Opérateur économique, Mamour Cissé redoute les conséquences d’un confinement du pays pour stopper l’avancée du coronavirus. Le leader du Parti social-démocrate/Jant bi appelle l’Etat à la vigilance contre toute spéculation sur les denrées de première nécessité.
En tant qu’opérateur économique, est-ce que vous subissez les mesures prises par le gouvernement dans la lutte contre le coronavirus ?
Pour l’instant, ce sont des mesures salutaires qu’il fallait prendre. Quand l’intérêt général est menacé, je pense que les intérêts particuliers n’ont plus leur raison d’être. En ce moment, il n’y a pas de conséquences réelles sur la totalité des opérateurs économiques, mais il y a des secteurs qui sont directement menacés. Par exemple pour l’hôtellerie, quand on ferme les frontières aériennes et terrestres, les acteurs de ce secteur le ressentent fortement. C’est la raison pour laquelle il faudra faire preuve d’anticipation dans des crises pareilles. Effectivement, les acteurs du secteur doivent penser à un Fonds de dotation pour les lendemains difficiles. Cela permettra aux entreprises d’éviter des licenciements ou des chômages techniques. Pour nous autres, il n’y a pas encore de problèmes majeurs comme c’est le cas en Europe du fait du confinement total. Si nous, les autorités et les populations sénégalaises, parvenons à contenir cette pandémie, il n’y aura pas de problèmes majeurs.
Est-ce que vous parlez du même Fonds de solidarité et de riposte annoncé par le président de la République lors du dernier Conseil des ministres ?
Je pense que ce serait salutaire de réfléchir sur des mécanismes pour soulager les entreprises parce que celles-ci avaient des échéances au niveau des banques et autres institutions. Cette situation va forcément avoir de l’impact sur leurs activités. Il faudra faire preuve de solidarité et, de ce point de vue, la Banque centrale dispose de moyens suffisants pour soutenir nos Etats et nos entreprises. Elle doit jouer un rôle économique et financier dans la zone comme le fait Christine Lagarde (présidente de la Banque centrale européenne) pour soutenir les économies européennes fragilisées par le coronavirus. Nous attendons de la Banque centrale qu’elle fasse preuve d’anticipation, d’imagination pour mettre à la disposition des Etats des moyens par l’intermédiaire des banques et des Etats. Il faudra qu’on puisse emprunter avec des taux presque 0 et qui seront garantis par l’Etat par l’intermédiaire de la Banque centrale. Ce qui est essentiel, c’est de soutenir le tissu industriel. Sinon, ce sera la catastrophe.
Cette situation de confinement aura-t-elle des conséquences désastreuses pour les entreprises ?
Ah oui ! On ne le souhaite pas. Nous sommes dans un pays sous-développé où les urgences sont multiples. Un confinement va impacter nos finances, notre trésorerie et nos entreprises. Mais pour entreprendre, il faut d’abord être en bonne santé. Le confinement certes impactera forcément nos entreprises, mais de mon point de vue c’est le chemin du salut.
Comment ?
Parce qu’il n’y a plus une liberté de mouvement. On s’achemine vers des lendemains extrêmement difficiles, car le confinement a un coût. L’Etat et ses démembrements doivent préserver les intérêts des consommateurs pour qu’il n’y ait pas de spéculation. Le ministère du Commerce doit fixer les prix des denrées de première nécessité. L’Etat doit aussi activer la police et la gendarmerie pour que l’arsenal répressif s’abatte sur ces commerçants véreux.
Est-ce qu’on peut s’attendre à une baisse du prix des denrées de première nécessité ?
Je le souhaite. Le président de la République au premier chef veillera à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation de prix. Dans une période de crise pareille, la volonté politique règle beaucoup de choses. J’invite l’Etat à plus de vigilance. Enfin, je profite de l’occasion pour féliciter le président de République pour sa posture de pro-activité, sa vigilance et son engagement. Il a su très tôt avoir l’intelligence de la situation et agir en conséquence. La discipline des populations fera le reste pour le salut de tous et de chacun.
Certains annoncent déjà une baisse de la croissance économique…
Tout à fait. Au niveau mondial, il y a stagnation de l’activité économique. Ce qui va nous coûter 1,5 à 2% de taux de croissance. Ce qui explique les efforts immenses qui sont en train d’être faits par la Banque centrale européenne avec plus de 600 milliards d’euros, la Turquie pour plus de 70 milliards d’euros et les Etats-Unis pour plus de 1 000 milliards de dollars pour soutenir l’activité économique chez eux. Pour le Sénégal, il y aura certes une diminution de la croissance d’au moins de 1 à 1,5% relativement parce que l’essentiel de la croissance est portée par les grands travaux initiés par le président de la République et le secteur agricole. Tant que nous pourrons contenir le coronavirus, il n’y aura pas de péril. L’Etat doit tout faire pour protéger le pouvoir d’achat des Sénégalais en luttant fermement contre toute spéculation sur les denrées de première nécessité et sur la discipline que doivent adopter les Sénégalais vis-à-vis des interdits liés à cette pandémie. La période que nous vivons doit être un prétexte pour réconcilier les Sénégalais avec la discipline et le sens des responsabilités. On ne pourra vaincre cette pandémie sans discipline, sans rigueur et sans organisation.