A vrai dire, la démocratie au Sénégal a fini de nous consacrer une «République des Su­ren­chères». Suren­chè­res po­li­ti­ques entre leaders politiques tous obsédés par les lambris dorés du pouvoir, surenchères syndicales, à la recherche d’un leadership, surenchères des médias à la recherche d’un audimètre sur fond de sensationnel, surenchères de Marabouts pour les faveurs attendues du Pouvoir ou sur les niveaux d’ancrage ou de proximité de la Misé­ricorde, surenchères de charlatans et de guérisseurs au­tour du Pouvoir mystique, su­renchères de structures pri­vées de Formations autour d’offres de qualifications, pas souvent au Rendez-vous

. Ce charivari et tohubohu politico-social, enregistrés en ce début d’année de veille électorale, ne sont tout simplement qu’une dramatisation de dérives démocratiques aux conséquences imprévisibles pour l’ordre Répu­blicain, si l’on n’y prend garde.
Il faut le constater pour s’en émouvoir, le landerneau politique actuel regorge d’acteurs assimilables à de parias politiciens qui re­chignent d’aller au charbon, espérant ramasser le Pouvoir dans la Rue. Saurait-il en être autrement quand beaucoup d’entre eux, sont incapables d’attester d’un vécu politique avéré, ou d’une grande expérience de l’Etat et des rouages de l’Administration ? Pour d’autres le niveau académique est douteux, la culture générale ou la culture politique font défaut, ce qu’ils essaient de combler avec un pé­dan­tisme tonitruant sans prise sur le Réel.
Assoiffés d’aura et de Pouvoir, leur mode opératoire pour accéder au pouvoir, ne rassure guère et suscite des interrogations quant à leurs capacités et aptitudes à jouer les rôles d’hommes d’Etat auxquels ils aspirent, dans une République qui a déjà ses marques. La stratégie pour leur ascension politique et sociale est souvent déloyale, opportuniste à souhait et aux antipodes d’un jeu politique civilisé et apaisé. Ignorant les servilités d’une démocratie majeure, certains créent à tour de bras des Partis poli­tiques, en réunissant deux pe­lés et trois tondus, pour s’offrir une tribune pour calomnies, diffamations, invectives, sans coup férir, au nom d’une fausse interprétation de la Démocratie. Tout ce monde se fait menaçant, le temps d’une campagne électorale où l’on joue les cornemuses, en s’adonnant aux enchères, avec le sigle de son parti en bandoulière comme monnaie de change, pour une place au Soleil.
Cette nouvelle race de politiciens privilégie les raccourcis politiques, bâtis  sur une virulence verbale, des refrains d’accusations spéculatives contre les Autorités et les institutions de la République, pour acquérir la notoriété à la place de la popularité. Pour eux la notoriété passe par la déconstruction de tout ce qui vient de l’Autorité, l’insubordination et le refoulement de l’ordre en place. Aussi leur lieu de prédilection, à la place d’un travail de terrain au niveau des masses, reste les plateaux de télévision et des radios où ils opinent sur des questions sur lesquelles ils n’ont aucune maîtrise du fait du manque d’intérêt et d’attention à ce qui se fait. C’est pourquoi ils ont une approche superficielle des politiques publiques et des procédures en cours, qu’ils s’autorisent à pourfendre aux seules fins de démagogie populiste et d’adversité politique. Ainsi un responsable politique, grand intellectuel, s’est permis avant d’être édifié sur la signification de la «carte d’égalité des chances», d’inviter les citoyens à attraire l’Etat devant les Juri­dictions parce que lui comme tant d’autres, en étaient discriminés, alors super-valide, il ne savait pas que cette aide est destinée aux personnes à handicaps.
