La population carcérale était de 12 910 détenus au 31 décembre 2023 pour les 37 prisons que compte le pays, alors que ces établissements ne disposent que d’un plafond budgétaire pour 10 905, soit un gap de 2005 places, représentant 15, 53%, à combler. Parmi les 12 910 prisonniers, 5450 sont des condamnés, soit 42, 21%, et 7470 sont en détention provisoire, soit 57, 86%. A la fin de l’année 2023, 11 929 infractions ont été constatées par la Police nationale et 7781 personnes déférées devant le Parquet dont 314 étrangers, pour diverses infractions. Ces chiffres montrent le potentiel de personnes susceptibles d’être exposées à des violations de leurs droits, notamment celui de ne pas faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants dans les lieux de privation de liberté. Pour se pencher sur la question, l’Observatoire national des lieux de privation de liberté (Onlp) a tenu, à Saly, un atelier de renforcement de capacités des magistrats, des officiers de Police judiciaire, des avocats et des médecins légistes au niveau des frontières terrestres sur les instruments internationaux de prévention de la torture et le mandat de l’Onlpl.Par Alioune Badara CISS (Correspondant) –
Selon Madiaw Diaw, magistrat, Observateur national des lieux de privation de liberté (Onlp), l’objectif, c’est d’appeler à une plus grande vigilance par rapport à la gestion des flux de personnes au niveau des frontières pour mieux les traiter, mieux prendre soin d’elles, veiller au respect de leurs droits, le tout pour une bonne application de la loi.
Appuyé par la Rencontre africaine des droits de l’Homme (Raddho), Madiaw Diaw a indiqué que la torture obéit à une définition très stricte. «D’abord la gravité des sévices, mais également la personne qui est à l’origine de ces sévices, et enfin le résultat obtenu. Quand on fait de la torture, c’est parce qu’on veut soutirer des aveux, obtenir un avantage ou autre. Mais, il faut que ça provienne d’un officier de Police judiciaire de manière générale. Autrement dit, d’une autorité chargée de veiller à l’application de la loi. Si ces conditions ne sont pas réunies, on ne peut pas parler de torture, parce que ce sont des conditions cumulatives, et quand les juges vous parlent de ça, c’est qu’aucune d’entre elles ne suffit à elle seule pour constituer l’infraction. Il faut la présence de tous les trois éléments», a déclaré Madiaw Diaw.
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Toutefois, il a précisé que dans beaucoup de circonstances, «c’est surtout le mauvais traitement qui peut différencier par rapport au cas de torture, parce que ce sont des situations qui ne peuvent pas être laissées en rade sans être prises en compte au plan procédural, et chaque fois que de besoin, si on ne peut pas appliquer de manière stricte cette disposition sur la torture, on fait appel à ces mauvais traitements pour pouvoir les appréhender dans le champ de la répression».
Ainsi, concernant les personnes qui auraient été maltraitées à la police, à la gendarmerie ou en prison, il y a la nécessité de mettre en place un mécanisme pour mieux prévenir, mieux armer ces hommes et femmes pour qu’ils ne puissent pas tomber dans des abus.
Entre autres problèmes soulignés, figure en bonne place le manque de moyens des hommes et femmes au niveau des frontières. «Les moyens ne suffisent jamais, surtout dans un pays en construction. Mais il faut s’adapter à un moment et en faire une priorité. Actuellement vous avez entendu dire qu’il n’y pas d’officiers de Police judiciaire femmes au niveau de ces frontières. C’est quoi le problème ? Parce que nos vaillantes dames parfois ne veulent pas aller dans ces zones reculées. Par exemple, pour faire de la palpation ou de la fouille sur des dames, il va falloir repositionner et prévoir l’affection de dames car aujourd’hui, faute de dames qualifiées pour intervenir dans ce secteur, c’est souvent la femme de ménage ou la femme qui s’occupe de la popote des gendarmes ou des policiers qui est préparée à cela. Tant mieux, ne serait-ce que pour respecter la dignité de ces femmes», a déclaré M. Diaw.
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Des manquements qui influent sur la situation de la torture dans les lieux de privation de liberté au Sénégal. «Depuis que je suis à l’Observatoire, ça fait 2 ans, la situation est difficile. Ça, on ne peut pas se le cacher. Tellement difficile, mais nous y veillons et là également, avec l’appui de ces hommes et femmes à qui ces détenus ou ces personnes gardées à vue sont confiés. Il y a également le problème de la prise en charge alimentaire et sanitaire des personnes gardées à vue et pourtant elles sont nourries, qui le fait ? Ce sont ces gendarmes et policiers qui les nourrissent alors qu’ils n’y étaient pas tenus, ils sortent de leur propre poche pour leur donner à manger ou bien ils organisent une popote après quoi on leur sert à manger. Ils n’y étaient pas obligés, mais ils le font quand même par pur humanisme.» C’est pourquoi l’Onlp a demandé à l’Etat du Sénégal de respecter ses engagements internationaux et surtout le décret de 1966, qui prévoit l’alimentation de ces personnes gardées à vue.
Quant à Sadikh Niass, Secrétaire général de la Raddho, il a magnifié l’intérêt de travailler ensemble, en partenariat avec l’Observatoire, mais aussi avec l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, pour renforcer les capacités sur le mandat de l’Observatoire, mais également sur les mécanismes et instruments de prévention de la torture, surtout la torture à l’encontre des migrants en détention. «La Société civile joue un rôle de veille, nous faisons des enquêtes et nous documentons les situations, et le rôle d’accompagnement des acteurs, de renforcement des capacités, mais également de plaidoyer auprès des autorités pour l’amélioration de la situation qui est parfois déplorable, surtout dans les zones frontalières.»
abciss@lequotidien.sn