PLUS LOIN AVEC… Mor Ndiaye, Secrétaire général de Jengu/Tabax : «Il y a eu une communication désastreuse laissant percevoir un appel à baisser les armes»

Mor Ndiaye relève des «incohérentes» dans l’assouplissement des mesures restrictives au Covid-19. Le Secrétaire général national du Parti de la construction et de la solidarité Jengu/Tabax aborde, dans cet entretien, la polémique sur le littoral. Et, de façon générale, ce camarade de Boubacar Camara dénonce la spéculation foncière.
Quel bilan tirez-vous de la gestion de la pandémie du Covid-19 ?
A mi-parcours, je retiens que malgré l’absence de prévention, les retards à la riposte et les tergiversations ainsi que le déficit de concertation et de suivi, les autorités politiques ont pris une bonne conscience des risques engendrés par la pandémie. Elles ont annoncé d’importantes mesures et des montants considérables pour mettre en œuvre un Plan de résilience, même si leur application n’a pas toujours été heureuse. La mobilisation du personnel médical a été remarquable. Je salue leur engagement et leur professionnalisme. Je les félicite et les encourage. Les Sénégalais ont fait preuve d’une grande générosité à l’occasion de cette pandémie même si des actes inadmissibles de stigmatisation ont été enregistrés. Je voudrais souligner particulièrement la solidarité de notre parti pour nos compatriotes vivant à l’étranger et marquer notre profonde compassion devant les difficultés qu’ils rencontrent avec la pandémie. Les mesures prises au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie ont connu une application révélant des niveaux de réussite mitigés. Le moment venu, nous livrerons un bilan détaillé. L’heure est à l’adoption d’un Plan de relance économique et sociale pertinent. C’est ce que le président honoraire de notre parti, Boubacar Camara, a compris en proposant le programme Tumbi-19 décliné en 19 mesures pour juguler les effets désastreux du Covid-19 aux plans sanitaire, économique et social. Il avait également, dès le déclenchement de la pandémie, proposé, le 21 mars 2020, avec le Président Macky Sall, 33 mesures dont le fameux fonds de 1000 milliards, allant du dépistage à la gestion des dépouilles mortelles.
Jugez-vous pertinentes les mesures d’assouplissement prises par le Président Macky Sall ?
Il peut arriver qu’au vu des informations mises à sa disposition, le président de la République juge nécessaire d’aller dans le sens de l’assouplissement des mesures édictées. Mais, de notre point de vue, deux choses nous paraissent incohérentes dans sa démarche. D’abord, nous avons l’impression qu’il s’est agi d’une nouvelle option stratégique prônant l’immunité collective. En effet, les conditions de l’assouplissement sont telles que les conséquences évidentes et prévisibles étaient la propagation plus importante de la maladie. De plus, l’assouplissement a été soutenu par une communication désastreuse laissant percevoir un appel à baisser les armes devant un virus avec lequel il faille «apprendre à vivre». Les chiffres enregistrés depuis lors confirment cette crainte. Le Covid-19 est un voisin dangereux et encombrant dont il ne faut certes pas avoir peur et qu’il faut combattre sans relâche, surtout qu’il n’y a ni vaccin ni traitement reconnus. Voilà le message «normal» que nous attendions. Ensuite, l’assouplissement est intervenu au moment où les populations, déjà difficiles à convaincre et à sensibiliser, commençaient à «apprendre à vivre avec les mesures barrières». Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles ignorent royalement le virus.
Etes-vous de ceux qui pensent que le chef de l’Etat a cédé à la pression populaire en décidant de lever certaines restrictions ?
Tout porte à le croire. La fermeture des mosquées et des marchés, ces mesures d’une très grande sensibilité ont été fortement contestées. En plus de leur impréparation manifeste, d’autres mesures comme l’annonce de l’ouverture des classes ont donné l’impression d’un manque de cohérence et d’équité. Enfin, les conséquences économiques et les contraintes sociales du couvre-feu généralisé ont fini par «énerver» les populations dont certains attendaient en vain des vivres promis à grande pompe.
Que dites-vous de la polémique autour du bradage du foncier et du littoral en particulier ?
La spéculation foncière est devenue un sport national au Sénégal. Le plus grave, c’est que c’est l’Etat qui joue le rôle de capitaine d’équipe. La Commission nationale de réforme foncière est enterrée. Les attributions sont faites dans la plus totale opacité. La première mesure est de rendre obligatoire la publication de toutes les attributions de terrains par l’Etat et de préciser les motifs et même la motivation. C’est quand même un bien collectif ! La volonté de transparence est absente. D’abord, pourquoi attendre que le scandale soit dénoncé pour prendre des «mesures» alors que le président de la République a même rendu un terrain sur le littoral comme gage de son engagement contre le pillage de cette zone sensible. Aujourd’hui, tous les outils sont disponibles pour recenser le foncier, son statut, l’état de droit réel y affairant et le fait de procéder à des mises à jour en temps réel dans le cadre d’une carte cadastrale automatisée. La question importante de la gestion du foncier dans le cadre de la blockhchain «Bloc foncier» figure dans le programme Tabax de notre parti. Enfin, nous soutenons toutes les associations et autorités qui luttent sérieusement contre le bradage du littoral.
Etes-vous d’accord avec Jean-Paul Dias qui pense que le Président Macky Sall va tenter de se présenter pour un troisième mandat en 2024 ?
Il n’est pas le seul à le penser. Le débat ne peut plus être occulté car les signaux que le Président Macky Sall envoie sont brouillés. Il répond en tant que personne physique : «ni oui, ni non» alors que le Peuple attend la réponse de la personne morale chargée de faire respecter les institutions. Nous restons sur notre position de principe : c’est une question politique, éthique et morale. Politiquement, on ne peut pas initier une réforme constitutionnelle limitant les mandats du président de la République à deux et solliciter un troisième. Il faut donner l’exemple. Sur le plan éthique, on ne peut pas avoir dit clairement que c’est son dernier mandat et revenir se présenter pour un nouveau. Enfin, sur le plan moral, l’énorme potentiel de contestation et d’impopularité de cette candidature et les risques d’instabilité que cela pourrait engendrer nous paraissent suffisamment dissuasifs pour un homme politique épris de paix. Les souvenirs de 2011-2012 sont encore frais dans nos mémoires. Vous voyez donc qu’il ne s’agit ni d’une question juridique encore moins d’une question juridictionnelle.
2 Comments
Analyse pertinente
Ok mor ndadjé mou boubacar