Plaidoyer pour l’accès aux métiers du droit

L’ambition déclarée du Président de la République Monsieur Bassirou Diomaye D. Faye de promouvoir le mérite et la compétence par l’institution ou l’organisation de concours donnant accès à certaines professions a ravivé notre espoir de voir satisfaite notre vieille revendication relative à l’accès à la profession d’avocat, profession réputée libérale et indépendante. La lutte contre la corruption annoncée comme un pilier de sa gouvernance est un bon prétexte pour mobiliser une armée de juristes pour une meilleure administration de la justice et une effective application des lois et règlements en vigueur.

Nous avions fait le constat dès 2013 de l’effectif insuffisant d’avocats sur l’ensemble du territoire sénégalais mais également du fait que certaines régions n’abritaient le moindre cabinet d’avocat.

Le décret n° 2017-313 du 15 février 2017 instituant un Secrétariat général dans les ministères prévoyait la création d’un organe chargé de la législation suite au constat de l’inexistence d’un cadre de fonctionnaires dédié aux affaires juridiques. Le décret 2023-678 du 23 mars 2023 offrait ainsi une occasion inespérée d’enrôler dans l’administration un premier peloton de juristes prêts à l’emploi avec la création du corps des juristes conseillers. Le défaut d’application des textes en vigueur nous privera de tout l’avantage que nous pouvions en tirer.

Les Universités sénégalaises produisent chaque année pas moins de trois cents (300) titulaires de maîtrise en sciences juridiques, le diplôme requis pour être éligible à l’examen d’aptitude au stage du barreau et à la plupart des métiers du droit.

Comment accepter que ces milliers de jeunes diplômés sénégalais soient condamnés au chômage ou au sous-emploi alors qu’ils sont détenteurs du sésame qui leur permet de proposer au public des services intellectuels et conceptuels qui correspondent à des besoins sociaux réels ?

Le Regroupement des Diplômés Sans Emploi du Sénégal avait remis son cahier de doléances aux Premiers Ministres Aminata Touré et Abdoul Mbaye pour les interpeller sur la question. Nous avions pris le soin de bien souligner l’impact de la solution que nous préconisions sur la politique d’emploi. En effet, en ouvrant l’accès au stage du barreau au plus grand nombre de diplômés, l’Etat insérerait une bonne frange de la population jeune en situation de chômage ou sous-emploi et assurerait de fait la proximité de la justice d’avec les justiciables.

Les avocats sont les auxiliaires de justice par excellence. L’assistance juridique et judiciaire dont les citoyens ont besoins et à laquelle ils peuvent recourir tous les jours exige que les avocats soient en nombre suffisant et qu’ils soient présents partout où des sénégalais pourraient recourir à leurs services.

Au-delà des enjeux sur le plan national, l’harmonisation des barreaux de la zone Uemoa offre une possibilité supplémentaire aux jeunes sénégalais d’aller vendre leurs services dans les autres capitales et villes de la sous-région, un facteur consolidant le processus d’intégration régionale. Le Certificat d’aptitude à la Profession d’avocat institué par le Règlement 05 de l’Uemoa est actuellement ouvert par l’ordre des avocats du Mali après que l’ordre des avocats de Côte d’Ivoire l’ait organisé en juillet 2023. Les diplômés sénégalais attendent depuis 2020 l’organisation d’une session du Capa.

Ainsi, le Regroupement remet à jour cette revendication tendant à l’élimination du conflit d’intérêt qui empêche le recrutement d’un nombre suffisant d’avocats. Ce conflit d’intérêt perdurera tant que l’organisation de l’examen d’aptitude au stage du barreau sera laissée entre les mains des ordres d’avocats.

L’admission d’office au stage du barreau pour les titulaires de doctorat en droit est une des solutions que nous avons proposées pour remédier en urgence à l’effectif insuffisant d’avocats. Cette mesure pourrait être une motivation supplémentaire aux doctorants de poursuivre et de parachever leurs thèses.

