Plus loin avec…Djibril Ba, président du mouvement Progrès : «Les Sénégalais ont demandé une rupture profonde…»


Président du mouvement Progrès, Djibril Ba, ingénieur agro-économiste et financier, Mba en financial management et doctorant en sciences économiques et gestion, analyse, à travers cet entretien, la situation économique, politique et sociale du pays.
M. Ba, vous êtes le président du mouvement Progrès. Avec votre profil de technocrate, qu’est-ce qui vous a poussé à créer un mouvement politique ?
Vous savez, à un moment, le devoir dépasse les titres et les fonctions. J’ai longtemps servi l’Etat et les mouvements associatifs dans la discrétion, mais j’ai constaté que nos institutions et communautés avaient besoin d’une nouvelle génération d’acteurs capables d’allier compétence, rigueur, intégrité et engagement citoyen. Le mouvement Progrès est né d’une conviction simple : le Sénégal mérite une offre politique moderne, apaisée, débarrassée du superflu, et résolument tournée vers les résultats et l’impact concret pour les populations. Il est temps que les politiciens de métier quittent l’espace pour affronter les véritables défis du moment. Il s’agit de défis relatifs à la souveraineté alimentaire, aux menaces climatiques, à la sécurité, à l’emploi des jeunes, à la diplomatie, etc. ; des questions sérieuses qui ne riment pas avec la politique politicienne. Finie la recréation. Ce projet n’est pas une aventure personnelle. C’est une responsabilité que j’assume pleinement envers mon pays, portée avec la confiance et la complicité d’amis, de proches et de citoyens qui croient, comme moi, à un progrès ancré dans l’éthique et l’efficacité.
Vous arrivez dans un paysage politique en recomposition. Quel discours portez-vous ?
Effectivement, les Sénégalais ont demandé une rupture profonde. La victoire de la Coalition Diomaye Président dès le premier tour de l’élection présidentielle, avec un score de 54% des suffrages, l’a confirmé : les modèles politiques anciens sont arrivés à saturation. Franchement «dafa diote» (Il est temps…). (Rires). Comme disait Obama : «It is time for that style of governance to end.» Dans ce contexte, nous, au mouvement Progrès, défendons : une politique d’éthique, de vérité et d’efficacité ; une politique de développement fondée sur l’engagement citoyen, le patriotisme et l’équité sociale ; un discours de vérité, sans promesses irréalisables ; un progressisme pragmatique, transformer le pays en valorisant nos ressources, nos talents et notre souveraineté. Notre ligne est claire : l’opposition peut critiquer, mais nous, nous construisons, nous innovons et nous impulsons une nouvelle dynamique en collaboration avec les communautés composées majoritairement de jeunes.
Quelle est votre stratégie de massification ?
Etant Ingénieur agronome, ancien cadre de banque et expert en développement des chaînes de valeurs agricoles et agroalimentaires, j’ai eu à coacher des centaines de Gie, de Gpf, d’unions de producteurs, de Pme/Pmi et d’autres faîtières, à s’organiser, se structurer et se formaliser. Ce qui témoigne de ma familiarité avec les modèles de dynamiques organisationnelles dans les différentes zones du pays. Bien entendu, la politique à ses réalités. Au sein du mouvement Progrès, nous massifions sur trois leviers. D’abord, les territoires : être présents, proches et utiles envers les communes, les quartiers, les villages. Communier avec eux, de manière sincère. Ensuite, il y a la jeunesse : elle porte la rupture, elle doit aussi porter les solutions, mais quand on les encadre et les accompagne. Il ne faut jamais décider sans eux, mais aussi jamais les laisser prendre des décisions inconscientes. Progrès mise beaucoup sur cette jeunesse pleine d’énergie et de potentiel, mais aussi porte un grand espoir sur elle, pour prendre la relève le moment venu. Enfin, la compétence : attirer ceux qui veulent servir, pas ceux qui cherchent une carrière. Il s’agit juste de collaborer avec un capital humain sain, entreprenant et bien formé pour faire face aux véritables défis du moment : «The right man at the right place.»
