Après l’arrestation du voleur présumé des 890 millions chez le député-maire des Agnam, Farba Ngom, le Forum civil demande au procureur de s’autosaisir et de déclencher une procédure au niveau de la Haute cour de justice pour trouver l’origine de cet argent. Il prône également une redevabilité sur toute la chaîne de dépense et une transparence dans la gestion du budget…Par Alioune Badara CISS –

Depuis quelques jours, l’on ne parle que de ça : le député-maire des Agnam, Farba Ngom, aurait été victime d’un vol à son domicile, portant sur un montant de 890 millions de F Cfa. C’est une info révélée par le journal Source A, qui a annoncé que la police n’a pas mis du temps à mettre la main sur le voleur de cette importante somme d’argent. Interpellé en marge de l’atelier de partage sur l’avant-projet de loi portant sur le Code de la publicité, Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil, a invité le procureur de la République à s’autosaisir et déclencher une procédure au niveau de la Haute cour de justice pour déterminer l’origine de cet argent.
Selon Birahim Seck, au Sénégal, on a tendance à polémiquer sur les conséquences et à ne pas s’attaquer aux causes. A en croire le coordonnateur du Forum civil, ce pays manque d’institutions fortes : «Il y a d’autres évènements, prenons le cas du ministre de l’Intérieur qui a pris un sac d’argent pour l’amener à Touba. Je crois que si nous avions des institutions fortes, le procureur allait s’autosaisir et déclencher une procédure au niveau de la Haute cour de justice pour trouver l’origine de cet argent. Après le ministre de l’Intérieur, vous avez vu un dignitaire donner un milliard d’adiya. Si dans la République, les institutions fonctionnaient, on allait l’appeler pour lui demander l’origine de ce milliard. Et également 890 millions qu’on dit avoir trouvé chez M. Farba Ngom. Le Forum civil a toujours dit et travaille pour qu’il y ait une indépendance des corps de contrôle», déclare M. Seck.
Jetant un regard critique sur ces institutions, il soutient que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) est étouffée, les rapports à publier de l’Inspection générale d’Etat (Ige) et de la Cour des comptes ne sont pas à jour. Pour lui, cette affaire n’est pas gérée comme il faut. «On a étouffé totalement la redevabilité au niveau du Sénégal. Ce qu’on attendait du procureur de la République, ce n’est pas seulement d’arrêter le présumé voleur des 890 millions, mais également d’appeler la personne concernée pour que celle-ci donne l’origine de cette somme ; et elle aura à se justifier surtout dans ce contexte où le Sénégal est dans la Zone grise du Gafi et est menacé par le terrorisme. Donc le Sénégal doit faire attention aux aspects qui peuvent être vus comme étant des risques du financement du terrorisme. Il faut qu’on ait des institutions fortes pour résoudre ces problèmes, mais je crois que la responsabilité première est celle du gouvernement», rappelle le coordonnateur du Forum civil.

Culture de redevabilité
Face à la tension sociale qui ne cesse de prendre de l’ampleur avec des augmentations de salaire de gauche à droite, il invite le gouvernement à mettre le budget sur la table. «Pour qu’on discute le budget de fonctionnement, le budget du personnel. C’est-à-dire qu’il y ait une cartographie du budget sur le personnel pour qu’on puisse savoir ce que perçoit réellement un député, un conseiller économique, un ministre, un enseignant et quelles sont les indemnités qui tournent autour des agents de l’Administration. Je pense que si on s’engage sur cette voie, on part sur des solutions conjoncturelles mais structurelles et chirurgicales. Et voir les niches d’indemnité, les contrats spéciaux et ce que perçoivent réellement les agents de l’Administration», a conseillé Birahim Seck.
Aussi, il déplore le fait qu’on fasse croire à la population que certains budgets ne font pas l’objet de contrôle, à savoir les fonds politiques. «Je précise que les fonds politiques sont des fonds spéciaux. C’est l’argent du contribuable et il doit faire l’objet d’une redevabilité. C’est le cas des sommes reçues par l’Assemblée nationale, que ce soit le Conseil économique et environnemental, que ce soient les magistrats et surtout en période électorale que ce soit le Conseil constitutionnel, la Cour d’appel… Ils doivent rendre compte et vous ne verrez jamais un rapport sur ces juridictions. Il faut qu’il y ait une redevabilité sur toute la chaîne de dépense au niveau du Sénégal et sur toutes les niches», clame le coordonnateur du Forum civil.
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