Organisation de ses Ag annuelles : L’UMS N’A PLUS LA PETITE CÔTE

Après deux mandats à la tête de l’Ums, Ousmane Chimère Diouf a cédé son poste à Cheikh Bâ. Mais, il a tenu à rappeler l’importance de l’institution judiciaire dans le pays.
Après quatre ans à la tête de l’Ums, Ousmane Chimère Diouf a passé le témoin à Cheikh Bâ. Sa présidence a coïncidé avec la pandémie du Covid-19, les évènements politico-judiciaires de 2021-2024, ce qui a placé l’institution judiciaire au cœur des critiques et des attaques. Il a tenté de garder le cap en rappelant «aux différents acteurs le respect dû à l’institution dans son rôle de dernier rempart incontournable et de garante de l’Etat de Droit malgré ses imperfections». «(…) Nous sommes conscients que le Peuple au nom de qui justice est rendue, a parfaitement le droit de porter un regard critique sur la bonne marche de celle-ci, surtout que c’est lui qui subit les conséquences de l’application rigoureuse de la loi, et le système judiciaire est lui-même basé sur la critique puisque les voies de recours ont été créées pour permettre au plaideur non satisfait d’une décision de saisir la juridiction supérieure», explique le président sortant de l’Ums. Pour lui, «critique ne signifie cependant pas discrédit, et la frontière doit être clairement définie pour éviter tout dérapage».
Ousmane Chimère Diouf ne nie pas l’impact de ces attaques sur la perception des citoyens. Il dit : «Il est incontestable que le discours politique, fait d’attaques et d’invectives avec comme principal objectif de convaincre et d’influencer l’opinion, peut avoir un impact sur la perception de la Justice, et les tensions politiques peuvent avoir des effets sur le fonctionnement de celle-ci, avec comme conséquence une mauvaise perception faite à dessein pour donner l’impression d’une justice partiale ou imparfaite.» Que faire pour corriger cela ? «Pour garantir cette équité, la Justice doit jouer son rôle en toute indépendance en mettant en exergue son impartialité, être à équidistance des parties et s’abstenir de jouer un rôle actif dans le débat public. En effet, le magistrat ne peut alimenter le débat public par des prises de position contraires à son serment et doit attendre d’être saisi pour rendre sa décision. Il doit également éviter tout propos ou comportement qui pourrait être considéré comme irrespectueux envers les justiciables, et faire preuve de retenue dans ses commentaires sur les réseaux sociaux», conseille-t-il. Il poursuit : «Elle ne peut donc jouer un rôle actif dans un permanent jeu politique fait d’attaques, d’instabilité, de polémiques, d’intérêts du moment à gérer…»
Par ailleurs, Ousmane Chimère Diouf n’a pas occulté le débat, qui a suivi la réforme controversée du Règlement intérieur de l’Assemblée dont certains ont été censurés par le Conseil constitutionnel. «Les principes gouvernant notre profession ne sont nullement conciliables avec le populisme. Le respect de ces principes justifie le silence du bureau après le vote par l’Assemblée nationale de la loi portant Règlement intérieur qui, dans une de ses dispositions, a prévu la possibilité pour le Parlement de convoquer les magistrats. Le Conseil constitutionnel étant appelé à contrôler la constitutionnalité de cette nouvelle règle, le bureau avait en toute logique choisi de différer sa prise de parole», explique-t-il.
En annonçant se «conformer» à la décision du Cc à ce propos, le juge Diouf rappelle certains principes simples : «nous tenons simplement à rappeler que la Constitution donne la prérogative au Parlement de contrôler l’action du gouvernement, d’entendre les membres du gouvernement, les directeurs généraux d’établissements publics, de sociétés nationales et d’agences par le biais de commissions parlementaires permanentes. L’Assemblée a également la possibilité de créer des commissions d’enquête», ajoute-t-il. Il rappelle «qu’aucune disposition de la Loi fondamentale ne lui donne expressément compétence pour entendre les magistrats dans l’exercice de leurs fonctions». Pour lui, «le Règlement intérieur qui ne peut ni modifier ni contredire la Constitution, bien qu’étant matérialisé par une loi organique qui n’a pas pour autant valeur constitutionnelle». Il pose quelques interrogations : «Que vaudrait en Droit une déclaration faite sous contrainte ? Et si la personne conduite manu militari à l’Assemblée refusait de faire une quelconque déclaration, quelle en serait la suite ?» Ousmane Chimère Diouf explique que «contrairement à ce qui est faussement répandu au niveau de l’opinion et pouvant faire croire que le magistrat bénéficie d’une impunité totale», la loi organique portant statut des magistrats «a bien prévu la possibilité de les traduire en Conseil de discipline en cas de manquement à leurs obligations professionnelles et de poursuites en cas de commission d’une infraction». Car, souligne-t-il, «les articles 25 et suivants précisent clairement que c’est le Procureur général près la Cour suprême qui initie ces poursuites, l’instruction étant assurée par le Premier président ou les magistrats de la Cour délégués par eux». Alors qu’en matière correctionnelle, «c’est la Chambre criminelle de la haute juridiction qui est compétente pour les juger, et en matière criminelle, ce sont les chambres réunies qui le sont». En rappelant que «le dialogue entre institutions est nécessaire dans un Etat de Droit, encore faudrait-il que ce soit un dialogue, une volonté de collaborer dans l’intérêt général dont le seul bénéficiaire doit être le Peuple représenté par ses élus au Parlement, et au nom de qui justice est rendue et ceci, dans le respect mutuel».
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