Passé/Présent – Crise dans le secteur de l’éducation : Les mauvaises notes s’enchaînent

Notre pays fait face depuis plusieurs années, à une grève cyclique des syndicats de l’enseignement. Les revendications ne varient pas souvent et les autorités étatiques peinent à respecter leurs engagements. De l’autre côté, les apprenants restent les seuls perdants avec un avenir hypothéqué.Par Dieynaba KANE
– Après deux ans d’accalmie, les fondations de l’école sont à nouveau secouées. C’est une situation connue, car il est difficile au Sénégal de vivre une année scolaire sans perturbations. Presque chaque année, à quelques exceptions près, l’école publique fait face à des mouvements d’humeur soit des syndicats d’enseignants, soit des élèves eux-mêmes. Ces dernières années, ce sont les syndicats d’enseignants qui se sont plus illustrés sur ce terrain avec des plans d’actions pour exiger la satisfaction de leurs revendications. Les mouvements d’humeur durent des mois avant que les acteurs décident de se réunir pour trouver une solution afin de sauver l’année. Depuis 2006-2007, on assiste presque au même scénario. En 2006, les revendications des enseignants du moyen et du secondaire réunis autour du Cadre unitaire des syndicats de l’enseignement moyen et secondaire (Cusems) tournaient autour de «la réforme du statut des volontaires, vacataires et contractuels ; de la rationalisation de la carte scolaire et universitaire ; de l’amélioration des conditions d’apprentissage et d’enseignement ; de la promotion de l’habitat social et du paiement des indemnités de déplacement». En plus des heures de cours perdues à cause des grèves, les enseignants avaient aussi procédé à la rétention des notes et au boycott des conseils de classe. La situation ne s’est pas améliorée. Les syndicalistes ont remis ça durant les années scolaires de 2007 et 2008. Outre les questions liées à leur carrière et leurs conditions de travail, celles qui reviennent souvent ce sont les indemnités. Il faut rappeler que déjà en 2006, les enseignants du secondaire se sont sentis lésés avec les magistrats qui ont vu leur indemnité de judicature passer de 150 mille à 300 mille F Cfa avant de s’établir à 450 mille F en 2008, et les salaires des gouverneurs qui sont passés la même année de 300 mile à 800 mille F Cfa. Une situation qui a provoqué la colère des syndicalistes qui se sont engagés dans un bras de fer avec le gouvernement de l’époque pour un traitement plus juste. Après des mois de grève, des négociations sont ouvertes et des accords trouvés. Année scolaire suivante, rebelote ! Les enseignants vont encore désertés les classes pour exiger le respect des accords qui ont été signés. Le système éducatif sénégalais est toujours dans les mêmes travers. C’est la même situation qui sera vécue en 2012, année électorale avec la Présidentielle. Là aussi les enseignants seront sur le pied de guerre de décembre jusqu’à mars. A la fin ils décident de surseoir à leur mouvement, pour donner au nouveau régime un état de grâce. Après une période d’accalmie, les syndicats vont remettre ça et ils feront face cette fois-ci au gouvernement de Macky Sall. En 2014, un protocole d’accords sera signé avec comme principaux points, les questions de validation des années de contractualisation, de volontariat et de vacation et celle relative à l’habitat social.
Réquisition, ponction des salaires : l’arme contre les grévistes
Entre-temps, les lenteurs administratives et les indemnités de logement vont s’ajouter à la liste des revendications. La lutte va se poursuivre et en 2016, la situation sera plus tendue. Après plusieurs mois de grève, le Grand cadre et le Cusems vont ajouter à leur plan d’actions, la rétention des notes, le refus de prendre les réquisitions et de répondre à tout interrogatoire, le boycott des examens de fin d’année, des compositions de second semestre et des conseils de classes. Si durant le régime du Président Wade, le gouvernement n’a jamais envisagé des ponctions sur les salaires des enseignants grévistes ou de les réquisitionner, avec le ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam, c’est l’arme qui est utilisée pour contraindre les syndicats à lever leur mot d’ordre en 2016. Le bras de fer entre les syndicalistes et le gouvernement va continuer au détriment des apprenants et de leurs parents. Pour mettre fin à cette situation, le gouvernement va menacer de radier les 5000 enseignants qui avaient refusé de répondre aux réquisitions. Il faudra compter sur la médiation des guides religieux de Touba et Tivaouane pour dénouer cette crise et c’était vers la fin de l’année scolaire. Une année blanche encore évitée de justesse.
Iniquité du régime indemnitaire : source du mal
2017-2018, les hostilités vont reprendre, avec toujours des grèves et à la fin un retour à la table des négociations. C’est ainsi qu’un protocole d’accords, considéré par le gouvernement comme «réaliste et réalisable», va être signé le 30 avril 2018 avec comme engagement de l’Etat, d’accélérer les procédures administratives, de mettre en place un plan d’apurement des rappels sur une période de trois ans à partir de 2018, à raison de 20 à 25 milliards de F Cfa par an. Concernant l’indemnité de logement allouée aux enseignants, le gouvernement s’est engagé à procéder au relèvement dudit indemnité de 60 mille F Cfa à 100 mille F Cfa. Concernant le régime indemnitaire qui constitue aujourd’hui le principal point de revendications des enseignants, le gouvernement avait décidé de mettre en place, à partir de juin 2018, un groupe de travail pour partager, avec les organisations signataires, les conclusions de l’étude réalisée pour un système de rémunération des agents de l’Administration publique plus juste et équitable. Cette année encore, les syndicalistes, surtout ceux du moyen-secondaire, multiplient les plans d’actions pour exiger le respect des accords de 2018, notamment la fin des lenteurs administratives et la révision du système de rémunération. Après plus de deux mois de grève, et la mobilisation des élèves dans toutes les régions, le gouvernement a décidé de rencontrer les syndicats aujourd’hui. Les échanges vont porter, selon le ministère de la Fonction publique, «d’une part, sur le système de rémunération spécifique aux enseignants et, d’autre part, sur la demande de création de corps d’administrateurs scolaires dans le secteur public de l’éducation et de la formation». Peut-être un pas vers la fin de la crise.
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