«La coalition Taxawu senegal ressemble beaucoup plus à la coalition taxawu sa bopp.» C’est la conviction de Pape Mahawa Diouf, membre de la Convergence des cadres républicains, par ailleurs responsable politique à Yoff. Membre du pôle communication de l’Alliance pour la République, il demande un débat centré sur les options économiques. Dans cet entretien, il évoque aussi les querelles internes au sein de sa formation politique et la coalition Manko taxawu senegaal.

Comment se porte l’Apr dans le département de  Dakar ?
L’Apr à Dakar se porte très bien. Il est vrai que nous avions eu des échéances par le passé, qui ont été difficiles par périodes, notamment lors des dernières élections locales. Depuis, l’Alliance pour la République s’est quand même ressaisie et Benno bokk yaakar a gagné toutes les consultations qui ont été au suffrage universel. Cela veut dire que nous sommes sur une bonne tendance qu’il faut consolider. Peut-être que des jours heureux nous attendent encore à l’avenir.

Votre parti ne souffre-t-il pas d’un problème de leadership avec ses querelles internes ?
Je ne crois pas qu’on puisse parler de désordre dans nos rangs. On peut, par contre, décrire une culture politique nationale qui, effectivement, doit évoluer. Mais cela n’est pas le propre de l’Apr. On peut citer ce qui se passe au Pds, avec l’exclusion de certains de ses membres récemment. Il y a aussi des querelles à l’Afp ou encore au Parti socialiste. Maintenant, pour ce qui se passe à l’Alliance pour la République, c’est aussi un signe de vitalité du parti. Mais lorsque ça dérape sur la violence physique ou verbale, cela ne peut pas être encouragé. Donc, ce n’est pas signe d’un désordre dans notre parti, bien au contraire, nous en sommes à la mobilisation générale, d’autant plus que nous avons des arguments à mettre sur la table. Parce que ce pays refuse désormais de parler de bilan, des conditions de nos concitoyens et, en l’occurrence, de l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens. Plus personne ne veut poser ce genre de débat. C’est d’ailleurs triste puisque le discours et le combat politiques devraient logiquement porter sur les préoccupations des citoyens. Mais malheureusement, notre débat public est en train d’être dévoyé et de porter sur tout, sauf l’essentiel qui est l’action publique au bénéfice des citoyens. Nous avons posé des actes révolutionnaires dans l’intérêt des populations, mais que malheureusement nos adversaires politiques en face et, au demeurant, le débat public ne permettent de rendre visibles.
Les attaques personnelles entre membres de l’Apr sont quand même là…
Je répète que ce n’est pas le propre d’un parti, mais une culture politique dans le pays. Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut changer cette culture politique qui est fondée sur l’invective, sur les stratégies de positionnement et non sur des projets. Donc, faisant un glissement à partir de cette analyse, je vous dis que moi je serais très à l’aise de parler du projet politique de l’actuelle majorité. Le débat politique doit porter sur les projets et moins sur les hommes et les stratégies politiciennes. Figurez-vous qu’à travers le Pudc, le Sénégal a quasiment doublé sur certains aspects, son rythme de construction des infrastructures primaires de base. Que ce soit pour le développement des infrastructures socio-économiques, pour l’amélioration de la productivité, ou pour le renforcement des capacités des acteurs, le Sénégal a pris un nouveau cap. Mais sur ces réalisations-là, on ne peut pas prétendre que tout est parfait. Et le rôle de l’opposition, c’est de porter la critique sur l’action de l’Etat, de dire ce qu’on pouvait faire de mieux. Mal­heu­reusement, parce que ce débat est absent, il ne reste plus que l’invective et la violence. Dites-moi ce qui motive aujourd’hui la crise au Parti socialiste. Ceux qui sont en train de s’opposer à Ousmane Tanor Dieng ne disent pas qu’ils ne sont pas d’accord avec le projet de la majorité Benno bokk yaakaar, que l’option économique n’est pas bonne. Ils disent juste que celui qui est là doit bouger pour qu’ils prennent sa place. Voilà l’origine de la violence dans notre débat public. Et ce n’est pas différent de ce qui se passe dans certains partis politiques, y compris parfois le nôtre. Et on doit changer cette culture politique. Nous invitons donc les Sénégalais à renforcer le président de la République parce que dans sa vision, il tente de faire en sorte que leurs conditions de vie, aussi bien dans le rural que dans l’urbain, s’améliorent en termes de politique d’assainissement, d’infrastructures, etc. C’est le sens par exemple de Promoville et du Pudc. Lorsque l’Etat du Sénégal décide, tous les trois mois, d’octroyer aux populations les plus faibles, un budget de l’Etat, parce qu’il sait que sur le chemin on ne doit laisser personne, c’est là une politique publique qui n’a jamais existé dans ce pays. Lorsqu’on mène ce genre de politiques, on a aussi besoin du soutien des Sénégalais. Voilà pourquoi il faut donner une majorité au président de la République lors des Législatives à venir.