On peut en dire autant sur ce leader qui ambitionne de diriger le pays mais qui se méprend entre contrats pétroliers (avec sociétés pétrolières) et Accords politiques bilatéraux qui passent forcément par une autorisation de ratification du Parlement. Bref, c’est là le revers dommageable pour le progrès de nos pays, de l’adversité aveu­gle ou des préjugés négatifs par rapport à tout ce que fait l’autre, parce que tout simplement on n’est pas ensemble. Alors, c’est pourquoi en Afrique il faut reprendre à Zéro quand son heure sonne parce qu’on a rien capitalisé de l’expérience de son Prédécesseur. Nos politiciens ignorent que la capture du Temps qui seule permet d’entrer dans l’Histoire, passe par l’accumulation des expériences et la capitalisation des Acquis, comme le fait si bien Benno bokk yaakaar. C’est pourquoi le Peuple doit rester vigilant et lucide dans ses choix futurs pour ne pas embarquer notre pays à l’aventure avec des mains inexpertes. Le Peuple doit beaucoup faire attention à la surenchère politique entretenue par des politiciens en quête d’aura, marchands d’illusions, qui pour accrocher versent allègrement dans la critique facile, l’amplification des situations difficiles, l’enveniment des crises, pour lesquelles ils ne proposent aucune alternative. Ils constituent une menace pour la Démocratie et l’Etat de Droit par un discours inflammatoire, un discours du blâme consistant à ne jamais invoquer sa part de responsabilité dans ce qui arrive mais plutôt à toujours faire «porter le bonnet» au Pouvoir, de manière déloyale avec des allégations qui jurent d’avec les faits et s’avèrent parfois attentatoires à la cohésion nationale
La surenchère politique, c’est aussi les supputations sempiternelles sur l’organisation d’élections et la contestation systématique des résultats issus de celles-ci. Depuis toujours les élections demeurent l’Agenda politique des leaders de l’opposition au Sénégal, ce qui place le pays dans une campagne électorale perpétuelle qui détourne des véritables enjeux et défis de l’heure et favorise une situation de non Travail et la fracture sociale. La rupture de cette opposition avec la réalité du terrain explique leur incapacité d’élaborer des programmes alternatifs pertinents auxquels ils substituent des slogans les plus controversés les uns que les autres. Les marches, sit-in, talk-shows dans les plateformes des Médias où le sarcasme le dispute au pédantisme, constituent la quintessence démocratique de leur existence politique au grand dam de la réflexion contributive, approfondie sur les défis majeurs. L’absence de solidarité nationale, l’indifférence face aux questions d’enjeux majeurs ou aux calamités, renseignent sur l’état d’esprit et le faible niveau de conscience citoyenne, de patriotisme de certains acteurs. Dans ce cadre, comment comprendre les sons de cloche différents de responsables politiques sur l’intégrité du territoire national ? Comment comprendre que des Sénégalais qui ambitionnent de diriger ce pays puissent cracher sur l’initiative des bourses familiales qui sont une incitation à l’accès et au maintien à l’Ecole des Enfants des Familles démunies, par l’accompagnement de celles-ci pour que leurs progénitures deviennent demain de véritables acteurs de Développement par le truchement de l’Education ? Comment peut-on comprendre aussi que des politiciens puissent faire la fine bouche sur des politiques dont les impacts directs sur le vécu des populations est indéniable (infrastructures, Pudc, Puma, Pracas, etc.)?
Est-il soutenable que le monde rural est plus fatigué ces cinq dernières Années que pendant les dix Années précédentes ? Est-il juste d’ignorer les conditions dans lesquelles le Pays a été laissé en 2012 avec un lourd passif social économique et financier en cours de résorption (Accords signés à pieds levés non res­pectés, entreprises pillées ou bazardées avec Droits de travailleurs bafoués), Benno bokk yaakaar, aurait pu faire deux fois plus que ce que les uns et les autres ont fait en 50 ans, n’eût été ce passif ? Aussi la question qui taraude l’esprit du citoyen attaché à ce pays est de savoir, de quel Sénégal et pour quels Sénégalais parlent ces politiciens ? En politique, il faut savoir raison garder, car à chacun «son tour chez le coiffeur». Notre démocratie est aujourd’hui à la croisée des chemins, c’est la désaffection pour la chose politique par les populations, le déni de confiance et de crédibilité à l’endroit de la classe politique est réel du fait de leurs turpitudes et ce faisant un important pan de la démocratie est en train de s’affaisser.
