Plus loin avec… Ousmane Faye, coordonnateur de la Cellule de com’ du Ps : «Le Ps est le grand perdant de cette coalition»

Un vent de frustration souffle au sein du Parti socialiste. Membre du Secrétariat exécutif national, Ousmane Faye sonne la révolte contre l’Apr et soutient Abdoulaye Wilane face à l’«inélégant» Abdoulaye Sow à Kaffrine. Ce jeune Socialiste de la commune de Hann-Bel Air, coordonnateur de la Cellule de communication du Ps, appelle à une évaluation du compagnonnage avec Benno bokk yaakaar, un «sujet tabou dans les instances du parti». Dans cet entretien, Ousmane Faye invite son parti à créer sa propre liste pour les Locales.Partagez-vous l’avis de votre camarade Abdoulaye Wilane qui estime que Macky Sall «se comporte en chef de parti et non en chef d’Etat».
C’est son point de vue. Je ne suis pas dans son esprit, mais je le comprends. Le représentant du chef de l’Etat, en l’occurrence le ministre Abdoulaye Sow, est dans une logique de confrontation. Ce qui est inélégant politiquement parce que nous faisons partie d’une même coalition. Tout le monde sait que le ministre Abdoulaye Sow a le soutien du chef de l’Etat du point de vue gouvernementale ; c’est normal. Sur le plan politique, les actes du ministre montrent qu’il a la caution et l’onction du chef de l’Etat. Sous ce rapport, je peux comprendre la réaction de mon camarade Abdoulaye Wilane. Du point de vue politique, je vois que le chef de l’Etat est dans une démarche de chef de parti.
Macky Sall doit-il parler à Abdoulaye Sow ?
Il doit parler à son ministre. S’il ne le fait pas, tout le monde sera perdant parce qu’il y aura un combat entre des responsables d’une même coalition. Abdoulaye Wilane ne va pas céder. C’est un travailleur, je le connais bien, il ne va pas lâcher l’affaire. C’est un maire qui a un programme à dérouler et qui veut rempiler. Il va se battre pour ça. Nous le soutenons à 300%, le Parti socialiste aussi. Le ministre Abdoulaye Sow a des ambitions pour Kaffrine, je le comprends lui aussi. Personne ne peut le lui reprocher. Ce qu’on désapprouve, c’est cette démarche inélégante du ministre Abdoulaye Sow, et le président de la République doit le rappeler à l’ordre. S’il ne le fait pas, cela peut faire tache d’huile dans la marche de la coalition. Ce que Wilane subit à Kaffrine, c’est ce que subissent tous les Socialistes dans leurs communes respectives. A Hann-Bel Air où je milite, je subis la même chose.
Le Ps est-il en train de perdre dans ce compagnonnage avec Benno bokk yaakaar ?
Le Ps est le grand perdant de cette coalition. Il faut le dire et l’assumer. Le Ps n’a rien gagné dans la coalition Benno bokk yaakaar. Notre soutien au président de la République nous a coûté très cher. Nous avons perdu à Dakar des militants de valeur. Des gens qui, au Ps, auraient bâti quelque chose de solide.
Vous parlez de Khalifa Sall, Barthélemy Dias…
Ce sont des militants de valeur que nous avons perdus. Malheureusement, c’est un sujet tabou dans le Ps. Mais moi j’ose le dire parce que c’est la vérité.
Est-ce que les frondeurs n’ont pas raison sur vous ?
Pour moi, il n’y a pas à avoir tort ou raison en politique. Tout est question de projet et de vision. Aujourd’hui, on doit se remettre en question et évaluer notre compagnonnage avec Bby. C’est ce qui manque aujourd’hui au Ps. Il y a ce Congrès qui tarde à venir et on peut comprendre le contexte, mais on doit aller vers ça. Au-delà, on ne peut pas être dans cette coalition depuis presque 10 ans, renoncer à des élections et ne pas évaluer. Ce n’est pas possible. Le Ps est en train de régresser depuis qu’il est avec le Président Macky Sall. On a peu de députés, il y a le problème de l’animation du parti à la base, il n’y a pas de projet qui fédère les militants socialistes, les gens peinent à vendre les cartes et c’est cela qui bloque les renouvellements. Enfin, on a perdu des militants de valeur à Dakar. Khalifa Sall, Barthélemy Dias, feu Idrissa Diallo, Bamba Fall…
Qu’est-ce que la secrétaire générale Aminata Mbengue Ndiaye doit faire ?
Elle doit pousser à une évaluation de notre compagnonnage avec Benno bokk yaakaar. Malheureusement, c’est un sujet tabou en interne. Cette évaluation est tellement pertinente que d’un point de vue idéologique, on voit se dessiner une réunification de la famille libérale. Mais c’est au détriment des Socialistes. On ne peut pas réunir la famille libérale avec le Ps.
Comment le Ps doit aborder les prochaines élections locales ?
Le Parti socialiste doit avoir sa propre liste. Tous les partis de Benno doivent se peser en allant seul aux élections.
Quelle lecture faites-vous du rejet par l’opposition du rapport provisoire de la Mission d’audit du fichier électoral ?
Nous avons une opposition perdue, larguée et qui peine à exister. Contrairement à ce que les gens pensent, l’opposition n’est pas réunie. L’opposition n’a pas récusé le groupe d’experts qui a donné son rapport avec des recommandations, tout le monde doit s’aligner. Si l’opposition ne le fait pas, c’est par mauvaise foi. Cela montre qu’ils ont peur d’aller aux élections locales. Aujourd’hui, il est hors de question de parler d’un autre report.
Etes-vous candidat à la mairie de Hann-Bel Air ?
C’est clair. Nous voulons prendre la mairie. Si la coalition est reconnaissante, les autres doivent nous soutenir. Sur la question de ma candidature à Hann, il faut dire qu’une liste Bby, à l’image des 19 communes de Dakar, semble impossible. De ce point de vue, notre candidature semble incarner la meilleure alternative pour prendre la mairie au nom du Ps et pour le camp du pouvoir. L’Apr est rejetée par la population au niveau de Hann et une liste de ce parti ne pourra pas apporter de changements. Leur meilleure option serait de soutenir ma candidature. Pour le maire sortant, il incarne l’inefficacité, le pilotage à vue et le manque de compétences.
Propos recueillis par Babacar Guèye DIOP-bgdiop@lequotidien.sn