Avec Wade, Sonko avait encore une circonstance atténuante. Mais avec Ahmed Khalifa Niass, l’anti-système nage dans le système. C’est que son hôte d’hier avait été assez dur avec le leader de Pastef. L’homme avait déclaré que le meurtre de la responsable de Pastef de Keur Massar, Mariama Sagna, pourrait être la signature de l’Etat islamique. «Elle (Mariama Sagna) ne portait pas le voile et Daesh ne cautionne pas les femmes qui ne portent pas le voile. C’est sûrement pour cela qu’ils (Daesh) l’ont tué», avait-il développé en octobre 2018. Une manière de qualifier subtilement Sonko de terroriste. Et il était allé encore plus loin dans son argumentaire : «Il y a lieu de savoir que l’idéologie de Sonko est la même qui a sévi à Grand Bassam, dans la zone de Mopti et au nord du Mali. Elle a ouvert un front au Burkina Faso, ancienne Haute Volta. Toutefois au Sénégal, le salafisme a utilisé le langage dit de la Taquya qui était l’apanage du chiisme, c’est-à-dire celui du double langage.» Et Ahmed Khalifa Niass aussi s’est donc «radicalisé». Si le tête-à-tête entre les deux hommes politiques a attiré l’attention, c’est parce que justement, dans sa réplique, le leader de Pastef avait mis le religieux et politique dans le lot des «infréquentables».
«De l’homme qui a été de tous les complots à l’homme de principes»
Sonko a alors dressé un sale portrait de Ahmed Khalifa Niass. «Dans le système, il n’y a pas que les politiciens, il y a aussi des saï saï religieux (opportunistes). Vous avez entendu ces derniers jours quelqu’un qui se dit chef religieux m’attaquer. Peut-être que les plus jeunes ne connaissent pas son histoire. (…) Quand il va en Iran, il leur dit qu’il est chiite, on lui donne des milliards. Quand il va en Arabie Saoudite, il leur dit qu’il est wahhabite, on lui donne des milliards. Quand il va chez Kadhafi, il se fait passer pour un petit-fils du Prophète, il encaisse des milliards et rentre au Sénégal. C’est dire qu’il a été de tous les complots en Afrique et au Sénégal», disait-il lors d’un meeting. Mais hier, il était en face d’«un homme qui se bat pour des principes» et même avec qui il a «des liens de parenté». Mieux, il ajoutait qu’on lui a envoyé un dossier de celui qui le soutient depuis l’éclatement de l’affaire de viol présumé. «Rien qu’au Lac Rose, en 2011, il (M. Niass) a roulé (Abdoulaye) Wade pour se faire octroyer un terrain de 165 ha, soit 1 millions 650 mille m2. Chacun d’entre vous pouvait avoir une maison avec ça. Et tout cela s’est fait sur la base de manœuvres et de magouilles», insistait-il devant ses militants. Une fois élu, il va falloir alors revoir une telle opération, puisque Macky Sall ne l’a pas fait. Mais hier, Sonko a refait un autre portrait de Ahmed Khalifa Niass, une «personne dont personne ne doute de sa dimension intellectuelle». Il a indiqué au leader du Front des alliances patriotiques (Fap) que son souhait c’est de voir tous ceux qui croient au patriotisme se regrouper.