Du côté des Acteurs sociaux, avec le principe inaliénable de la liberté syndicale et le pluralisme débridé qui en découle, même s’ils s’en défendent, la surenchère est de mise, à chaque début d’année scolaire, mais surtout quand ils pensent que le régime a le couteau à la gorge, surtout en veille d’Année électorale. L’on ne peut pas le nier et c’est concevable mais il y a un risque à trop tirer sur la corde. Le paysage syndical souffre de la même pathologie que celle qui affecte les nouveaux loups de l’arène politique. De plus en plus des Responsables syndicaux sans une pratique syndicale éprouvée ou une maîtrise avérée de leur sujet, de la négociation collective, se retrouvent de manière accidentelle et souvent prématurée, aux commandes d’appareils syndicaux dont la mission a profondément évolué au regard du contexte de globalisation et des formes modernes de gestion des Emplois et carrières. Ainsi le large spectre des revendications sociales, n’épargne plus le plus petit hameau du Séné­gal qui tient à sortir de l’anonymat, touche l’ensemble des catégories professionnelles et particulièrement les Syndicats de travailleurs et même le patronat. Par leur récurrence, leur diversité, leur acuité, même si par ailleurs, elles dénotent une certaine vitalité de la démocratie au Sénégal, elles ne manquent pas de donner l’impression d’une surenchère du fait de leur simultanéité et de la cacophonie qui les enveloppent.
L’on a l’impression d’être dans un marché de criées ou dans une mare de grenouilles. L’intransigeance affichée parfois par certains acteurs politiques ou sociaux qui feignent d’ignorer le décalage temporel dans l’historicité des problèmes posés, renvoie à une anarchie rampante. Faut-il le rappeler, la République, l’organisation de l’Etat de droit, respirent par la démocratie cependant l’on doit se garder d’en faire la porte ouverte à la permissivité, au libertinage, à l’irrévérence, à la débauche morale et intellectuelle. Elle repose sur un socle de valeurs, de Lois et principes librement con­sentis qui déterminent un ordre républicain auquel tous les citoyens sont assujettis quels que soient leur statut social et rang. Elle est l’expression de la volonté commune de vivre ensemble au­tour d’un idéal commun pour lequel chacun(e) apporte sa pièce à l’édifice. Le jeu démocratique et les arbitrages qui en découlent, régulent la marche de la République et confèrent légitimité et pouvoir aux Institutions en charge de la mise en œuvre des programmes, de l’application correcte des Lois et du maintien de l’Ordre Public. Les richesses et les biens, générés dans un élan collectif, sont inaliénables et appartiennent à tous les cito­yens. Leur répartition répond à des critères de rationalité et d’équité et de reddition des comptes, conformément à la Loi. A défaut, la Loi doit s’appliquer dans toute sa rigueur sans faux-fuyants.
La République ne saurait donc prospérer dans un contexte de reniement et de refus de l’application de la Loi, dans une dynamique de défiance permanente, de désacralisation des Institutions ou de tentatives de fragilisation et de déstabilisation de l’Autorité. De telles postures vident la démocratie et l’Etat de droit de leur substrat et exposent le Pays à des périls de toutes sortes. Hélas, à la lumière de ces fondamentaux, l’on peut considérer que le Sénégal est encore un colosse aux pieds d’argile. Arrêtons donc ces mélodrames, retroussons les manches et la main dans la main construisons ensemble ce pays, ce n’est que par une telle prise de conscience que la République survivra et le pays mis à l’abri des périls qui rôdent le long de nos frontières.
Walmack NDIAYE
Observateur Politique