Ousmane Sonko, où est passé le poisson ?

Il nous avait promis beaucoup de choses, mais la promesse la plus rocambolesque est sans aucun doute celle-ci : le poisson sera tellement abondant que les pêcheurs auront du mal à vendre. Moi qui suis un grand amateur de poisson, je suis vraiment inquiet. Et ce, non pas parce que je suis déçu par les réalisations de Sonko dans ce domaine (je n’ai jamais cru à une seule de ses paroles), mais par la rareté du poisson malgré le départ des bateaux de l’Union européenne.
Que se passe-t-il dans nos côtes jadis réputées très poissonneuses ? On a l’impression que c’est l’effet contraire qu’on a récolté avec le non-renouvellement des accords de pêche avec l’Ue. Le cycle de reproduction et de repopulation du poisson est-il si long que ça ?
Nous avons là un indicateur irréprochable de la grande arnaque qu’est ce régime. Ceux qui les croient sont libres de croire qu’ils sont détenteurs de quelques parcelles au Paradis et qu’ils sont capables de les importer pour gagner des terres sur les eaux, mais l’indomptable réalité sera toujours là pour se rappeler à leur naïveté feinte ou réelle.
La mauvaise foi n’a pas de limite, mais elle est impuissante face à l’indépendance du réel. Le magicien prétend pouvoir féconder le réel ou lui donner des
ordres, il ne reconnaît pas l’autonomie et l’objectivité des lois de la nature. Mais quelle guerre les magiciens ont-ils gagnée ? Quel pays s’est développé grâce à la magie ? Voilà qui devrait servir de leçon à ceux qui pensent que par le mensonge bien organisé, on peut changer le destin d’un peuple. La destination de l’homme n’est pas de remplacer le réel par la fantaisie, mais de s’efforcer à le comprendre pour y insérer sa liberté, son pouvoir.
On peut faire le même constant en ce qui concerne les acteurs de l’éducation, à qui Sonko avait fait des promesses mirobolantes. Que n’a-t-il pas dit sur l’imposition des rappels des enseignants ? Aujourd’hui, il ne parle même plus du problème de la surimposition, et c’est une lapalissade de dire que les enseignants n’auront aucune avancée avec son gouvernement.
Il y a bien une différence entre démagogie et populisme : le premier dit au peuple ce qu’il veut entendre pour se faire élire, le second se sert de la misère des défavorisés comme fonds de commerce politique. Les enseignants n’auront rien avec ce gouvernement populiste dans l’âme. Même cent cinquante ans ne suffiraient pas à ce gouvernement pour rendre le Sénégal meilleur. Les enseignants qui ont fait de ce parti et de son leader leur chouchou, savent qu’ils n’auront rien avec une telle imposture. Au contraire, les taxes induites par le Pres vont encore grever nos maigres ressources. Pendant ce temps, les privilèges sont intacts, on se les partage sans gêne.
L’antisystème n’était pas sincère, c’est le ressentiment qui l’est. Cette formule qui m’est inspirée par Adorno, Dialectique de la raison, veut simplement dire que le système était un alibi et l’antisystème une illusion dynamique. Il y a eu, sans aucun doute, des détournements de deniers publics sous tous les régimes, y compris celui de Sonko, mais beaucoup parmi ceux qui croupissent présentement en prison sont une espèce de victime expiatoire d’une pulsion populiste dont la seule force est le ressentiment. Adorno a largement expliqué que la conviction que quelqu’un doit être puni suffisait pour mobiliser tous ceux qui sont frustrés. De même que les juifs étaient des victimes interchangeables avec n’importe quelle autre cible (l’essentiel étant la satisfaction d’un désir de vengeance), on peut voir dans l’emballement judiciaire, non la réalisation d’un projet d’une Justice libre, mais la satisfaction de cette pulsion ressentimiste qui ne demande qu’une chose : une victime, c’est-à-dire un coupable.
Comme dans la fable du Loup et de l’agneau, la loi du plus fort est toujours la meilleure (de sorte que même s’il n’était pas encore né pour médire le loup ou qu’il n’ait point de frère, l’agneau est, de toute manière, coupable parce que le loup a besoin de le manger), la justice des vainqueurs est toujours la meilleure. Dans l’énergie populiste, «l’habit victimaire» est le bien le plus précieux : tous ces riches le sont parce qu’ils nous ont volé nos deniers publics, notre jeunesse, nos études, nos champs, etc.
Les populistes promettent tout, critiquent tout le monde, mais ils ont la mémoire courte, d’où leur ingratitude. Quand on est gêné par son propre passé, on trouve refuge, confort et rédemption dans le populisme. Le fondement ultime de ce cancer de la démocratie est d’ordre psychologique.
Alassane K. KITANE

