PECHE – Impacts liés à l’exploitation des hydrocarbures : Le contenu local, alternative contre le désœuvrement

Thiès, première région minière du Sénégal en termes d’implantation et de contribution, a abrité hier un forum sur le contenu local et ses opportunités liées à la formation et à l’emploi des jeunes, à l’initiative de la coalition Publiez ce que vous payez (Pcqvp), en collaboration avec Oxfam. Une occasion pour les acteurs et experts d’alerter sur l’impact de la découverte du pétrole et du gaz sur les activités de la pêche.
C’est un autre cas pour le secteur de la pêche. Après les licences de pêche accordées à des bateaux étrangers qui plombent le secteur et occasionnent une vague d’émigration clandestine vers l’Europe, le secteur sera davantage impacté avec le démarrage prochain de l’exploitation du gaz et du pétrole. L’alerte est de Abdoul Aziz Diop, coordonnateur de l’entente régionale de la coalition Publiez ce que vous payez à Thiès (Pcqvp). S’exprimant hier, en marge d’un forum sur le contenu local et ses opportunités liées à la formation et à l’emploi des jeunes, organisé par sa coalition, en partenariat avec Oxfam, M. Diop a signalé que dans les zones impactées par les découvertes d’un important gisement de pétrole et de gaz, «comme Cayar, Mbour, Saint-Louis, les jeunes prennent déjà des embarcations, avec l’émigration clandestine, pour aller en mer, parce qu’ils sont désespérés. Parce que la pêche aujourd’hui est impactée et elle le sera davantage». Solutions : «On doit anticiper sur des alternatives avec des activités connexes liées au contenu local, surtout en termes de formation, de fourniture de biens et de services.» En effet, relève-t-il, «le dernier rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) a montré que le contenu local a rapporté 999 milliards de francs Cfa au secteur extractif, mais malheureusement seuls 445 milliards de francs sont revenus aux nationaux» ; d’où la pertinence de la thématique du forum qui repose, selon Abdoul Aziz Diop, «sur la loi sur le contenu local surtout dans le secteur des hydrocarbures qui a été voté en janvier 2019».
Ce membre du Groupe multipartite du Comité national Itie explique : «La Responsabilité sociétale d’entreprise (Rse) qui existe déjà n’est pas contraignante, alors que le contenu local est plus que contraignant, parce que ce sont des obligations contractuelles et une loi qui a été votée. Le contenu local c’est surtout la promotion du secteur privé national, la fourniture de biens et services, la formation qualifiante, l’emploi qualifiant, le transfert de technologies.» Selon lui, «c’est une loi qui a beaucoup d’opportunités». Mais, déplore-t-il, «elle n’a pas été vulgarisée. Il y a un déficit d’appropriation. C’est pourquoi nous avons jugé utile de regrouper les étudiants de la région de Thiès pour faire un travail d’information et de sensibilisation, mais surtout d’orientation des jeunes vers ces filières porteuses». Il souligne : «La chance dans ce contenu local, c’est qu’il va inverser les tendances et changer les paradigmes, parce que nous avons aujourd’hui 11% seulement dans l’enseignement technique et professionnel et 89% dans l’enseignement général, alors que ce dernier ne mène à rien du tout. Et c’est d’ailleurs l’actualité, la problématique principale qui est le sous-emploi et le chômage des jeunes. Il y a deux catégories aujourd’hui au Sénégal : les sans-emplois, ceux qui ont des diplômes, mais qui sont sans emploi et les chômeurs qui n’ont aucune qualification. Et le contenu local peut régler deux problèmes : la formation qualifiante pour vraiment aider ces jeunes, surtout à avoir des passerelles très courtes, niveau Cm2, niveau Bfem, niveau Bac. A chaque niveau le jeune peut être opérationnel pour pouvoir avoir un savoir-faire et être employable. Mais il faut une adéquation entre les besoins des entreprises et la formation aussi qui est délivrée.» Aussi, poursuit Abdoul Aziz Diop, «il faut une référence. Parce que depuis qu’on parle de gaz et de pétrole, nous avons beaucoup d’instituts qui, aujourd’hui, offrent un référentiel de formation en termes des métiers du gaz et du pétrole sans connaître les besoins de ces entreprises. Ça aussi c’est de l’arnaque. Il faudrait que l’Etat régule ces secteurs avec l’implication des ministères sectoriels, notamment ceux en charge de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle et du Pétrole et des énergies pour donner la bonne information aux jeunes Sénégalais, surtout sur la cartographie des opportunités en termes de formation et d’emploi liés au contenu local. Sinon on risque d’avoir beaucoup de jeunes formés et peu qui seront employables». A en croire le coordonnateur national adjoint du Forum civil, «les plateformes gazières et pétrolières, à elles seules, n’emploient pas beaucoup de personnes. Pas moins de 200 personnes. Et ce sont des emplois très profilés. Mais là où elles s’opèrent il y a 500 métiers connexes liés aux activités du gaz et du pétrole, mais qui sont méconnus. C’est cela que l’on appelle le contenu local». Toutes raisons de l’organisation du forum pour informer les jeunes étudiants parce que, assure-t-il, «Thiès est un hub aujourd’hui. Il y a l’Isep, l’Ept, l’Ensa, l’Ut. Nous allons vers ces instituts pour les orienter vers ces filières porteuses».