Les jeunes de 15 ans dont nous fûmes tous rêvent d’un monde sans arrière-pensées. Les adultes de 30 ans découvrent douloureusement qu’ils vivent dans une société mue par les intentions au deuxième degré. Les hommes mûrs de 45 ans pensent avoir fait le tour des hypocrisies. Au-delà se côtoient les irréductibles comploteurs, les blindés, les politiques, les as de l’action par ricochet, les très vicieux, les lucides froids et les lucides mélancoliques.
Sans avoir aucun intérêt à tomber dans un manichéisme en toc, il est indéniable cependant que le charivari actuel du microcosme footballistique sénégalais est plus fait pour nous désespérer que nous distraire. Les plus optimistes rétorqueront qu’on a une Coupe du monde à faire. Et alors ? Et nos soucis domestiques ? Il est question ici de nos dirigeants et de leurs petits calculs assassins. L’épique bataille à mort entre Diamil Faye, Saër Seck et Augustin Senghor, à travers leurs différends concernant Jappo Sa, la Ligue pro et la Fédé, est d’une insoutenable indécence. Messieurs, vous nous pompez l’air.
Vos ego hypertrophiés ne peuvent mener qu’à cette situation : l’impasse et la cacophonie. Vous, «sauveteurs providentiels» d’un football local en péril, auraient beau jeu de répondre à cette question : admettez-vous mieux le goût féroce du pouvoir et le maintien des féodalités que le football en marche ? Convenez-en : ce championnat local, version 2017-2018, est une grosse farce doublée d’un échec. La réintégration de l’Uso à mi-parcours étant le symbole d’un certain cynisme au sommet. L’incurie du pouvoir politique, au-delà de l’autorité sportive, à résoudre les malentendus mbouro-ouakamois étant la manifestation d’une défaite de l’élite politico-sportive. Il en restera quoi ?
Il serait inexact de dire que tous les dirigeants ont échoué, mais la proportion des gens estimables et désintéressés n’est pas majoritaire. De toute façon, le profil de club, du dirigeant, a changé radicalement par nécessité, par adaptation à la réalité économique supposée, par volonté cachée ou avouée de se servir du football comme tremplin ou pédale accélérateur. N’est-ce pas messieurs les fédéraux ?
Pour ce qui concerne le tour de table, le football sénégalais a beaucoup donné depuis des années dans l’art de graviter autour de ses propres incohérences, du moins celles de ses dirigeants. Les vrais acteurs, les joueurs n’ont jamais eu droit au chapitre. Piégés qu’ils sont par une absence (voulue ?) de modèles économiques et le complot de dirigeants qui n’ont pas intérêt à les voir grandir. Intel­lectuellement parlant. Il n’empêche que cette situation, quand elle n’est pas gérée par des hommes d’envergure et imprégnés d’humilité face à un milieu sportif qui a ses règles et surtout son essence ludique, n’est pas totalement saine. La tentation fut grande pendant longtemps de considérer que l’action des dirigeants n’était pas la plus prépondérante sur l’activité du football. Parce que la plupart des dirigeants avaient une réelle flamme sportive et utilisons le grand mot puisqu’il existe, une éthique. Ils ne mobilisaient pas les colonnes des journaux et s’effaçaient par obligation devant la puissance des événements. Les temps changent. Les hommes aussi… «Footu» destin !
En gens réalistes, contemporains de Messi, admettons que nous vivons des moments uniques ! Et tant qu’il y aura des génies, des footballeurs et même des coureurs à pied, les dirigeants ne doivent se considérer comme des patrons de droit divin. Au prochain Mondial, les yeux seront rivés sur Sadio Mané. Le monde se souciera peu de savoir que son patron fédéral se nomme Augustin Senghor. Sporti­vement !
Elimane KANE
Journaliste
ciresamba@gmail.com