Pastef n’a aucun goût pour l’homophobie

L’homosexualité revient, avec force, dans le débat public. Les agitations pour sa criminalisation continuent d’être aussi passionnantes pour une bande d’agités. La semaine dernière, certains Sénégalais, mobilisés par un rustre dont les positions sont aussi versatiles que le vent, se sont agglutinés, comme des rats, pour exiger que les pratiques homosexuelles soient élevées au rang de crime. Cette manifestation rappelle toutes les initiatives qui ont été dénichées, ces dernières années, pour en finir définitivement avec cette partie infinitésimale de la société dont la perversion sexuelle risque d’être fatale pour la prétendue sainteté de la majorité.
Le parti Pastef, comme tous les partis populistes, a utilisé l’homosexualité -l’homophobie- pour ses ambitions politiques. Il s’agissait de profiter de la colère d’une bonne partie des électeurs pour politiser la question. Avec la complicité de certains suppôts de Dieu, devenus maintenant des politiciens, la criminalisation des «actes contre-nature» a été centrale dans la campagne électorale du parti Pastef, pour les Législatives de juillet 2022. Le Président Macky Sall et son régime ont été présentés comme des pervers qui magouillent pour enchâsser cette saloperie venue de l’Occident dans notre si pure société.
Certains usufruitiers du pouvoir divin de juger nos âmes, ces «directeurs de conscience» et «docteurs de la foi» dont parle Hamidou Anne, à l’approche de ces élections, étaient allés jusqu’à présenter les électeurs de la majorité comme des mécréants. Des salauds au service d’un nouvel ordre que les Occidentaux veulent nous imposer. Mais l’histoire est facétieuse, parfois tragique : c’est maintenant motus et bouche cousue au sujet de ce qui fut, dans un passé très récent, une question de survie ou de disparition pour notre société et ses grandes valeurs.
Les tartufferies des soi-disant protecteurs de nos valeurs
Nous avons assisté, depuis des années, aux agissements des censeurs autoproclamés qui, du haut de leur vision étriquée du monde et de leur prétention, ont décidé de s’immiscer dans l’intimité de nos vies. Il leur incombe la mission de sauver nos âmes égarées des affres de l’enfer. Ces soi-disant protecteurs de nos valeurs, qui constituent de réelles menaces pour nos libertés de création, se sont arrogé le droit de nous intimer ce que nous devons lire, écrire, penser, comprendre ; la manière dont nous devons nous habiller, nous exprimer, danser, chanter, niquer nos femmes, devenir des dévots…
En novembre 2021, après les invectives qui avaient suivi le prix Goncourt de Mohamed Mbougar Sarr -livre que les censeurs, ces culs-terreux, n’ont jamais lu-, Felwine Sarr avait vu qu’«il se joue au sein de notre société une bataille culturelle, menée par ceux qui estiment détenir la clef d’une authenticité sénégalaise sinon africaine ; chantres d’un récit, d’une eschatologie, d’un costume, d’une langue, d’un oratorio, d’une vision monochrome et souvent dichotomique du monde avec d’un côté les bons, et les méchants de l’autre».
Ces tartuffes -dirigés par un messie, pardon, un plaisantin- sont insensibles aux innombrables violences sexistes et sexuelles perpétrées contre les femmes ; aux fillettes violées et tuées au quotidien ; à la manière dont nous créons une société où être une femme est un supplice ; à la mendicité des enfants qui sont exploités et déshumanisés aux yeux du monde entier. Mame Matar Guèye et sa «police des mœurs», qui sèment la terreur partout, ne sont intéressés que par des affaires de cul, des seins mal cachés, des baisers présentés comme impudiques, des fesses abusivement généreuses, des jupes trop courtes… Dernier événement en date, soit dit en passant, la chanteuse Mia Guissé a eu maille à partir avec nos «Talibans» parce que tout simplement ceux-ci ont considéré, du haut de leur monticule, que sa belle silhouette et ses pas de danse aphrodisiaques participent à la perversion de la société. Défense de rire.
A voir ces intégristes s’agiter pour nous dépêtrer de cette supposée abomination qu’est l’homosexualité, on a l’impression que celle-ci va torpiller les assises morales de notre société.
Il n’en est rien, car, enseigne l’auteur de Afrotopia, «on ne préserve pas les valeurs d’une société. Il n’y a que les valeurs fragiles (pas assez ancrées en nous) qui réclament qu’on les défende. Les valeurs justes se vivent, s’incarnent, silencieusement se donnent en exemple ; elles inspirent. Et là les humains les imitent et tentent de se les incorporer, éclairés et éblouis par leur sillage lumineux. Parce qu’au fond, si ces thuriféraires étaient assez ancrés dans la part lumineuse de leurs héritages, ils ne craindraient pas les autres cultures, y compris leur part ombrageuse. Leur lumière serait dévoreuse d’ombre. On ne défend que les valeurs que l’on a déjà perdues. Celles-ci ne hurlent pas au cœur de la nuit. Elles parlent délicatement à nos oreilles».
Le parti Pastef prône la tolérance et le respect de la dignité humaine
Le parti Pastef, avec tous les pouvoirs en bandoulière, montre qu’il n’a plus aucun goût pour l’homophobie. Les promesses électorales n’engagent que les homophobes qui y ont cru. L’Assemblée nationale n’a pas de temps pour ces futilités ; elle a d’autres préoccupations : traquer Macky et sa bande de faussaires, protéger les petits gladiateurs du fameux «Projet», augmenter le confort des députés de la Nation en les dotant de rutilantes voitures…
Le Premier ministre, qui s’est toujours présenté comme un homophobe radical, parle, aujourd’hui, de tolérance, d’acceptation sociale de cette forme de sexualité. Il faut en déduire que la criminalisation n’est plus à l’ordre du jour. Et si on dépénalisait ? Après tout, nous sommes au pays de la téranga -hospitalité, en wolof.
A partir de 2008, précise le socio-anthropologue Cheikh Ibrahima Niang, nous avons cautionné, avec nos lâchetés et hypocrisies, la montée d’un discours extrêmement violent contre les homosexuels. Des gens continuent d’appeler à haute et intelligible voix à l’extermination de cette minorité dont la souillure et la maladie ne font plus l’objet d’un doute. En tolérant ces appels à l’exclusion ou, pis, au meurtre, nous entérinons l’idée qu’il y a des vies qui ne valent pas un penny. Nous procédons ainsi à une forme de classification des Sénégalais en fonction de leurs différentes orientations. Ce n’est pas cela que l’on attend d’une République dont la Constitution et les engagements internationaux garantissent l’égalité de tous les citoyens.
Somme toute, le parti qui va cornaquer notre rafiot jusqu’en 2050, et il faut s’en réjouir, n’a aucun goût pour l’homophobie. Tolérance et respect de la dignité humaine : telle est la voie que nous allons essarter pour un «Sénégal juste, souverain et prospère». Les «résidus» parleraient de réalité du pouvoir…
Par Baba DIENG