 Quel regard portez-vous sur la mise sur pied de la coalition Manko taxawu senegal qui regroupe des partis de l’opposition ?
Quelle est la proposition majeure de Manko taxawu senegal pour une économie durable du Sénégal ? Quelle alternative ils ont au Plan Sénégal émergent ? Aucune, si ce n’est que de la violence et de l’invective. Il est plus que temps qu’on revienne au débat. Quand nous proposons le Train express régional, grande vision du président de la République, on nous dit que c’est un projet trop cher, parce qu’on s’est endettés. Mais quel est l’intérêt du Ter pour les Sénégalais ? Quand on pose cette question bien souvent, la plupart d’entre nous considèrent qu’on parle simplement des Sénégalais d’aujourd’hui. Mais Macky Sall n’est pas simplement le Président des Sénégalais d’aujourd’hui. Ses décisions d’aujourd’hui impacteront inéluctablement les Sénégalais de demain. La croissance démographique de la région laisse indiquer que si on ne développe pas des moyens de transport performants dans les 25-35 ans, on aura des problèmes de mobilité de très grande facture et qui vont paralyser l’économie. Voilà pourquoi lorsqu’on nous parle d’endettement du pays, on exagère. Le Sénégal ne s’est pas endetté outre mesure. Les critères de convergence de la zone Uemoa sont autour de 70%. Le Sénégal est largement en-dessous aujourd’hui. Nous sommes à 59 ou 60% du taux d’endettement. Et le service de la dette, figurez-vous, a baissé dans le pays. Cela veut dire que ce qu’on rembourse pour la dette chaque année est beaucoup moins important que ce qu’on remboursait avec le régime précédent. Or le régime précédent, il s’était endetté pourquoi ? Pour des activités telles que le Fesman. Nous nous sommes endettés aujourd’hui par exemple pour le Ter, c’est pour de l’investissement. Et les investissements d’aujourd’hui sont la croissance et les emplois de demain. C’est pour ça que pour anticiper sur le développement de la région, il était pertinent de penser le Ter et de le consacrer aux générations d’aujourd’hui et de demain. La dette, c’est tout à fait normal. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est peut-être l’usage qu’on en fait.

