de 63 mille décès et disparitions enregistrés pendant la migration au cours des dix dernières années ne représentent probablement qu’une fraction du nombre réel de décès à travers le monde. Le rapport met en lumière la nécessité d’améliorer les efforts de collecte de données afin d’évaluer précisément l’ampleur du problème et de répondre aux défis plus larges de la migration dangereuse, poursuit l’organisation.Par Ousmane SOW –

La plupart des migrants morts restent juste des chiffres… anonymes. Alors que plus d’un tiers des migrants décédés dont le pays d’origine a pu être identifié, provient de pays en conflit ou accueillant de nombreux réfugiés. Ce qui met en évidence les dangers auxquels sont confrontés ceux qui tentent de fuir les zones de conflit sans voie de migration sûre. «Toutefois, les informations sur les identités des migrants disparus sont très incomplètes. L’une des principales conclusions du rapport est le nombre élevé de décès non identifiés. Plus des deux tiers des migrants dont le décès a été recensé, restent non identifiés, plongeant les familles et les communautés dans le désarroi de la perte ambigüe de leurs proches. Ce constat met en lumière la nécessité de mieux coordonner la collecte de données et les processus d’identification afin de permettre aux familles de faire leur deuil», note l’Organisation internationale pour les migrations (Oim) dans un nouveau rapport. «Malgré les nombreuses vies perdues dont l’identité reste inconnue, nous savons que près de 5 mille 500 femmes ont péri le long de routes migratoires ces dix dernières années et le nombre d’enfants non identifiés avoisine les 3500», poursuit Ugochi Da­niels, Directrice générale adjointe de l’Oim chargée des Opérations. «Le tribut payé par les populations vulnérables et leurs familles nous exhorte à transformer les données en actions concrètes.»

Intitulé «A decade of documenting migrant deaths», le rapport s’est penché sur les 10 dernières années en évaluant les évolutions des migrations. Il a été recensé plus de 63 mille décès et disparitions pendant la migration au cours de cette période. Alors que l’année 2023 était la plus meurtrière. «Ces chiffres montrent qu’il est urgent de renforcer les capacités de recherche et de sauvetage, de faciliter des voies de migration sûres et régulières, et d’agir en fonction de données probantes afin de prévenir de futures pertes humaines. L’action doit également intégrer une coopération internationale plus importante à l’encontre des réseaux de trafic illicite et de traite peu scrupuleux», ajoute l’Oim.

Il faut noter que quand le Projet Migrants disparus a démarré en 2014, les informations étaient issues presque exclusivement d’articles de presse compilés dans une simple feuille de calcul. «Dix ans plus tard, la collecte de données s’est grandement améliorée, mais la réalité pour les migrants contraints d’emprunter des itinéraires dangereux n’a pas changé. Aujourd’hui, le Projet Migrants disparus reste la seule base de données mondiale en accès libre sur les décès et disparitions de migrants, regroupant des informations provenant de sources très diverses, notamment d’informateurs-clés des gouvernements, des Nations unies et des organisations de la Société civile», poursuit l’Oim.

Aujourd’hui, les principales conclusions du rapport font froid dans le dos : près de 60% des décès recensés pendant la migration ont pour cause la noyade, avec plus de 27 mille cas rien qu’en Méditerranée. Ce qui relance le débat sur «la nécessité de renforcer les capacités de recherche et de sauvetage pour sauver des vies en mer et souligne l’importance de travailler avec les gouvernements pour faciliter des voies de migration plus sûres». Il y a eu un signalement insuffisant des décès de migrants. «Les plus de 63 000 décès et disparitions enregistrés pendant la migration au cours des dix dernières années ne représentent probablement qu’une fraction du nombre réel de décès à travers le monde. Le rapport met en lumière la nécessité d’améliorer les efforts de collecte de données afin d’évaluer précisément l’ampleur du problème et de répondre aux défis plus larges de la migration dangereuse. Plus de 37 mille personnes sont décédées sans que l’on dispose d’information sur leur sexe ou leur âge, ce qui indique que le nombre réel de décès de femmes et d’enfants est vraisemblablement beaucoup plus élevé», ajoute l’Oim.

Des morts anonymes
Par ailleurs, il faut regretter l’augmentation du nombre de décès. «Malgré les engagements politiques pris et l’attention médiatique, les décès de migrants sont en hausse ; l’année 2023 étant la plus meurtrière jamais enregistrée avec plus de 8500 décès recensés. A ce jour en 2024, la tendance n’est pas moins inquiétante. Rien qu’en Méditerranée, tandis que le nombre d’arrivées est considérablement plus faible (16 818) par rapport à la même période en 2023 (26 984), le nombre de décès est presque aussi élevé que l’an dernier», ajoute l’Oim.

Pour l’organisation onusienne, il faut une attention politique accrue. «Un nombre croissant d’initiatives et d’instruments mondiaux, régionaux et nationaux encouragent à agir en faveur des migrants disparus. Les données du Projet Migrants disparus sont utilisées comme mesure (du manque) d’avancées dans la réalisation de l’objectif de migration sûre des Odd. La Déclaration de progrès 2022 du Secrétaire général des Nations unies sur le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières met en avant le rôle crucial des gouvernements dans la prévention des décès de migrants et appelle à émettre des recommandations concrètes pour améliorer la coordination internationale et l’aide humanitaire. Ces recommandations, qui devraient être publiées en 2024, constitueront une feuille de route mondiale pour faire face à la crise actuelle», note l’Oim.

Avec le nouveau Plan stratégique 2024-2028, l’Oim met en avant son principal objectif, sauver des vies et protéger les personnes en déplacement. «Mais nous ne pouvons y parvenir seuls. Nous appelons les Etats et autres partenaires à nous rejoindre dans notre travail pour mettre fin aux décès de migrants et remédier aux conséquences des décès de dizaines de milliers de mi­grants le long des routes migratoires à travers le monde», espère l’Oim.