Plan Diomaye pour la Casamance : Le maire de Djibanar donne son quitus

Ibou Diallo Sadio, maire de la commune de Djibanar, l’une des principales localités bénéficiaires du Plan Diomaye pour la Casamance (Pdc), a apprécié, à travers un entretien accordé au journal Le Quotidien, ce programme présidentiel qui appuie le retour des déplacés du conflit casamançais. Il a noté que pour la première fois, un régime a dédié un programme spécial aux personnes déplacées du conflit casamançais.Vous avez assisté, le 11 janvier dernier, au lancement du Plan Diomaye pour la Casamance. En quoi consiste ce plan ?
Ce plan consiste à l’accompagnement des populations des régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor qui se sont déplacées du fait du conflit en Casamance et qui souhaitent retrouver leurs villages et terres. Pour les aider dans la reconstruction de leurs habitats et avoir des activités économiques. Le programme est doté d’un budget total de 53 milliards de francs Cfa, mais va libérer pour cette première année (2025) un peu plus de 4 milliards de francs Cfa. Pour la première fois, un régime a consacré un programme spécial pour le retour des populations déplacées. Ce n’est pas rien. Les autres régimes ont eu leur part d’initiative pour le renforcement de la paix, mais jamais un programme spécial en faveur des déplacés du conflit. Plusieurs programmes étatiques et d’Ong étaient déjà sur le terrain pour aider au retour en appuyant la construction des maisons, en procédant au déminage et en soutenant les activités économiques des victimes de la rébellion.
Quel est l’état des lieux dans la commune de Djibanar en termes de déplacés qui demandent à revenir ?
Il faut dire qu’à notre arrivée au pouvoir en 2014 (il en est à son 2ème mandat), sur 29 villages que comptait la commune à son érection comme collectivité territoriale en 2008, seuls 6 étaient restés sur place. Les 23 étaient rasés ou leurs populations s’étaient dispersées. Il s’agit généralement de villages de l’arrière-pays. Les déplacés ont généralement rejoint la Guinée-Bissau ou sont venus s’installer dans des villages le long de la Rn6, notamment à Goudomp et à Djibanar. Mais après les ratissages de l’Armée en 2021, plusieurs villages se sont réinstallés, rassurés par la mise en place de 4 cantonnements militaires dans les villages de Bafata, Sikoung, Bantancountou et Bindaba mancagne. Ces populations ont obtenu l’accompagnement d’Ong telles que Shelter for Life qui a aidé à la mise à disposition de matériaux de construction, de latrines et de kits d’hygiène, Afrique Enjeux a travaillé à la promotion du dialogue intercommunautaire pour une paix durable et puis Dynamique de paix est intervenue dans la sécurité collaborative en érigeant des espaces de confiance entre populations et Forces de défense et de sécurité. A l’heure actuelle, 17 villages se sont réinstallés. Il reste 6 autres à reloger. Il s’agit des villages de Saliot, Ngobir, Diogniking, Missira, Koubafor, Madina Bayti et Sikoung Balante.
Le village de Saliot, presque totalement installé à Djibanar, a demandé à retrouver ses terres. Les autres vont surement suivre.
En fait, le problème du retour est que, souvent, il n’y a pas tout de suite des infrastructures de base liées à la santé, à l’éducation, aux pistes de désenclavement, à l’électricité, à l’eau potable. On ne construit pas simultanément habitations et infrastructures de base. Nous sommes en pleine année scolaire et les enfants sont à l’école. Il y a encore des zones à déminer et l’Armée nationale les identifie si bien.
Vous êtes un maire, militant d’un parti d’opposition (Apr), comment appréciez-vous les 9 mois passés au pouvoir par le Président Bassirou Diomaye Faye ?
Vous savez, quand il y a changement de régime, on reste à l’écoute, on patiente. On a suivi avec intérêt les déclinaisons de l’Agenda 2050. On attend de voir concrètement les premières réalisations. Une chose est de s’installer au pouvoir, une autre est de voir sortir les premières réalisations. Ce que l’on constate pour l’instant, c’est la continuité, le statu quo. D’ailleurs, il est à regretter les arrêts de certains programmes. Des programmes qui avaient bien démarré. C’est le cas du Fera (Fonds autonome d’entretien routier) qui a fait des résultats très visibles. Le programme est arrêté brusquement. Les jeunes qui avaient des contrats n’ont pas eu de salaire durant toute l’année 2024. On est en 2025, on ne parle pas de payer les arriérés de salaire ni de renouveler leurs contrats, c’est bien dommage. Les jeunes qui sont dans le Cadre de vie sont également sans salaire. Les bourses de sécurité familiale ne sont pas payées, les bourses des étudiants non plus. L’Etat étant une continuité, on devrait rapidement décanter cette situation. Le principe de faire des audits est normal, mais ça ne devrait pas provoquer un arrêt brutal de tous ces programmes. Nous avons même vu le projet de bitumage de la boucle du Boudié connaître un coup d’arrêt. La latérite est en train de se détériorer avec l’hivernage. Tout le matériel est stocké sur l’axe Bambaly-Sédhiou. On attendait avec espoir la construction du pont de Témento, on n’en parle plus. Voilà autant de difficultés auxquelles les populations du département de Goudomp font face. C’est vrai qu’il est un peu prématuré d’avancer dans les critiques, mais disons qu’on ne sent pas encore ce changement tant chanté. On attend de voir.
Maïmouna Dièye a révélé que pour l’année 2025, le projet cible un total de 992 ménages des régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, qui seront dotés de matériaux de construction, de latrines, d’équipements d’allègement de travaux et d’aménagement de périmètres maraîchers et agricoles pour le développement d’activités génératrices de revenus, notamment à travers l’agriculture et des activités connexes.
«En somme, le projet vise à contribuer au relogement des populations déplacées de retour par la fourniture de matériaux de construction pour des habitats permanents, l’accès à des soins de santé de qualité, à l’eau potable, à la scolarisation, à la pratique de cultures vivrières et à l’écoulement de leurs produits, à l’accès aux services numériques et téléphoniques, ainsi qu’au désenclavement à travers la construction de pistes», a-t-elle précisé.
Elle a poursuivi qu’en ce qui concerne l’autonomisation économique des femmes, le Puma s’engage à créer des projets socioéconomiques agricoles, pastoraux et de transformation des produits locaux pour la promotion économique des jeunes et l’autonomisation des femmes. Le but étant de rendre progressivement ces communautés résilientes et autosuffisantes en élargissant leurs possibilités d’initiatives.
La ministre de la Famille et des solidarités renseigne qu’à travers le Pdc/Phase pilote 2024-2025, d’un coût total de 4 698 000 000 F Cfa, les populations qui sont en train de revenir chez elles, après des années d’absence, peuvent se sentir rassurées. Car ces moments de retour, aussi chargés d’espoir soient-ils, ne sont pas sans défis. Mais c’est aussi une chance : celle de se reconstruire et de retrouver la chaleur d’une communauté solidaire. Elle a également souligné que ce projet occupe une place de choix dans le plan d’actions prioritaires du Plan Diomaye pour la Casamance et a salué la synergie avec l’Anrac qui contribue à une mise en œuvre efficace du Pdc.
Propos recueillis par Abdoulaye KAMARA – akamara@lequotidien.sn