PLUS LOIN AVEC… Amadou Tidiane Talla, président du Conseil national des maîtres coraniques du Sénégal : «Le ministre de la Femme n’a rien compris de la politique de retrait des enfants»

La propagation du coronavirus a dicté le retrait des enfants des rues de Dakar. Certains d’entre eux ont été tout simplement renvoyés dans leur région et des daaras fermés. Le président du Conseil supérieur des maîtres coraniques du Sénégal indexe madame le ministre en charge de la Famille. L’ancien député de Bby Amadou Tidiane Talla estime que Ndèye Sali Diop Dieng n’a «rien compris» de la politique de retrait des enfants telle qu’édictée par le chef de l’Etat. Actuel ambassadeur itinérant auprès du chef de l’Etat, il dénonce le «copinage» dans la sélection des bénéficiaires de l’aide alimentaire.
En avril dernier, 25 talibés et leur marabout ont été rapatriés dans le département de Vélingara. Certains d’entre eux ont même été séparés de leur marabout et remis à leurs parents. Quelle appréciation en fait le Conseil supérieur des maîtres coraniques du Sénégal ?
Une mauvaise appréciation. Une très mauvaise appréciation (il insiste). Mme le ministre (Ndlr : Ndèye Sali Diop Dieng, ministre de la Femme, de la famille, du genre et de la protection des enfants) n’a rien compris de la politique édictée par le chef de l’Etat Macky Sall. Il ne s’est jamais agi de fermer les écoles coraniques répondant aux normes et même exerçant dans des lieux fermés comme les internats et de disperser leurs pensionnaires en les ramenant dans leurs villages d’origine. Jamais ! Ce n’est pas ce qu’on s’était dit dans les réunions auxquelles j’ai personnellement pris part. Les textes règlementant le projet de retrait des enfants de la rue ont été élaborés de manière inclusive avec la contribution des associations de maîtres coraniques. Pour le Conseil supérieur qui est représenté dans les 45 départements, nous avions déjà sensibilisé les maîtres coraniques membres et toutes les écoles qui recevaient des élèves externes ont fermé leurs portes, à l’instar des écoles formelles, tout comme 95% de ceux qui faisaient mendier les enfants ont arrêté cette pratique.
Que s’est-il passé alors ?
En réalité, nous, associations de maîtres coraniques, et le ministère avions élaboré un plan d’action pour le retrait des enfants de la rue, en mettant en place des mesures d’accompagnement des daaras. Mais le ministère a profité de la pénétration du Covid-19 dans notre pays pour se lancer, de façon cavalière, dans des opérations de fermeture pure et simple des certains daaras, sans consulter ni associer les associations de maîtres coraniques. C’est pourquoi la grande majorité des maîtres coraniques est très remontée contre l’Etat du Sénégal. Et c’est Mme le ministre et son staff qui ont complètement dévoyé la nouvelle politique des daaras adoptée par l’actuel gouvernement du Sénégal.
Qu’est-ce que vous proposez au ministre comme actions en direction des daaras et talibés ?
C’est au moment où nous attendions une convocation pour valider le plan d’action de retrait des enfants de la rue que nous avons appris cette information. Il est clair que les enfants, selon ce qui était convenu, une fois pris dans les rues, devaient d’être ramenés dans les daaras et non dans les régions. Pour les empêcher de mendier, les daaras devaient bénéficier d’appuis en kits alimentaires et des mesures d’amélioration de leur environnement physique. En plus, les «ndey daaras» devaient se charger de la popote pour les talibés. Nous, en tant qu’association, le Conseil peut lever des fonds pour subvenir aux besoins matériels des daaras avec, bien sûr, l’agrément de l’Etat.
En tant qu’Association de maîtres coraniques, vous devriez normalement être opposée à l’exploitation des tout-petits par la mendicité…
L’islam n’a jamais encouragé la mendicité. Donc nous ne pouvons pas l’encourager à notre tour. Ce qui est encouragé c’est l’aumône, la solidarité, l’entraide. Mais on ne peut pas empêcher une personne dans le besoin de demander des appuis. Et mutatis mutandis, c’est ce que font l’Etat et les Ong en direction des bailleurs ; ce sont seulement les formes et les positions qui diffèrent. Il va falloir aider les daaras à se passer de la mendicité par le renforcement des capacités des maîtres coraniques et l’impulsion d’initiatives d’activités génératrices de revenus, comme l’octroi de terres, le financement pour l’agriculture, l’élevage, la transformation des produits locaux ou le commerce, etc. En passant, nous remercions M. le président de la République de l’heureuse initiative des 500 daaras sélectionnés pour bénéficier de l’appui et de l’accompagnement de l’Etat dans le cadre du Paqeeb (Projet d’amélioration de la qualité et de l’équité de l’éducation de base) du ministère de l’Education.
La pandémie a-t-elle impacté le fonctionnement du Conseil ?
Oui, l’une de nos activités phare, à savoir la 3ème édition du Concours national de lecture du Coran, devait se tenir au courant du Ramadan. Elle a été reportée à l’année prochaine. Heureusement que l’activité de distribution de 97 mille 200 exemplaires du Coran et manuels pédagogiques coraniques que nous avons obtenus en Turquie au nom de M. le président de la République ne sera pas impactée par le Covid-19, car des mesures strictes de distanciation sociale et d’hygiène seront prises à cet effet. L’équipage de ces exemplaires devrait arriver au Sénégal le 26 mai prochain.
Quelle appréciation faites-vous du Programme de résilience économique et sociale destiné à soulager les ménages et secteurs impactés par la pandémie ?
Pour la distribution de vivres aux familles rendues vulnérables par le Covid-19, nous félicitons le chef de l’Etat pour les gros efforts consentis. Ils sont tout au plus 3 à 4 chefs d’Etat à avoir initié un tel soutien à leurs populations, que je sache. Et puis, le volume du don est très important. Il n’était pas obligé d’arriver à ce niveau en termes de quantité et de diversification du contenu du paquet. Il fallait beaucoup de volonté pour le faire. Toutefois, il faut déplorer la sélection faite des bénéficiaires. Des délégués de quartier, dans le ciblage des bénéficiaires, ont fait dans le copinage. Ainsi, on peut rencontrer une famille dans laquelle il y a plusieurs bénéficiaires, ou des familles nanties enrôlées en laissant sur le carreau des ménages dans le besoin. Cela est valable à Gounass et ailleurs au Sénégal. En tout cas, le contenu du paquet est assez consistant et peut soulager une famille pour plusieurs jours. Dans ce programme, le chef de l’Etat a prévu une enveloppe de 300 millions pour appuyer 500 daaras modernes à travers le Sénégal. Dans le département, 11 daaras sont concernés pour un total de 24 dans la région. Nous avons la conviction que les autres daaras non enrôlés dans ce programme auront aussi leur part d’aide dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale.
1 Comments
Ce monsieur et ceux qu’ils représentent exploitent des enfants en bas âge. Ces enfants dans la rue qui mendie sont la honte du Sénégal ! Et il ose comparer l’envoi de gamins dans la rue à des demandes de fonds d’ONG. Quel ignoble personnage. Il devrait être enfermé !