Lamine Bâ souhaite que des réformes soient apportées au Parti démocratique sénégalais (Pds) en vue des prochaines échéances électorales. Ce membre du Comité directeur et de la Fédération des cadres libéraux estime qu’il faut évaluer et «refaire un nouveau parti plus attractif» parce que le Pds «ne peut plus continuer à fonctionner avec une telle organisation».

Comment jugez-vous les résultats du scrutin présidentiel ayant abouti à la réélection de Macky Sall dès le premier tour, que l’opposition continue d’ailleurs de contester ?
Je ne peux avoir d’appréciation particulière parce que je suis dans un parti politique qui s’y était déjà prononcé, qui avait dit que les conditions de transparence et de sérénité n’étaient pas de mise. Nous avions dit également que le processus a été biaisé et le Pds qui a mené pendant toute son existence un combat démocratique ne saurait s’engager dans une telle élec­tion.  Qu’on ne vienne pas donc nous faire porter une quelconque responsabilité. Nous avons été très tôt responsables. D’autres ont jugé nécessaire d’y aller. Ils l’ont fait, nous le respectons.

Donc, vous validez la victoire du Président Sall ?
Ce n’est pas à nous de valider ou d’invalider une victoire. Parce que nous n’avons pas été dans le processus. Donc, nous sommes des Sénégalais qui devrons aujourd’hui profiter de cette occasion même pour clore une page du combat politique que nous avons mené. Nous avons décidé de nous engager vers une nouvelle direction, un nouveau cap et avec de nouveaux objectifs. Cela passe par la mise en place d’un comité de restructuration et d’organisation du parti avec une lettre de mission et une feuille de route claires. Mais surtout de l’organisation d’une tournée nationale pour aller remercier, encourager et réorienter les militants.

Le Secrétaire général du Pds, Me Abdoulaye Wade, va-t-il accepter la main tendue du chef de l’Etat qui l’invite à prendre part au dialogue politique en même temps que le Président Diouf ?
Il faut attendre que Wade se prononce. Est-ce qu’il a été saisi ?
Est-ce que c’est par la presse qu’il faut saisir le Président Wade ? Je ne sais pas, c’est à lui d’apprécier. Ce que je peux vous dire en tant que militant du parti, c’est que nous avons été toujours pour le dialogue. Nous avons hérité d’un système qui repose sur le dialogue, que nous avons consolidé jusqu’à notre départ. Aujourd’hui, on fait appel à un dialogue, cela prouve que quelque chose s’est cassé. Et je pense que la finalité d’un dialogue c’est d’arriver à lui définir un objectif, un objet clair, net et précis. Sans cela, il n’y a pas de dialogue. Et l’objectif de ce dialogue, c’est arriver à la paix comme dit le président de la République, à la stabilité et à la cohésion nationale.  Mais tout cela ne doit pas se limiter à de vains mots. Il faudra que cela soit matérialisé par des actes surtout que c’est lui (Macky Sall) qui a été en quelque sorte au premier plan de la responsabilité qui nous a conduits à cela.

Comment se porte le Parti démocratique sénégalais ? 
Les instances sont en léthargie, à commencer par la Fédération nationale des cadres libéraux dont je suis membre. Je pense que pour aller dans le sens de la construction, il est arrivé le temps de nous arrêter, d’évaluer, de réfléchir pour redéfinir un nouveau cap, refaire un nouveau parti, essayer de faire en sorte que notre parti puisse aujourd’hui aller dans le sens des attentes populaires. Le Pds est quand même un parti de masse. Tout cela constitue une problématique assez substantielle pour nous amener aujourd’hui à nous arrêter. Le Président Abdoulaye Wade n’a jamais eu le temps de s’occuper du parti parce qu’avec la gestion du pouvoir, ce n’était pas facile. Après douze ans, le parti était dans une guerre, en phase de résistance avec les difficultés que Wade a connues. Tout cela appelle aujourd’hui à une introspection objective pour redéfinir de nouvelles orientations surtout que certains sont partis. Mais il y a une bonne frange de jeunes de ce pays qui portent une ambition nouvelle pour ce parti, qui ont envie de s’exprimer dans une nouvelle organisation et qui collent aux aspirations des Sénégalais. C’est l’occasion pour moi de remercier tous les militants du parti ainsi que les mouvements de soutien qui ont su se battre pendant sept ans et qui ont su marquer d’une empreinte indélébile cet épisode de résistance que nous avons traversée. Bon nombre d’anciens frères nous ont quittés. Le Pds doit être restructuré, réorganisé et projeté vers l’avenir.

