Le jazz appartient à celui qui l’écoute et qui veut bien épouser le concept qui l’a créé ! C’est ce que le chargé de cours à l’Ugb souhaite clarifier. Pour Papis Samba, cette musique a été popularisée en Afrique de l’Ouest par les Américains qui ont décidé de vivre au Liberia. Pour Alune Wade, la question est dépassée et il faut plutôt démocratiser cette musique, au lieu de réclamer sa paternité ou ses origines. 

Le jazz est né en Afrique ! Si la paternité de cette musique a été toujours revendiquée par les Afro-descendants, il est faux de penser que ses origines sont sur la terre mère. C’est la principale information à retenir du panel que l’association Saint-Louis Jazz a organisé pour évoquer le problème. «Ce sont les Afro-descendants qui ont amené cette musique en Afrique de l’Ouest à travers le Liberia», a affirmé Papis Samba, acteur culturel et chargé de cours à l’Université Gaston Berger (Ugb), lors du panel sur les origines de cette musique. Selon lui, c’est à partir de ce pays que les disques de jazz se sont propagés en Afrique de l’Ouest. Et pour l’origine de cette musique, l’universitaire se veut catégorique : «Le jazz est né sur la terre de l’Amérique. Le laboratoire où est il est né aux Usa, c’est en Louisiane.» Pour lui, cette musique est universelle pour deux raisons. La première, c’est qu’elle est la somme des cultures trouvées sur place, et la deuxième, c’est que ses mélodies parlent à tout le monde du fait de sa composition. «Ce n’est l’apanage d’aucun continent, ni d’aucune culture. Il exprime les tragédies de l’histoire. C’est une musique métissée parce que les instruments viennent d’Europe, les mélodies viennent de 3 continents : l’Afrique, l’Europe et l’Amérique.»

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Si Papis Samba a pu retracer le parcours de cette musique au point que les Africains réclament sa paternité, Alune Wade y voit plutôt une «formidable manière» de célébrer l’humanité. Pour lui, regarder la question sur cet angle, c’est prendre le risque de perdre l’essence de celle-ci. «Est-ce que le jazz est une musique ? C’est un concept, un mouvement et un témoin de l’histoire. Le jazz, c’est la Teranga (hospitalité en wolof)», a-t-il déclaré. Derrière cette réflexion, Alune Wade a invité l’humanité à ne voir que le côté positif. C’est-à-dire l’union derrière qui a favorisé la création du jazz. «Sur scène, on a envie de partager avec l’autre. Le jazz n’est pas défini par un accord, ni une mélodie. Je joue du jazz avec des notes sénégalaises. L’Afrique, c’est le socle du jazz. L’Africain a trouvé des Amérindiens, des Européens. C’est créé par l’humanité avec toutes ces communautés qui avaient envie de sortir de leurs tripes. L’Afrique a amené son blues et des instruments. Cette musique est enrichie par les autres», a affirmé l’auteur de New African Orleans, l’album sorti le 2 mai dernier, dont l’objectif est de servir de pont entre l’Afrique et la Nouvelle-Orléans. Pour Alune Wade, au delà de la paternité de cette musique, l’énergie de ses acteurs devrait être capitalisée pour en démocratiser l’accès. «C’est bien d’interviewer les artistes en wolof pour attirer un public jeune. Il faut rendre cette musique accessible. Le jazz, c’est le reflet de la société. Il faut faire des tables rondes en wolof. Il faut que les jeunes s’impliquent plus dans cette musique», a plaidé le musicien. Par ailleurs, Alune Wade a plaidé pour que la nouvelle génération s’approprie cette musique. Pour lui, le mixage avec d’autres genres musicaux est la meilleure façon de pérenniser le jazz.

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Faut-il le préciser, cette table ronde a été précédée par la projection de Tukki, from roots to the bayou. Ce documentaire de Alune Wade et Vincent Le Gal est la deuxième composante de son projet New african Orleans. Ce documentaire explore la transmission des traditions musicales africaines vers l’Amérique, avec la Nouvelle-Orléans comme porte d’entrée. Alune Wade y retrace les origines africaines du jazz et met en lumière l’influence des cuivres et des rythmes africains dans la musique afro-américaine. Le film mêle performances musicales, interviews d’histo-riens et de musiciens. Le documentaire aborde aussi les liens spirituels et culinaires entre l’Afrique et la Louisiane.

Par Malick GAYE – mgaye@lequotidien.sn