Et pourquoi avoir choisi d’être allié au régime ?
Quant à notre alliance avec la majorité présidentielle, elle date d’avant l’élection présidentielle et repose sur un choix réfléchi : le projet de rupture du Président Bassirou Diomaye Faye et l’engagement de son Premier ministre Ousmane Sonko, à travers un développement endogène, à assainir la vie publique, sont compatibles avec notre vision du progrès durable. Nous n’avons pas rejoint le pouvoir ; nous avons rejoint une cause, une trajectoire, une philosophie, avec conviction et détermination, dès les débuts de sa gestation. Je veux bien nommer le projet porté par le tandem.
Après 19 mois, quel bilan pour le tandem à la tête de l’Exécutif ?
Soyons lucides et justes. Le pays a connu une stabilisation institutionnelle après une période très tendue. C’est extrêmement important. Les chantiers de transparence, de lutte contre la corruption et de justice sociale sont bien engagés. Sur l’économie, on observe un redressement graduel, même si les attentes restent fortes. La baisse des denrées de première nécessité en est une parfaite illustration. Ce tandem a su démontrer une chose essentielle : la rupture n’est pas un slogan, c’est un processus, elle doit être portée par nous-mêmes, les Sénégalais. «Our future is up to us.»
On parle de tensions… Comment continuer ensemble jusqu’en 2029 ? Et comment redresser l’économie ?
Les tensions existent dans tous les exécutifs modernes. L’important, c’est la capacité à s’écouter, à se recentrer sur l’essentiel : le Sénégal avant les sensibilités individuelles. Ils doivent continuer à incarner un leadership partagé, apaisé et stratégique. Sur l’économie, la priorité est triple : accélérer les projets structurants (infrastructures, énergie, agriculture, numérique), améliorer le climat des affaires pour libérer l’investissement, protéger les populations vulnérables dans un contexte mondial instable.
Avez-vous des ambitions nationales ?
L’ambition, pour moi, ce n’est pas un siège ou un titre. J’ai un métier, je ne vis pas de la politique, et j’ai décroché tous mes postes (Usaid, Koica, banque de la place, ministère des Finances, Primature) à travers un appel à candidatures. En sus, j’enseigne dans le supérieur depuis 10 ans. Mon ambition est simple : construire une force politique crédible, formatrice, de propositions et utile au pays. Si demain, les Sénégalais estiment que je peux servir davantage, je répondrai présent. Mais ce n’est pas la priorité du moment. L’heure est à la collaboration, à l’engagement citoyen et au soutien à l’action gouvernementale, pour la réussite du projet porté par les Sénégalais à travers ce tandem.
Les Locales approchent. Vous êtes de Thiès… Est-ce que ça vous tente ?
Thiès est une ville stratégique, exigeante, politique. Nous y travaillons, nous y avons des cadres et une base solide. Nous collaborons avec les élus locaux pour un développement inclusif de nos terroirs et la construction d’une ville moderne où chaque Thiessois pourra accéder à l’avoir et au savoir au profit de sa famille. Nous sommes sur le terrain pour marquer notre proximité avec les populations, et cela se matérialise par des actions sociales concrètes : appui constant aux personnes vulnérables, formation des jeunes et des femmes sur les techniques de recherche de financement, sensibilisation des communautés pour lutter contre les inondations, formation en éducation financière, accompagnement des étudiants pour l’identification de sujets de mémoire, appui des acteurs du monde sportif, formalisation des mouvements associatifs, etc. Si la coalition ou les autorités locales ont besoin de moi pour porter un projet territorial, et que mes militants et sympathisants à la base continuent de me faire confiance, je ne vois point l’utilité de me dérober. Car je suis là pour mon Peuple, pas pour ma personne. Je pense qu’il faut avoir la même idéologie que J. F. Kennedy, qui disait : «Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.» Par conséquent, pour moi, ce qui importe le plus, ce n’est pas ma candidature : c’est que Thiès retrouve une gouvernance stable, moderne et tournée vers le développement, au bénéfice des Thiessoises et Thiessois. Propos recueillis
par B. SAKHO – bsakho@lequotidien.sn