Réclamez-vous le départ de votre Secrétaire général dont l’âge assez avancé plaide pour une retraite politique ?
Non ! Pas forcément. Je ne réclame le départ de personne, au contraire c’est une Assemblée constitutive qui a désigné le Secrétaire général. Mais je vous rappelle qu’il y a une lettre de mission qui lui a été donnée par le Congrès de 2013 qui l’avait investi comme Secrétaire général jusqu’après l’élection présidentielle. Je pense que cela doit être renouvelé pour qu’on trouve une solution. On ne peut plus continuer à fonctionner ou à espérer des résultats avec une organisation telle que nous l’avons. Nous avons besoin de lui. Son âge ne doit pas poser problème et ne doit pas faire l’objet de débat. Par conviction, nous avons encore besoin de lui. Et les militants qui sont aujourd’hui partout dans le monde voient Wade comme leur leader, leur guide, leur père. On ne peut trouver un Secrétaire général meilleur que Wade. Le débat n’est pas de changer telle ou telle autre personne. Le débat réside dans la transformation de l’organisation que nous avons en un appareil attractif, ouvert, adapté aux aspirations nouvelles, prêt à reconquérir le pouvoir en 2024.

Accepteriez-vous que votre Secrétaire général continue d’imposer son fils comme son seul potentiel successeur à la tête du parti ?
Wade n’a jamais voulu que son fils soit dedans. Nous, militants du Pds, avons choisi librement Karim Wade comme notre candidat. Maintenant l’élection présidentielle est derrière nous, et nous avons d’autres échéances. Il nous faut renouveler le projet de société, c’est-à-dire créer une nouvelle offre politique qui tirerait sa substance de la vision de Wade, du bilan du Pds et de notre aspiration démocratique pour un Sénégal nouveau.

Avez-vous saisi le Président Wade pour lui faire cas des réformes que vous souhaitez pour votre parti ?
On lui a dit ce qu’on pense. Le Président Wade est dans une phase de réflexion. Mais il doit intégrer cela dans sa réflexion, écouter tout le monde, parler à tout le monde. Les Locales, les Législatives sont des échéances sur lesquelles le parti devrait se prononcer. On doit s’y préparer en conséquence. Sans cette organisation, on ne peut avoir les objectifs escomptés. Il nous faut engager la réflexion pour mettre le parti dans la posture d’un parti moderne, conséquent, orienté vers la conquête démocratique du pouvoir.

Mamadou Lamine Massaly a annoncé son départ du Pds en qualifiant Wade de «traitre». Qu’en dites-vous ?
Je n’ai pas de réponse à donner à cela. Je n’ai pas de commentaire à faire.  Depuis que nous avons perdu le pouvoir, le parti a connu beaucoup de départs.

Partagez-vous la position de Modou Diagne Fada qui plaide en faveur d’une amnistie pour Karim Wade ?
Je n’aime pas parler des personnes. Est-ce que Karim a demandé une amnistie ? Je pense qu’on rendrait mieux service au Président Macky Sall en l’aidant à aller vers le sens de respecter les droits des Sénégalais. C’est ce qu’on lui charge de faire. Tout autre discours est politicien, opportuniste et démagogique. Karim a été investi pour une élection passée. Il a tout fait pour venir, mais il n’a pas pu. Ce que je regrette, c’est que tout ce qu’on a déployé pour en arriver là. Karim Wade mène un combat pour la liberté. Il a engagé beaucoup de fronts au niveau international. Ce combat, il le mènera jusqu’au bout. Tout ce qu’il réclame c’est qu’on le réhabilite dans ses droits.