Aïssata Tall Sall et Ismaïla Madior Fall ont fait une double passation de services hier (ministères de la Justice et des Affaires étrangères) suivie d’un échange de bons mots.

Par Ousmane SOW – C’est une passation de services, un échange d’amabilités entre Ismaïla Madior Fall et Aïssata Tall Sall, qui se sont échangés de fauteuils ministériels. ATS a quitté les Affaires étrangères pour rejoindre le ministère de la Justice. Alors que IMF fait le chemin inverse. Elle dit à son prédécesseur à la Chancellerie : «Il n’est pas simple de vous remplacer, de vous succéder. Je voudrais vous rendre l’hommage  que vous méritez pour tous ces services que vous rendez à la Justice et au Droit.» Elle assure que leurs destins sont encore liés. «Ismaïla, nous serons encore longtemps ensemble presque inséparables. Moi, te donnant quelque filon de diplomatie s’il m’en reste encore. Et toi, continuant à m’aider dans ces dédales judiciaires que tu as arpentés et que tu connais si bien. Et connaissant cela si bien, tu vas nager comme un poisson dans l’eau à la diplomatie.»

Mise en place d’un porte-parole à la Justice
Pour la gestion de la Justice sénégalaise, Aïssata Tall Sall promet qu’elle ne serait qu’au service de la loi et de la rigueur. Elle parle d’une Justice transparente, efficace et diligente. «Pour être transparente, dit-elle, le service public de la Justice se doit, comme tout autre, de se mettre à la disposition du public en lui fournissant à temps utile le renseignement nécessaire.» Dans ce sillage, elle a décidé de doter le ministère d’un porte-parole. Pourquoi cette innovation ? «Pour être efficaces, les services judiciaires doivent être fonctionnels et disponibles pour le temps consacré au travail, précise-t-elle. Au Sénégal, il est dit souvent que la Justice n’est fonctionnelle que par demi-journée et que les vacances judiciaires durent plus que de raison. Soyons prêts à regarder ce reproche pour y voir ce qui peut être vrai et le prendre en compte et rejeter ce qu’il contient de faux. Nous devons donc revoir ensemble notre calendrier de travail», dit-elle. Ce qui permettra d’éviter l’engorgement des tribunaux mais réduire aussi les longues détentions. «Dans les délais requis, nous ferons éviter les longues et parfois très inutiles procédures. Quand il est question de liberté, aucune panne d’horloge ne nous sera pardonnée. C’est pourquoi, je lutterai contre les longues détentions dont très souvent d’ailleurs ne sont victimes que les anonymes aux revenus modestes. Le désengorgement des prisons doit en partie répondre à cela», fait-elle savoir. Elle précise que dans l’exécution de la Justice, seule la loi et son application rigoureuse vont la guider. Elle explique : «la loi, dans toute sa vérité, qu’elle libère l’innocent s’il l’est. Mais aussi, qu’elle punisse le coupable qui il puisse être», répète-t-elle.

A la tête de ce ministère, l’avocate veut être sûre que la loi sera appliquée sans cruauté inutile, mais aussi et surtout sans faiblesse. «Si la cruauté inutile s’abat sur un individu, la faiblesse coupable, elle, désorganise la société, donne le sentiment et même la conviction que la Justice ne sert pas tous les hommes de façon égale. Si la cruauté inutile fait mal, la faiblesse coupable, elle, crée le malaise, le diffuse et le répand. Nous devons donc éviter à tout prix que ce malaise gagne et envahisse notre maison. Pour ma part, je m’y engage et y travaillerai fermement et sans relâche», promet la Garde des sceaux. «Mon ambition d’une Justice forte relève de ma conviction profonde qu’ensemble nous pouvons la réussir en la servant. Ce faisant, j’assumerai mon ministère», dit-elle avec enthousiasme.

IMF : «La justice au Sénégal est indépendante»
Ismaïla Madior Fall quitte la Chancellerie avec des certitudes : «La justice, ce n’est pas la justice pénale seulement. Ce ne sont pas une ou deux affaires sur lesquelles on se fonde pour dire qu’il n’y a pas de l’indépendance de la Justice. La Justice, c’est un service public animé par des hommes et des femmes de qualité qui s’occupent de distribution qualitative de la justice sur l’ensemble du territoire.» Il enchaîne : «et aujourd’hui, notre Justice fait partie des justices les plus respectées en Afrique et dans le monde. Les procureurs et les juges sont très professionnels. Et vous verrez au Sénégal, comment la justice est indépendante. Et vous allez voir parfois aussi quand la justice est en train de délivrer vous-même, Garde des sceaux, vous n’êtes pas au courant de ce qui va se passer. Vous apprenez les délibérés ou le verdict en même temps que tous les autres», a-t-il dit. Pour lui, le meilleur indicateur de l’indépendance de la Justice reste l’imprévisibilité de ses décisions.