Pastef, quand l’irrationnel devient fonds de commerce et imposture dévergondée

Le ciel s’était brusquement assombri la journée du 8 novembre, pour éviter que le soleil darde ses rayons irrévérencieux sur le messie. Même le ciel est amoureux du beau et parfait Ousmàaaaan ! Ce jour-là, tout devrait être réglé comme une horloge pour donner de l’écho à la sublime parole du messie. Les Sénégalais, les Africains, l’humanité devraient tous exécuter une chorégraphie universelle pour le Prince de la bonne Nouvelle, le prêtre de la Vertu, le vicaire du dieu politique sur terre. Pourquoi donc l’univers matériel devrait-il rechigner à exécuter sa part de chœur dans un ballet universel en l’honneur de Sonko, le plus grand de tous les temps, Mu Selmi, l’indestructible, le probe absolu ?
Non, il fallait que le soleil s’éclipse derrière les nuages généreux, mais certainement inféconds, pour éviter tout désagrément au dieu vivant parmi des mortels. Ousmane Sonko est trop précieux pour laisser le soleil et la chaleur suffocante de Dakar l’indisposer. L’homme est trop précieux, il faut défier les lois de la météo pour satisfaire ses désirs, puisque ses désirs sont la norme du vrai, du juste, du beau et du bien. Ils ne s’en sont pas rendu compte, mais (et sans référence aucune à la théorie de la relativité) ce jour-là, le temps s’est ralenti.
Vous voyez que dans ce pays, tout est possible. On est tellement bénis. Un soleil qui fait sa prosternation devant sa sainteté Mu Selmi 1er ! Oui, on aura tout entendu dans ce pays. C’est dans ce pays que j’ai vu des adultes, de vieilles personnes et des enfants entrer en transe, en tomber littéralement en syncope devant l’apprenti-imposteur Sheikhou Sharifou dont le seul miracle est de baragouiner le Saint Coran ! C’est dans ce pays que j’ai entendu un guide religieux prétendre qu’il peut, ne serait-ce qu’une minute, stopper la rotation de la terre sur elle-même ? C’est dans ce pays que la fiction a plus de partisans que la réalité ! Je ne vais donc pas plaindre de petits plaisantins qui convoquent l’univers à leurs plaisanteries somme toute bénignes. Je vais simplement leur proposer une autre interprétation en les trouvant sur leur terrain, mais avec une prosopopée digne de leurs facéties.
Ce jour-là, le soleil était en berne, il s’est renfrogné parce qu’il avait honte. Oui, le soleil était gêné d’abriter un spectacle aussi indécent, où les problématiques de développement, de démocratie, de l’Afrique et du monde, ont fait la génuflexion devant son éminentissime Ousmane pour lui laisser le loisir de parler de lui.
Ce jour-là, le ciel a versé des larmes de colère, parce qu’il n’a pas compris tant d’irrationnel chez des êtres choisis par le Très-Haut au détriment des anges pour être ses représentants sur terre grâce au logos qu’Il leur a donné.
Ce jour-là, le soleil et les nuages ont exécuté une chorégraphie macabre pour célébrer l’immolation de la vérité et de la raison.
Ce jour-là, le soleil s’est couvert du voile de la Sutura pour ne pas regarder un spectacle qu’il a déjà vu ailleurs comme prélude à la déraison.
Voilà le progrès accompli par Pastef : des bus aussi nombreux qu’un essaim d’abeilles à l’assaut de Dakar pour y déverser non des militants, mais des victimes. Qui osait prédire un tel scénario : le parti dont le mot d’ordre était la rupture, est désormais inscrit dans une logique de régression.
Non, ce pays est unique : après avoir diffamé tout le monde, ils n’ont plus d’alter ego humain, ils se tournent dès lors vers l’infini, l’univers, l’indifférent et impassible Nature pour forcer ses lois et ses codes à révéler le secret de Mu Sellmi 1er.
Alassane K. KITANE

