L’Office national de recouvrement des avoirs criminels (Onrac) a récolté 194 millions 309 mille francs Cfa de sa troisième édition de vente aux enchères publique de biens saisis et confisqués dans le cadre d’une procédure pénale, qu’il a organisée vendredi dernier au Musée des civilisations noires. Par Floriane CHAMBERT –
194 millions 309 mille francs Cfa ! C’est le montant obtenu par l’Office national de recouvrement des avoirs criminels (Onrac) pour la vente aux enchères de 150 biens saisis par la justice pénale. Un franc succès pour la troisième édition accueillie par le Musée des civilisations noires.
Satisfait, le Directeur général de l’Onrac se félicite de voir que «le crime ne paie pas pour les délinquants, mais (qu’) il peut payer pour la collectivité». Quant à l’utilisation de cette somme, Mor Ndiaye spécifie qu’elle servira «soit à indemniser les parties civiles, soit à renflouer les caisses de l’Etat. Il peut aussi y avoir restitution pour les personnes qui seraient innocentées à l’issue de la procédure». Car les quelques 150 biens vendus aux enchères ont tous la même particularité, celle d’avoir appartenu à des personnes inquiétées par la Justice pénale.
Le Directeur général de l’Office avait, en effet, bien pris le soin de le préciser en début de journée que «ces biens ont été saisis, parce qu’ils constituaient l’objet, le produit direct ou indirect d’une infraction ou parce qu’ils ont pu être utilisés pour commettre cette infraction. Ça concerne, par exemple, des procédures de trafic national ou international de drogue, de la cybercriminalité, vol, escroquerie ou abus de confiance. De manière générale, toutes infractions qui peuvent générer un profit».
Pas de quoi décourager les potentiels acheteurs. Bien au contraire ! Plus de 500 personnes ont fait le déplacement. Mamadou Ndiaye fait partie de ceux que le passé tumultueux de ces objets n’effraie pas. Chargé d’achats dans une grande entreprise, c’est la première fois qu’il participe à une vente aux enchères. «Pour nous, c’est l’occasion de faire de bonnes affaires. Au lieu de laisser périr ces biens, autant les utiliser. Ça sert l’intérêt général», explique-t-il sur les motifs de sa participation à l’évènement.
Débutants ou avertis, tous se voient attribuer un numéro à l’entrée. Ce même numéro qu’ils devront tendre bien haut s’ils veulent espérer repartir avec le lot préalablement repéré. La veille, en effet, les participants ont eu l’opportunité de faire du repérage. C’est le cas de Mme Habibatou Fall Sall. Cette ancienne pilote de course, championne du Sénégal, n’est pas venue par hasard. «Je suis passionnée de voitures et j’en ai repéré une. Mais je ne vous dis pas laquelle. Je n’ai pas envie que les autres à côté entendent et qu’elle me passe sous le nez», dit-elle, discrètement.
Un large éventail reflétant la diversité des trafics illicites
Dans l’excitation générale, la vente s’ouvre classiquement sur les meubles. Le premier lot est un salon style «rococo». Après une rapide description, le commissaire-priseur lance la mise à prix : 90 000 francs Cfa. Puis, tout s’accélère. Les numéros se lèvent, tour à tour, faisant monter les enchères. Le commissaire-priseur, très concentré, les énumère sans jamais faire d’erreurs. Vient le moment fatidique : «210 000, une fois, 210 000, deux fois, 210 000 trois fois ! Adjugé pour le numéro 015 !» La journée durant, le même rituel se répétera. Sur le grand écran, toutes sortes d’objets défilent : lots d’épices, compléments alimentaires, cosmétiques, téléphones portables, ordinateurs ou véhicules. Un large éventail reflétant la diversité des trafics illicites. Quand vient le moment des voitures, la lutte s’intensifie. Une Ford escape récente part à 4 400 000 francs Cfa. Ceux qui ont moins de moyens y trouvent aussi leur compte. Une petite Peugeot 205 de 1984 est adjugée pour 800 000 francs Cfa. Mais le clou du spectacle reste l’adjudication d’un navire à usage professionnel dit «de servitude et de veille» long de 29 mètres. Il trouvera preneur à 41 000 000 francs Cfa.
La clôture des ventes fera des heureux, mais aussi des déçus. Mme Habibatou Fall Sall ne sera finalement pas l’heureuse propriétaire de la voiture qui lui plaisait tant. En lot de consolation, elle a tout de même fait quelques bonnes affaires. «Une chaise et un lot d’épices pour mon fils», confie-t-elle.
La somme totale de cette édition dépasse celle récoltée lors de la première organisée au même endroit le 19 janvier dernier. La deuxième édition, quant à elle, organisée à Kédougou il y a quelques mois, avait soulevé plus de 450 millions de francs Cfa. Nullement comparables aux biens utilisés par la délinquance dakaroise, les lots mis en vente étaient majoritairement composés de camions remorques ou chenilles utilisés dans l’exploitation des minerais, notamment de l’or. Un trafic illicite spécifique à la région.
Fort de ce troisième succès, le Directeur général de l’Onrac envisage déjà la prochaine vente aux enchères. «Si tout se passe bien, nous en organiserons tous les 4 ou 6 mois», annonce-t-il, fièrement.
Un bilan général encourageant pour cet Office national créé il y a tout juste un an.