Nous invitons les nouvelles autorités de la République, notamment les prochains Premier Ministre et Ministre de la justice et les Parlementaires à choisir entre la préservation des intérêts d’un groupe de personnes et la promotion de l’accès à une profession libérale qui constitue une importante niche d’emplois pour des milliers de jeunes sénégalais. Les dispositions du Règlement d’exécution No 01 2019 relatif au Capa sont claires. Le barreau du Sénégal doit être invité à se conformer à cette norme comme l’ont déjà fait certains autres barreaux de la sous-région.

Idem pour la profession de notaire dont le premier concours d’aptitude au stage date de 2013. Le second s’est tenu en 2023 soit 10 ans après le premier concours alors que le décret n° 2009-328 du 8 avril 2009 abrogeant et modifiant certaines dispositions du décret n° 2002-1032 du 15 octobre 2002 fixant le statut des notaires dispose en son article 38 que le concours est organisé au moins une fois tous les trois ans, par arrêté du Ministre de la justice, Garde des Sceaux.

En ce qui concerne la profession de commissaire-priseur, l’admission au stage résulte de l’inscription sur un registre de stage tenu par l’Ordre national des Commissaires-priseurs du Sénégal conformément aux article 9 et 10 du décret n°2008-827 du 31 juillet 2008 remplaçant le décret n°89-1574 du 27 septembre 1989 fixant le statut des commissaires-priseurs. Une procédure qui ne garantit pas l’égal accès des postulants à cette profession. Nous invitons les autorités compétentes à mieux valoriser ce corps encore méconnu du public et dont l’importance pour une bonne administration de la justice est admise de tous les professionnels de la justice.

Les greffiers et les magistrats souffrent de l’intensité de leur charge de travail du fait de leur effectif. Un recrutement conséquent dans ce sens pourrait ainsi aider à rationaliser leur vo­lu­me de travail pour une meil­leure administration de la justice.

La décision de l’ancien Ministre de la justice Ismaila Madior Fall de recruter chaque année 35 auditeurs de justice au Centre de formation judiciaire devait aider à compenser progressivement le déficit de magistrat. L’administration a péché dans la mise en œuvre de cet engagement.

La modification en 2015 du décret portant statut des huissiers de justice a permis de démocratiser l’accès à cette profession. Nous avions salué la tenue pour la première fois du concours d’aptitude au stage d’huissier de justice en 2017. Il subsiste toutefois quelques impairs qui compromettent l’égalité de chance et de traitement entre les aspirants et entre certains admis au stage.
Avec les 557 Communes que compte le Sénégal, l’acte 3 de la décentralisation offre de réelles possibilités d’insertion aux diplômés. La quête d’efficacité et de compétitivité dans la gestion locale a abouti à l’installation du Haut Conseil de la Fonction publique locale. Cette institution pourrait travailler à mettre au service des structures locales toutes les ressources humaines disponibles (juristes, géographes et autres) pour une meilleure gestion des affaires locales.

Au regard de la faible capacité de nos parlementaires à faire bon usage des outils de contrôle de l’action gouvernementale, le recrutement massif d’assistants parlementaires au niveau de l’Assemblée Nationale ou du Conseil Economique et Environnemental aidera à améliorer la performance de ces institutions.

Nous ne clorons pas ce plaidoyer sans réitérer notre vœu de voir la science juridique introduite parmi les matières enseignées dès le lycée. Une telle mesure contribuerait à donner corps au principe sacro-saint que nul n’est censé ignorer la loi et qu’il en résultera l’érection de nouveaux types de citoyens aptes à donner corps à leur engagement patriotique par une implication sociale éclairée.

Le Regroupement des Diplômés Sans Emploi du Sénégal se dit optimiste et compte à ce jour sur l’attachement du Chef de l’Etat à la défense des droits économiques et sociaux ainsi qu’à l’exigence de transparence pour qu’une issue favorable soit réservée à ce plaidoyer.

Diplôme Emploi Dignité
Oumar SOW – Coordinateur du Rdses – rdses2016@gmail.com