De plus en plus de voix s’élèvent pour prêcher le port du voile par les femmes. Selon le Pr Penda Mbow, en décortiquant les différents versets qui évoquent cette question, l’on se rend compte que le mot hijab ne veut nullement dire voiler la femme. Selon l’historienne, «le hijab est devenu un instrument de propagande pour transformer notre société».
«Le hijab est devenu un instrument de propagande pour transformer notre société.» C’est la conviction du Pr Penda Mbow. L’enseignante qui était ce samedi la seule femme paneliste dans le cadre des festivités marquant le premier anniversaire du Musée des civilisations noires (Mcn) est largement revenue sur le port du voile. Un débat qui, selon elle, vise à imposer «un autre projet de société et remettre en cause la laïcité». Selon le Pr Penda Mbow, «ce que l’islam retient, c’est la recommandation d’un habillement décent, sobre». Mme Mbow qui intervenait dans ce panel sur «Religion et société» aux cotés de l’abbé Léon Diouf, du Pr Youcef Carter et de Dr Mamarame Seck de l’Ifan, s’est focalisée sur l’appropriation du voile dans la société islamique. «Nous avons décortiqué les différents versets qui évoquent le voile. Et pour nous, le mot hijab ne veut pas dire voiler la femme. Hijab, c’est rideau, c’est séparation», souligne-t-elle. Se référant aux traditions prophétiques, Penda Mbow renseigne qu’en revenant dans le contexte d’apparition du hijab avec le mariage du Prophète pendant la bataille de Khaybar, on se rend compte de comment on a voulu séparer l’espace privé de l’espace public. Selon le Pr Mbow, le vêtement est avant tout une réponse à un environnement donné et qui précède parfois l’apparition des religions monothéistes.
«Il y a un autre débat sur notre identité d’Africaine. Devons-nous renoncer à notre identité africaine ou adopter le port arabe ? En amenant l’islam, est-ce qu’on nous a obligé de nous transformer en femme arabe ?», pose-t-elle dans un auditorium rempli de sommités universitaires. Pour le Pr Mbow, la réponse coule de source. «Nous pouvons être des musulmanes, mais nous pouvons rester nous-mêmes», dit-elle. «Le voile est utilisé comme le symbole de la soumission de la femme. C’est une question fondamentale par rapport à la lutte pour les droits des femmes. Et ce sont surtout les jeunes musulmanes qui nous viennent de la diaspora et qui sont confrontées à des problèmes identitaires extraordinaires, dans des sociétés qu’on considère comme très violentes, ce sont ces jeunes femmes qui aujourd’hui théorisent l’utilisation du voile pour montrer leur identité à l’intérieur de ces sociétés. Pourquoi nous Africaines devons-nous renoncer tout le temps à ce que nous sommes pour adopter le vêtement arabe ?», s’interroge l’historienne.
Le voile, symbole de la soumission de la femme
Mais au-delà du voile, le Pr Penda Mbow est aussi revenue sur la question de la légitimité des femmes dans cet espace religieux. Mme Mbow donne ainsi son propre exemple, ses débuts au Département d’histoire de l’Ucad, chargée d’enseigner l’histoire de l’islam. «Quand je suis arrivée dans les années 80 au Département d’histoire pour enseigner l’histoire des religions, des collègues, et non des moindres, avaient décidé qu’il ne devait pas revenir à une femme d’enseigner l’histoire de l’islam. Et mes cours n’étaient pas suivis seulement par les étudiants, mais c’était une curiosité. Ma réponse était simple. Il fallait avoir des références et un argumentaire solide, travailler tous les jours sans relâche pour être acceptée. Ça c’est le sort des femmes. Peut-être que Awa ne nous a pas rendu un grand service.» Cette position est partagée par le Pr Hawa Bocar Ly de l’Université d’Ottawa. L’enseignante sénégalaise donne l’exemple de l’épouse du Prophète Mohamed (Psl) Aïcha. «Elle n’était pas enrobé de burqa, elle n’était pas au fond de la maison, mais elle était à ses côtés. Il semble qu’au moment de partir, quand on lui a dit : O Prophète, désormais quand nous aurons des questions, à qui devrions-nous nous adresser ? Il aurait dit : adressez-vous à Aïcha. Cela veut dire que les femmes accédaient au pouvoir.» Selon le Pr Ly, aujourd’hui, «plus ça va et plus ça se complexifie et on donne l’impression que les femmes ne devraient pas participer au discours religieux. Alors que du temps du prophète, il y avait même des femmes qui donnaient la hijaza à des grands savants».