Le Dr Malick Ndiaye est à la tête du Musée Théodore Monod depuis quelques années. La pandémie qui frappe le monde n’a pas épargné le musée qui est une institution universitaire. Obligé de fermer, le musée déplore des pertes financières même si une stratégie de redéploiement a vite été mise en place.

Comment le Musée de l’fan a vécu ces trois derniers mois ?
L’Institut fondamental d’Afri­que noire (Ifan) Théodore Monod est fermé depuis le 17 mars puisque l’Université est également fermée. C’est un musée universitaire. Cela veut dire que nous n’avons pas de visite, nous n’avons pas également de chercheurs qui viennent pour travailler sur les collections. Il y a eu deux types de conséquences. La première est financière parce que nous avons plusieurs recherches qui permettaient au musée de faire ses aménagements. Tout cela n’est plus possible. Mais nous n’avons pas baissé les bras parce que nous avons redéployé notre visibilité sur notre page Facebook. Nous avons décidé d’y mettre à l’honneur chaque semaine un objet, une œuvre de la collection exposée actuellement et qui a été inaugurée 2 mois avant la fermeture du musée. Chaque semaine, un objet est sur la page avec les explications qui l’accompagnent et plusieurs références qui permettent de mieux comprendre l’objet, son histoire, sa géographie etc. Egalement, c’est le moment de redéployer notre politique pour avancer sur la préparation de la nouvelle exposition.

Le rapport de l’Unesco dit que cette crise montre l’importance d’avoir une présence numérique pour les institutions muséales. Etes-vous d’accord ?

Absolument ! Il faut dire que plusieurs musées étaient dans le numérique, d’autres étaient à la traîne, mais la crise nous montre la nécessité de ne plus être dans le présentiel seulement. Il faut que les expositions qui sont organisées par les musées aient la possibilité d’être vues par le numérique. Nous sommes dans un autre monde. Nous ne sommes plus dans un monde de la relation physique. Depuis plusieurs années, nous sommes déjà dans un monde de la relation quantique. Il faudrait maintenant que cette relation virtuelle qui passe par des dispositifs de médiation à distance puisse être exploitée par les institutions muséales, surtout en Afrique. Nous, jusque-là, on n’avait pas un site internet au Musée Théodore Monod, mais on avait une page Facebook, Instagram, Twitter. On était très dynamique sur les medias sociaux et c’est là qu’on allait côtoyer une partie de notre public. Quand la pandémie est arrivée, j’ai décidé que l’exposition qui était en cours soit boostée sur la page Facebook à raison d’un objet par jour.
Le rapport conclut également que seuls 0.9% des musées du monde sont en Afrique. Cela ne reflète pas vraiment la richesse historique du continent. C’est dû à quoi, selon vous ?
Les politiques publiques de la culture ont négligé l’institution muséale pendant des années. Ils n’avaient pas compris la réelle nécessité de bâtir des infrastructures pour sauvegarder la mémoire du passé, pour valoriser la mémoire contemporaine et la conserver pour les générations futures. C’est un problème d’orientation et de vision. Il faudrait comprendre que le concept de musée, tel qu’élaboré dans ce rapport, c’est moderne en réalité. Mais on a plusieurs sociétés qui ont des patrimoines qui ne sont pas organisés dans cette constitution qu’on appelle musée. Si on intégrait dans cette définition toutes les organisations qui gardent des patrimoines pour leurs communautés, je pense que le pourcentage serait revu. Si on regarde le futur, il faut qu’on sache d’une part qu’il y a actuellement une meilleure conscientisation dans plusieurs pays en Afrique lié au patrimoine. D’autre part, il y a quand même quelques projets de construction d’institutions muséales. On peut supposer que cela est dû à plusieurs facteurs, le rapport sur la restitution du patrimoine qui a montré à plusieurs pays la nécessité d’avoir des informations sur ce que nous avons pour le valoriser. Tant qu’on n’avait pas d’inventaires, une vision objective et claire de la façon dont ce patrimoine est parti, de la quantité de ce patrimoine à l’extérieur, il était très difficile de sensibiliser les populations.