Après Bess du niakk de Mansour Sy Djiamil, c’est au tour du Bcg de Jean-Paul Dias de claquer la porte de Bby. Quel commentaire faites-vous de ces départs ?
Quelle est la raison du départ du Bloc des centristes gaindé ?
Le Bcg parle de «persistance de l’instrumentalisation, de la manipulation de la justice pour de règlements de comptes politiciens», entre autres raisons.
Pour moi, la justice sénégalaise est libre et il n’y a pas de raison de dire le contraire, sauf à formuler des accusations claires. La liberté de la justice, elle est conceptuelle. Vous savez, aux Etats-Unis, les juges sont élus, ont des budgets de campagne. Ils ont des lobbies qui leur donnent des moyens pour faire leur campagne. Est-ce que ces juges sont libres ou pas ? En France, ils n’ont pas un pouvoir judiciaire mais une autorité judiciaire. Est-ce que pour autant celle-ci n’est pas libre ? Nous avons des juges de qualité parce que bien formés. On ne peut pas accuser la justice sénégalaise de ne pas être libre parce que simplement son fils ou ses intérêts politiques du moment poussent à faire la météo de la liberté de la justice. Ce n’est pas sérieux ! Et puis, au-delà de la météo politique, j’aurais aimé que le Bcg, qui quitte Benno bokk yakaar, nous dise : «Les options économiques du pays ne vont pas dans le sens de l’intérêt général et, par conséquent, je me retire de cette coalition.» Mais là c’est : «Je me retire de cette coalition parce que mon fils est dans un autre parti et a maille à partir avec la justice, donc, je quitte.» Ça veut dire que nous sommes en train de rentrer dans la privatisation de l’espace politique.

Au moment où Benno bokk yaakaar se fragilise, l’opposition se regroupe. Manko taxawu senegaal…
Vous savez la coalition Manko taxawu senegaal ressemble beaucoup plus à la coalition taxawu sa bopp. Parce que pour qu’il y ait un Taxawu senegal, il faut un projet pour le Sénégal. Il est où, ce projet ? Il n’y en a pas. Si on pouvait reconnaître par le passé au Benno siggil senegal, les Assises nationales, ici, il n’y a pas de Taxawu senegaal, mais taxawu sa bopp. Il faut qu’on revienne à l’essence de la politique, sinon nous risquons de perdre toute crédibilité auprès des  citoyens. Le débat politique ne doit pas être un débat d’enfant, mais un débat de fond sur les options de développement du pays et non des stratégies politiciennes, de tentative infantile et infructueuse de déstabilisation d’un régime et surtout de stratégies personnelles de positionnement. Cette alliance n’a aucun sens. Quand on entend Barthélemy Dias et Bamba Fall s’excuser auprès de Karim Wade, c’est irrespectueux à l’endroit des Sénégalais. Comment peut-on dire une chose pareille ? Comment peut-on défendre la ligne de recouvrement des biens mal acquis avec la dernière énergie et se lever un beau jour et dire aux Sénégalais : «Je m’étais trompé.» ?

Avez-vous peur de la cohabitation que l’opposition promet d’imposer à Macky Sall ?
Une cohabitation est d’abord, institutionnellement, impossible. Laissons aux juristes cette spécialité. Mais pour cela de toute façon, il faudrait pouvoir nous battre. Nous travaillons en silence. Nous ne faisons pas de bruit, et le moment venu, on verra. En tout cas, pour ce qui nous concerne, à Dakar, nous faisons le nécessaire et nous allons gagner parce que depuis la seule élection que nous avons perdue ici, nous n’avons plus perdu de joutes électorales directes dans le département. Mais encore une fois, il faut que les gens comprennent que la maturité des Sénégalais est telle qu’un discours vide, de l’invective, de la violence verbale, de la manipulation, de la création de rumeurs infondées ne permettent à personne de gagner des élections. Et je vous l’ai dit : la taille des partis, au vu des nombres d’années si on prend l’exemple de l’Alliance pour la République, on pourrait être considéré comme l’un des plus petits partis en termes de nombre d’années. Pourtant, parce que nous avons eu une démarche authentique fondée sur le silence, l’action, le travail, la rigueur et l’éthique, nous  avons su sortir deuxièmes dès le premier tour. Et les Sénégalais nous ont fait confiance. Donc, c’est ça le plus important. Maintenant, on ne peut pas parler non plus de l’effritement de Benno bokk yaakaar. S’il y a 1% qui est parti des 65% que nous avons eu, c’est rien compte tenu des structures politiques dont vous parlez. Mais il ne faut pas aller dans la logique de dire qu’il y a moins important et plus important. Tous les membres de cette coalition sont importants.