Rite de communion, démonstration de force ou simple exercice du recours à la légalité, la prestation de M. Sonko au Grand Théâtre a surtout servi de jeter les bases d’une nouvelle posture qui, dorénavant, s’investira à restaurer un nouvel ordre. C’est une erreur que de croire que la sortie du susnommé trahit un penchant tenace d’opposant. En mettant tendancieusement l’accent sur ses déboires avec la Justice, il cherche, non pas à dénigrer la magistrature, mais à raffermir sa légitimité. Par ailleurs, pour avoir la paix, il fait la guerre à la presse traditionnelle. Son agressivité envers cette dernière s’explique par une nette volonté de la contourner afin de communiquer efficacement, sans interférence, avec le Peuple sénégalais.
Joseph Goebbels, un puissant dirigeant du régime nazi, disait ceci : «Celui qui peut régner sur la rue règnera un jour sur l’Etat, car toute forme de pouvoir politique et de dictature à ses racines dans la rue.» Les promesses de rupture et de meilleures conditions de vie tarderont certainement à se réaliser. C’est très normal, d’autant plus que leur concrétisation nécessite bien plus que des vœux pieux. Par conséquent, de son impact sur l’opinion en matière d’information et de communication dépendront l’aisance, l’agilité et la force de Pastef au sommet de l’Etat.
A l’esplanade du Ggrand Théâtre de Dakar, Ousmane Sonko a réussi à fixer le cap d’un traitement judiciaire pour le moins rigoureux réservé aux dérapages et aux excès des journalistes et des autres intervenants dans le débat public. Il a raison de le faire si tant est que les Sénégalais attendent de son gouvernement l’assainissement de la scène politico-médiatique. Il y a une différence à faire entre ce qui lui est reproché, à savoir le principal instigateur du climat délétère des dernières années, et sa responsabilité actuelle de mettre fin à la chienlit. Les Var et les rappels sur ses turpitudes n’y feront rien. Politicien, il ne s’avouera coupable ni responsable de rien du tout. Au pouvoir, il ne peut que se révéler agissant, départi de toute lourdeur des aveux et des confessions.
«Quand le ministre de la Justice m’a envoyé une vidéo incriminant un militant du Pastef, je lui ai demandé de faire son travail convenablement», a dit Ousmane Sonko. Cette anecdote, loin d’être fortuite, s’adresse principalement à ses militants. Elle est destinée à leur faire comprendre qu’aucun d’eux ne bénéficiera d’une quelconque protection en cas d’outrage et de poursuite pénale. En désespoir de cause, le Pastéfien en chef affirme s’être toujours démarqué des insulteurs qui se réclamaient de sa formation politique. Pas sûr que ces derniers eussent compris et intégré à leur juste valeur ses vagues précautions d’usage d’antan, nuageuses mesures préventives. Il faut être dupe pour sous-estimer l’apport significatif des boutefeux du net qui sont parvenus à clouer le bec aux plus peureux et aux très orgueilleux.
Sous l’angle purement politicien, Ousmane Sonko et le Pastef ne peuvent pas laisser entre les mains de leurs adversaires l’arme fatale qui les a conduits au pouvoir. Pour l’avoir pratiqué et réussi, ils savent qu’aucun régime ne peut durablement résister au militantisme agressif et populiste qui s’exerce d’abord via le net et s’exacerbe ensuite en cris de révolte au sein des classes populaires. Quand le patron de Pastef appelle l’opposition au débat d’idées sur les orientations gouvernementales et les politiques publiques, il sait très bien que cela n’opère qu’en direction des nababs, des clercs, des têtes d’œuf, des oisifs et des errants.
Birame Waltako NDIAYE