Malgré la loi votée en 1999 et qui pénalise les mutilations génitales féminines au Sénégal et en plus de la croisade menée par certaines Ong et associations contre l’excision pourtant considérée comme une violence et un abus des droits humains des femmes et des filles, cette pratique est encore et toujours en vogue dans certaines contrées et communautés du pays. C’est d’ailleurs face aux urgences et à la montée des périls que la Commission de la santé, population, affaires sociales et solidarité nationale de l’Assemblée nationale du Sénégal, l’Awepa, le Fnuap et l’Unicef ont décidé depuis 2013 de s’investir pour accompagner les populations locales vers l’abandon total de cette pratique

C’est dans le cadre de ce programme conjoint pour l’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines qu’Ai­mé Assine le président de la Commission de la santé, population, affaires sociales et solidarité nationale, avec le soutien de l’Association des parlementaires européens partenaires de l’Afri­que (Awepa) et du ministère de la Femme et de l’enfance, a investi ce week-end la localité de Cabrousse, département d’Ous­sou­ye, pour des consultations populaires et des échanges avec les populations sur les effets de l’excision, sur la législation en place à ce sujet et les services de soutien disponibles. Ce programme, intitulé «Le rôle des parlementaires dans l’abandon des mutilations génitales féminines/excision (Mgf/E)» et financé par le ministère des Affaires étrangères luxembourgeois, s’étend sur une période allant de 2016 à 2018 et concerne le Mali et le Sénégal. Et ce programme dont l’objectif principal est de favoriser l’abandon des pratiques de mutilations génitales féminines/excision, de sensibiliser les populations, de vulgariser les méfaits des mutilations se­xuelles en vue de tendre vers un abandon réel de ces pratiques néfastes vise en outre le renforcement des capacités des parlementaires afin qu’ils puissent exercer leurs fonctions de contrôle, de représentation et de législation dans le but d’œuvrer pour l’abandon de cette pratique. Et ce week-end à Cabrousse parlementaires, élus locaux, partenaires, acteurs et actrices au développement, gent féminine et populations, indignés ont tous  décidé à l’unanimité de mener la croisade contre cette forme de violence faite aux filles ; et ce, après avoir été imprégnés sur les conséquences des mutilations génitales féminines projetées sur écran géant par le Pr Papa Ahmed Fall, chef du service d’Uro­logie de l’Hôpital Dalal Diam à Dakar. Un argumentaire qui a également poussé toutes les participantes venues de tous les coins et recoins du département d’Oussouye à mener le plaidoyer au niveau de leur communauté afin qu’aucune mère de famille ne puisse plus soumettre ses filles à de telles pratiques néfastes afin de préserver l’intégrité physique de ces dernières.

Plus de 80% des femmes sujettes à l’excision dans certaines régions
Le Pr Papa Ahmed Fall, présenté comme celui qui «répare» les femmes au Sénégal et qui s’active dans le plaidoyer et l’argumentaire, reconnaît que cette pratique a beaucoup diminué dans plusieurs contrées du pays où des milliers de villages ont fait le serment, dit-il, d’abandonner l’excision. Toutefois l’urologue est d’avis que dans certaines régions du Sénégal, en particulier au niveau de la région de Kolda, on retrouve plus de 80% des femmes qui sont sujettes à cette mutilation génitale féminine. «La pratique des mutilations génitales féminines notamment de l’excision remonte à la nuit des temps. C’est une pratique quasi ancestrale rituelle, cultuelle, initiatique que certaines communautés continuent d’exer­cer pour appartenir à un groupe», a-t-il soutenu.

Pour une descente des parlementaires sur le terrain
Ancien président de la commission santé de l’Assemblée nationale et représentant de l’association des parlementaires européens (Awepa) au Sénégal, le Pr Omar Ndoye estime quant à lui que les stratégies qui avaient permis de faire des avancées dans le cadre de la lutte contre l’excision ne sont plus opératoires. C’est pourquoi l’Awepa a jugé nécessaire, argue-t-il, de toucher les parlementaires sénégalais pour leur demander de se lever et d’aller sur le terrain pour voir leurs concitoyens afin de parler de l’excision ; et ce, dans le but de créer un déclic. «La loi 299 votée et promulguée en 1999 doit être appliquée et que toutes exciseuses  devraient être arrêtées et mises en prison avec des peines de 5 à 10 ans ; c’est ce que dit la loi», a laissé entendre le président de la Commission santé de l’assemblée nationale. Aimé Assine pour qui il n’est pas du ressort du député d’arrêter des gens mais plutôt de mettre en place des dispositifs juridiques à travers des lois qu’ils votent. «Notre rôle c’est de porter le plaidoyer, de sensibiliser les populations, de les amener à comprendre quels sont les risques qu’elles encourent pour susciter leur auto-réaction ; c’est de notre part une démarche participative et inclusive ; une pédagogie de l’acte par les faits. Et qui amène l’individu à s’approprier la démarche et qui nous permet de gagner du terrain et des victoires  sur ce phénomène», a martelé Aimé Assine face à la presse. L’honorable député pour qui les principales victimes sont de petites filles innocentes choisies sous l’autel de la perpétuation d’une tradition ancestrale. «C’est tant mieux qu’on en parle, et ce forum devrait renforcer à interdire ce phénomène. Et à l’instar de cette contrée du Kassa qui refuse cette pratique, nous devons combattre sans répit l’excision qui est en train de porter un préjudice à la société», souligne-t-il.

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