Plan italien Mattei : Sangomar et Yaakaar Teranga ciblés

Grâce au gaz russe très abondant, bon marché, l’Allemagne de Merkel a densifié et étoffé son secteur industriel au point de dépasser aujourd’hui le Japon pour se hisser au rang de troisième puissance économique du monde, après les Usa et la Chine. Et très loin devant l’Inde et le Brésil.
Avec la population la plus vieille d’Europe, les Opa des groupes des fonds américains sur les grandes entreprises de la péninsule et l’instabilité politique qui rythme la vie institutionnelle en Italie, l’Allemagne, budgétairement plus disciplinée, politiquement plus stable et économiquement plus innovante en Europe, a presque réussi à reléguer les entreprises italiennes au rang de filiales et sous-traitants des industriels et entrepreneurs allemands.
L’industrie manufacturière a contribué à hauteur de 26, 6% à la valeur ajoutée brute en Allemagne, alors qu’en France, cette part s’élève à 16, 8%, aux Etats-Unis 18, 4% et au Japon à 29%. L’industrie automobile, aiguillon du secteur secondaire germanique, génère plus de 500 milliards d’euros sur presque 2000 milliards d’euros de chiffre d’affaires généré par l’industrie en Allemagne, un secteur structuré autour de Pme et Pmi qui composent 90% du tissu de production. Avec 60 millions d’habitants pour 1900 milliards d’euros de Pib, l’Italie, troisième économie d’Europe, cherche à diversifier son approvisionnement en énergie pour relancer et moderniser sa base industrielle afin de «compétir» avec l’Allemagne et l’Angleterre, les deux pays les plus riches d’Europe, les plus industrialisés de l’Union européenne et toujours exportateurs nets.
Pour résoudre l’équation énergétique, l’Italie se tourne résolument vers notre continent où les plus grandes découvertes d’hydrocarbures ont lieu : au Sénégal et en Mauritanie dans l’offshore maritime, au Mozambique dans la province de Cabo Delgado et en Tanzanie sur la vallée de Lindi.
L’Afrique détient 23% des réserves de gaz de la planète, avec plus de 5000 milliards de m3 de gaz naturel inexploité selon l’Agence internationale de l’énergie (Aie). Avec l’investissement en capacité de production adéquate, le continent serait en mesure de fournir 90 milliards de m3 de gaz supplémentaires par an d’ici 2030 pour les besoins énergétiques du monde, d’où l’appétit de l’Europe qui cherche à s’affranchir du gaz russe et à sécuriser ses approvisionnements en ressources stratégiques. Voici le soubassement du Plan Mattei de l’Italie, loin des préoccupations officielles visant à limiter l’émigration, tel qu’officiellement dit pour rassurer l’Extrême-droite dans ce pays.
Le sixième major des énergies, déjà présent sur les grands champs pétro-gaziers en Afrique et plus récemment en Côte d’Ivoire dans le champ de production offshore Baleine, l’opérateur italien Eni, sera le fer de lance de cette offensive énergétique de l’Italie en Afrique, et le Sénégal pourrait en profiter avec Sangomar et surtout Yaakaar Teranga.
Il faut impérativement trouver un remplaçant à l’américain Kosmos, et bien sûr Eni n’y verrait qu’une opportunité pour renforcer sa présence en Afrique, surtout au moment où ce major cherche à diminuer ses actifs nigérians dans l’amont pétrolier de ce pays.
L’Afrique est le nouveau terrain de chasse des majors et le Sénégal pourrait tirer son épingle du jeu en renégociant ses contrats d’Ep sur la base de ses objectifs d’émergence économique dans l’électricité et l’industrie, pour créer des emplois massifs destinés aux jeunes.
Moustapha DIAKHATE
Ex-Conseiller Spécial Pm
Expert et Consultant Energie et Infrastructures