Il est de Touba mais depuis son installation à l’Assemblée nationale en 2017, Cheikh Abdou Bara Dolly se distingue par ses déclarations enveloppées de légèreté et de désinvolture. Sa sortie de mercredi dernier lors du rassemblement de Yewwi askan wi contre le Président Macky Sall l’a conduit en prison. Le Quotidien remet au goût du jour quelques punchlines du député, exclu dernièrement du parti Bokk gis gis.Par Babacar Guèye DIOP
– C’est la victime inattendue du rassemblement de la coalition Yewwi askan wi. Serigne Abdou Mbacké Bara Dolly a été arrêté après ses propos sur le président de la République mercredi. Placé sous mandat de dépôt hier, le député élu sous la bannière de Wattu Senegaal en 2017 n’en est pas à sa première déclaration polémique. L’ancien responsable du parti Bokk gis gis dans le département de Mbacké se laisse parfois aller dans des sorties qu’il est incapable de prouver. Les délits d’offense au chef de l’Etat, de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles ne sont que la sanction d’une série de propos de ce député qui a pourtant marqué cette 13ème Législature. Il se réclame de Touba mais sa parole n’a souvent rien de «saint».
Il traite Serigne Moustapha Sy de «corrompu»
Ainsi, le 30 avril 2021, au cours de l’émission «Salon d’honneur» de Walf Tv, Cheikh Abdou Bara Mbacké Dolly s’est mis à expliquer les raisons du départ de Issa Sall du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur). «Issa Sall a eu raison de quitter (le Pur). Lors de la Présidentielle, son propre parti ne l’a pas soutenu. Le leader de ce parti a reçu une avance de pots-de-vin. Lorsqu’il s’est agi de donner l’autre partie de l’argent, les gens ont appelé ce leader en le mettant en mains libres devant Issa Sall. Lorsque Issa s’est rendu compte que son patron s’adonnait à de telles pratiques, il a pris son destin en main», accusait-il sans nommer Serigne Moustapha Sy. Furieux, le Directoire national du Pur a illico presto dénoncé, lors d’une conférence de presse, des propos «fallacieux, diffamants, calomnieux et des affabulations», tenus à l’endroit du parti et de son président, Serigne Moustapha Sy. Une citation directe avait été annoncée contre le député.
«Quand Macky baisse la tête devant vous, il est en train de vous insulter de mère»
La députée Oulimata Guiro avait à l’époque qualifié Cheikh Abdou Bara Mbacké Dolly de «spécialiste de l’insulte à l’égard du président de la République, du président de l’Assemblée nationale, des ministres…». Contacté par Le Quotidien depuis la Mecque, le concerné avait répliqué : «On ne peut pas sortir une parole dans laquelle je prononce le nom d’une personne. Je n’ai cité personne ! La personne à qui les auteurs de la plainte font allusion (Serigne Moustapha Sy), je n’ai jamais prononcé son nom au cours de l’émission. J’ai mis ces paroles sur la place publique. Celui qui s’en approprie en garde la responsabilité.» Il y a quelques mois, lors d’un débat avec le député Alioune Badara Diouf sur Walf, il a soutenu : «Quand vous êtes en face de Macky Sall, s’il baisse la tête, dites-vous qu’il est en train de vous insulter de mère.»
Le 18 juin 2018, lors de l’examen du projet de loi sur l’introduction du parrainage dans le Code électoral, cet ex-proche de Pape Diop avait menacé le ministre de l’Intérieur d’alors, Aly Ngouille Ndiaye. «M. le ministre, vous avez fait perdre au Sénégal 1200 milliards dans le dossier Arcelor Mittal. Donc vous n’êtes pas digne de confiance pour organiser les élections. Si on gagne en 2019, vous ne passerez pas une minute chez vous ; vous irez directement en prison», avait-il promis. Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, Cheikh Abdou Bara Dolly est présenté comme quelqu’un qui «critique le pouvoir mais négocie des marchés avec le pouvoir la nuit».
Lors du vote de son budget le 10 décembre dernier, le ministre de l’Urbanisme, Abdoulaye Sow, avait raillé le député en ces termes : «Ce que vous dites à l’Assemblée tout haut est totalement différent de ce que vous me chuchotez tout bas dehors.» Des accointances supposées avec le pouvoir que le parlementaire, exclu de Bokk gis gis en mars 2021, réfute. «C’est une accusation sans fondement. Si je travaillais pour Macky, j’allais le dire à haute voix. Je ne suis pas de ceux qui se disent députés de l’opposition mais portent des propositions pour voter un projet de loi de Macky Sall sans débat», s’est-il défendu dans un entretien avec Le Quotidien le 27 janvier 2021. Il ne travaille peut-être pas pour Macky Sall, mais les propos du président du mouvement Nékal fi askan wi sur ce dernier l’ont conduit à la citadelle du silence.
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