Pour savoir où va Ousmane Sonko, allons en Amérique latine ! Pourquoi l’Amérique latine ? Parce que cette partie de la terre a été la zone d’institutionnalisation du «populisme» et Ousmane Sonko, qu’on le veuille ou pas, a toutes les caractéristiques d’un populiste !

Mais avant de répondre à cette question «où va Ousmane Sonko», essayons de voir qu’est-ce que veut dire le populisme, de manière objective et rationnelle. Ce terme a été tellement galvaudé et utilisé à toutes les sauces que finalement il en a perdu toute sa saveur. Macky Sall, dans son dernier discours à la Nation, mettait en garde contre le «populisme» ! Mais faudrait-il avoir peur du populisme, et donc de Ousmane Sonko ? Après avoir défini le «populisme» et après avoir fait un tour en Amérique latine, on verra s’il faut avoir peur de Ousmane Sonko, ou s’il faut vraiment l’accompagner ?

De toute évidence, la dernière querelle entre Ousmane Sonko et une partie de l’Assemblée nationale nous permet de comprendre qu’est-ce que le populisme et où va Ousmane Sonko. Ainsi, on voit en filigrane qu’il s’agit d’un conflit lourd de sens qui a comme toile de fond : faudrait-il se limiter à une démocratie élective ou alors faudrait-il instaurer une démocratie populaire ? Nous y voilà, le populisme, dans son sens premier, n’est rien d’autre qu’une aspiration de plus en plus manifeste à une démocratie qui ne crée pas qu’une «caste élective». Ainsi, le populisme ne veut rien dire d’autre qu’«un élargissement de la démocratie en tant qu’espace de droits, de capacités et d’égalité».

Cette aspiration est apparue partout dans le monde à des époques différentes, mais c’est sans doute en Amérique latine que cette aspiration populiste s’est le plus manifestée. Cela avait commencé dans les années 1930 au Mexique et cela s’est poursuivi en Amérique du Sud, dans des pays comme la Bolivie, l’Equateur, la Colombie, le Nicaragua (que les Sénégalais connaissent mieux), le Chili, et enfin le Venezuela. Ce dernier pays est l’exemple qui nous intéresse le plus, à travers la figure emblématique de Hugo Chavez (et de Nicolas Maduro). Et donc pour savoir où va Ousmane Sonko, sans doute il faudrait voir où sont allées ces figures du populisme en Amérique latine. Et la figure qui s’apparente le plus à celle de Ousmane Sonko est celle de Hugo Chavez (mais également, on peut comparer Ousmane Sonko à Donald Trump, à la différence que ce dernier fait partie de l’élite économique). Hugo Chavez pouvait parler pendant trois tours d’horloge, Ousmane Sonko aussi. Hugo Chavez ne se sentait pousser des ailes que quand il était devant une assemblée populaire, Ousmane Sonko aussi. Souvent, devant une assemblée, pour ne pas dire devant une foule, Hugo Chavez, comme Ousmane Sonko, se laisse aller à des logomachies extraordinaires. Je me demande si parfois quand ils sont seuls, ils ne s’en veulent pas de s’être emportés. Mais à leur corps défendant, toute personne qui a devant lui une foule acquise à sa cause, finit momentanément ou non, par perdre pied. C’est ce qui arrive à Ousmane Sonko à chaque fois qu’il sait qu’il a «distanciellement» (virtuellement) ou «présentiellement» devant lui une très grande assemblée.

Les «prophètes de type nouveau» que sont ces «populistes» mènent souvent leur peuple soit vers l’autoritarisme avec une dictature qui peut être cool, comme se le dit le Président salvadorien (Bukele), soit vers une démocratie radicale qu’aucun pays n’a pu encore expérimenter. Donc il y a de fortes chances de croire que Ousmane Sonko irait vers une dictature. Et nous en avons quelques prémices. Cependant, le Sénégal a cette chance que Ousmane Sonko ne soit pas vraiment le président de la République. Même s’il est vrai qu’il relègue de plus en plus BDF dans un second rôle de voyageur infatigable.
Le seul véritable pouvoir qui pourrait arrêter Ousmane Sonko est celui de ce Peuple qui a décidé de le choisir à tort ou à raison comme porte-parole. Et la seule chose que l’on pourrait dire à ce Peuple est celle-ci : «Peuple, n’oublie pas de critiquer celui qui parle en ton nom.» Mais avec des expressions comme «Mou sel mi», «waliyou la wala qudbou la», le Peuple a déjà oublié de le critiquer. Et pourtant Dieu sait qu’il a besoin des critiques du Peuple pour avoir la tête sur les épaules. C’est comme le disait Aboubakr Sidikh, le compagnon du Prophète de l’islam : «Si vous croyez en Dieu, Dieu est toujours vivant, mais si vous croyez au Prophète, le Prophète est mort.»

Alors, comme j’ai l’habitude de le dire, «Dieu Seul est éminent», et quel que soit la chose ou l’être que l’on choisira de mettre à la place de Dieu, on finira toujours par le regretter. On le regrettera parce que l’on se rendra compte que cet être divin n’est pas Dieu et ne saurait le devenir, parce qu’il mourra, mais surtout parce qu’il n’est pas omnipotent. Quand Hugo Chavez est mort, son peuple était inconsolable, et on essaie de transférer son image sur Nicolas Maduro. Et pour faire gagner Diomaye à la Présidentielle, il a fallu que Sonko fasse un transfert de son image sur Diomaye. Et Diomaye sera toujours redevable, qu’il le veuille ou pas, à Sonko, et il hésitera à plusieurs reprises avant de vouloir museler Sonko. Peut-être que ce Sérère-là, qui n’est jamais monté dans un avion, va se complaire finalement dans cette situation de voyageur ?
Je vais vous raconter une histoire secrète. Il parait que la première fois qu’il est monté dans un avion pour aller en Mauritanie, BDF s’est évanoui. Et quand il a repris ses esprits, le commandant de bord, pour voir s’il est conscient, lui demande : «M. le Président, comment vous appelez-vous ?» ET BDF le Sérère de dire : «Je me t’appelle Bassirou DIOMI DIAKHLE FAYE» ! Ha Sérère nioul niaw niangg niagass, tu es devenu diomi diakhlé maintenant !
Mamadou Moustapha WONE
Sociologue
mouwone@gmail.com