Le Sénégal veut assumer sa souveraineté autoproclamée en autofinançant le Plan de redressement économique et social présenté hier par le Premier ministre Ousmane Sonko. D’un montant de 5667 milliards Cfa sur 3 ans, le Sénégal compte financer cette stratégie en tablant sur la réduction du train de vie de l’Etat, la mobilisation de ressources domestiques et enfin les stratégies de financement endogène complémentaire hors endettement. Et de manière générale, ce sont tous les Sénégalais, personnes morales et physiques, qui seront transformés en contribuables.Par Malick GAYE –

 65 ans après la déclaration d’indépendance, le Sénégal entame une nouvelle phase de son développement. Il est fini le temps où le pays se reposait essentiellement sur l’extérieur pour se financer. C’est en somme ce qu’il faut retenir du Plan de redressement économique et social. Qui va être financé à 90% par le Sénégal. Et le reste va se faire à travers un mécanisme de partenariat public-privé. Le Premier ministre assure que le financement de ce plan se fera sur 3 axes. Il s’agit de la réduction du train de vie de l’Etat, de la mobilisation de ressources domestiques et du financement endogène complémentaire hors endettement pour, au final, mobiliser 5667 milliards Cfa.
Prévu pour 3 ans, le Plan de redressement économique et social (Pres) va chercher des ressources dans la réduction du train de vie de l’Etat. «Pour le moment, une seule mesure est évaluée, c’est la restructuration du secteur parapublic, notamment la suppression et la fusion d’agences, qui nous donne un gain de 50 milliards Cfa. 9 autres mesures sont en cours d’évaluation, comme la réduction des subventions accordées à certaines entités publiques, qui doivent pouvoir avoir leur autonomie financière, la réduction des subventions des équipements de pêche, l’économie liée à l’organisation des élections, le plafonnement de la masse salariale dans le parapublic, la réduction de la fréquence des missions à l’étranger, la centrale d’achat, la charge locative d’eau et d’électricité de l’Administration, la réforme sur les véhicules de l’Administration, la lutte contre les pertes techniques de la Senelec évaluées à 90 milliards Cfa», a synthétisé Ousmane Sonko.

La batterie de mesures de Sonko
En ce qui concerne la mobilisation de ressources domestiques, le Premier ministre a annoncé une batterie de mesures pour y parvenir. Elle consiste à «aller chercher des niches dans les secteurs du numérique, de la fiscalisation du jeu de hasard, du mobile money, du transfert marchand. L’optimisation des revenus du foncier, qui est un élément important du patrimoine et qu’il convient de fructifier en évitant le plus possible de céder, on peut l’utiliser comme levier financier ; les amendes et redevances ; le recyclage d’actifs portuaires, aéroportuaires, etc., avec l’option de garder la propriété ; la fiscalité environnementale ; la rationalisation des subventions avec le ciblage pour toucher les personnes qui en ont besoin aussi bien dans le domaine de la pêche que dans la distribution des hydrocarbures, sont autant de niches à aller chercher», a détaillé Ousmane Sonko. Qui a aussi donné les pistes de financement endogène complémentaire. Il s’agit de l’appel à l’épargne publique, la promotion d’un secteur bancaire fort en fusionnant un certain nombre d’institutions, la finance islamique, la renégociation des contrats stratégiques dont on est actuellement «à 18% de facturation sur les marchés publics». «Les ressources attendues sur les 3 ans (2025-2028) pour les ressources domestiques additionnelles, ce sont 2111 milliards Cfa. Pour le recyclage d’actifs, nous attendons 1191 milliards Cfa, l’économie sur la réduction de la taille de l’Etat, 50 milliards Cfa pour le moment, le financement endogène complémentaire hors endettement, ce sont 1352 milliards Cfa. Le tout nous permet de nous projeter sur 4600 milliards Cfa pour le moment. L’injection de ces ressources doit générer 1062 milliards Cfa de recettes fiscales. Ce qui est réparti sur les 3 années, avec la première année à 264 milliards Cfa, ensuite 444 milliards et la dernière année, 344 milliards. Ce qui nous donne un total de recours projetés à 5667 milliards Cfa provisoirement», a calculé Ousmane Sonko.

Mobilisation de ressources financières
Ousmane Sonko a expliqué hier, lors de la présentation du Plan de redressement économique et social, que l’objectif de son gouvernement n’est pas de s’enfermer. «La souveraineté n’est pas l’autarcie. C’est plutôt de décider sans contrainte ni pression de ce que nous voulons faire», a affirmé le Premier ministre. Dans cette logique, il a détaillé les objectifs de son Plan de redressement économique et social. «Des services sociaux de base qui bénéficieront aux populations ; une offre plus orientée pour les ménages sur les biens et services sociaux tels que la santé, l’éducation, la formation supérieure, le logement, l’accès à l’électricité et à l’eau ; l’obtention des titres de propriété facilitée ; la bourse de sécurité familiale qui va être renforcée ; continuer à rendre le coût de la vie abordable ; la création massif d’emplois ; la gratuité des médicaments génériques», a-t-il étalé.

Selon l’ancien inspecteur des Impôts et domaines, cela passera par plusieurs stratégies. Il s’agit du «renforcement de la collecte des dividendes des sociétés publiques pour 27 milliards ; la renégociation des contrats stratégiques dont la projection est de 884 milliards ; la mobilisation de l’épargne nationale et de la diaspora qui va être captée à travers des véhicules d’investissements pour une projection de 135 milliards Cfa ; le financement participatif et solidaire à travers le Wafq, le Crowfunding pour une projection de 300 milliards Cfa», a renseigné Ousmane Sonko.

Le Premier ministre a aussi évoqué le coût de l’énergie au Sénégal. Pour lui, la production de gaz à Saint-Louis devrait faire baisser le coût de l’énergie. «Pour l’approvisionnement du gaz par Gta, le Sénégal a notifié son besoin d’approvisionnement pour 2026, comme le stipule le contrat de partage de production. Les gains sont entre 117 et 143 milliards Cfa, selon l’application ou non de la pénalité de 25% prévue. L’impact sur le kilowatt est de passer de 116 francs à 76, 18 francs. L’impact attendu sur les 3 ans est de 473 milliards», a expliqué le Premier ministre. Qui souhaite mettre à profit les actifs de la Sogepa pour mobiliser 341 milliards Cfa. Les opérateurs de téléphonie devront également mettre la main à la poche. Car la régularisation du renouvellement de concession des opérateurs de téléphonie est projetée à 200 milliards Cfa. Dans cette même logique, le gouvernement compte appliquer la réciprocité en faisant payer aux citoyens des pays qui imposent le visa au Sénégal, en leur taxant un visa électronique. Cette mesure devrait rapporter 60 milliards. Pour le recyclage d’actifs comme les autoroutes, Ousmane Sonko ambitionne de toucher 126 milliards.
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