En matière de justice, voir Ousmane Sonko jouer les rôles de justicier, juré et pourquoi pas exécuteur des hautes œuvres nous donnerait à penser que le Sénégal est devenu le pays d’Ubu roi. La justice mérite mieux que cette parodie.
Dans un Etat de D,roit il revient aux juges d’enquêter sur la foi de preuves irréfragables et de prononcer des sentences. Ce n’est pas au chef du gouvernement de se substituer aux magistrats, mieux, de les court-circuiter en décrétant lui-même où se situe le bien et le mal, de dire qui est coupable, qui est innocent. On n’attend pas davantage de lui qu’il soit le gardien de la moralité, mais seulement le protecteur de la justice, ce qui est déjà beaucoup. Qu’il laisse la moralité aux directeurs de conscience que sont les religieux. Qu’il laisse à ceux-ci le spirituel et le ciel, pour ne retenir que le temporel et la Terre.
Un pays comme le Sénégal mérite une justice impartiale et non une justice arbitraire, une justice où l’on poursuit et condamne les coupables et non un outil politique au service du pouvoir. Le glaive de la justice n’est pas là pour satisfaire de basses vengeances, discréditer et éliminer ses opposants. Qu’il ne s’y trompe pas, s’il entend régler ses comptes, il lui faudra un jour rendre des comptes ! La justice n’est pas une scène de théâtre où on assiste à un spectacle, mais un lieu de vérité et de transparence, et surtout d’équité pour tous. A vouloir jouer les justiciers, Sonko joue les apprentis sorciers, n’est pas Zoro qui veut ! Il nous appartient, à nous Sénégalais, d’être vigilants car ces tentatives d’OPA sur la justice peuvent déboucher, si on n’y prend garde, vers des dérives qui menaceront directement la démocratie. La justice est en effet le premier pilier sur lequel s’appuient les institutions de la République et le fragiliser serait prendre de graves responsabilités envers le Peuple souverain.
Il faut que Sonko sache que les Sénégalais ne sont pas dupes de ses basses manœuvres. Ils attendent de lui qu’il respecte les procédures et en premier lieu la présomption d’innocence, en second lieu le droit à une défense équitable pour tous. Nous ne voulons pas d’un Premier ministre qui institue une justice aux ordres et instruise des procès d’intention afin d’assouvir ses ambitions et d’éliminer ses adversaires. Dans les pays démocratiques, la justice est l’ultime rempart des justiciables face à l’injustice, elle est le seul et dernier recours des plus fragiles, des plus démunis de la société, lorsque leur voix menace d’être étouffée. Ne leur ôtons pas cet espoir car, comme le rappelle le proverbe latin Vox Dei, vox populi, voix du peuple, voix de Dieu, à trop vouloir jouer avec les allumettes Ousmane Sonko risque de se brûler les doigts.
Ibrahima Thiam, Senegaal Kese