Le lait en poudre vendu en Afrique est présenté comme étant de mauvaise qualité et serait même engraissé avec de l’huile de palme qui en constitue la «matière végétale». Interrogé sur cette question, le directeur du Commerce intérieur soutient que cela n’est pas un problème. Dans cet entretien, Ousmane Mbaye revient sur la procédure concernant l’importation des produits laitiers et le contrôle effectué par les services compétents.
Quelle est la procédure à suivre concernant l’importation du lait au Sénégal ?
Les produits laitiers sont d’habitude des produits à très hauts risques par rapport à leurs caractéristiques microbiologiques. Ce qui fait que le dispositif qu’on a mis en place pour le contrôle des produits laitiers est très contraignant. Si quelqu’un veut importer un produit laitier, que ça soit du lait en poudre ou du lait liquide, déjà les documents qu’il doit fournir doivent attester de la qualité du lait. Et ces documents sont délivrés par les organismes compétents du pays d’origine. Il y a le certificat sanitaire et de salubrité qui atteste que le produit est de bonne qualité et aussi les résultats d’analyse qui le prouvent. Il s’y ajoute le certificat de non radioactivité de non contamination à la dioxine. Il y a aussi un contrôle documentaire sur l’importateur. C’est un produit sensible, l’importateur doit être connu. Il doit avoir pignon sur rue de sorte que demain, dans le cadre d’un contrôle a posteriori, si éventuellement un quelconque problème est identifié, on puisse retracer le produit jusqu’à son importateur. Une fois que le produit arrive au Sénégal, il y a les Services de l’élevage, notamment la direction des Services vétérinaires qui est présente au port et qui fait un premier contrôle sur cette cargaison de lait. Ce contrôle est sanctionné par un certificat sanitaire et de salubrité qui est délivré par les Services de l’élevage ici à Dakar. Ce document est de recevabilité au niveau du ministère du Commerce. Dans notre contrôle, il y a un aspect non moins important, c’est l’étiquetage du produit, parce qu’il y a des informations que le consommateur doit savoir. Ces informations sont exigées et on ne badine pas avec. Si vous décidez d’importer du lait d’origine végétale, il faut le mentionner sur l’étiquetage. Si c’est d’origine animale, on peut admettre la mention «lait entier». Mais on ne peut pas admettre que quelqu’un importe du lait végétal et mette sur l’emballage «lait entier». La teneur en matière grasse est aussi indiquée. Une des caractéristiques importantes pour déterminer la qualité du lait, c’est la teneur en matière grasse. Les gens peuvent mettre 26%, ça peut aller jusqu’à 28%. C’est après tout cela que la déclaration d’importation est délivrée. C’est sur cette base que l’importateur peut dédouaner son produit. La douane exige la présentation de ce document qui atteste que le produit importé est de bonne qualité avant d’autoriser son enlèvement. Une fois que ce premier niveau de contrôle est opéré, le produit peut être censé être bon. Il y a un contrôle a posteriori, c’est-à-dire nos agents qui surveillent les marchés tous les jours, à chaque fois qu’ils tombent sur un lait, ils regardent si cette marque a obéi au respect de la procédure de l’importation. Les conditions de stockage sont également vérifiées. Si on a des doutes sur la qualité d’un quelconque lait, nous faisons des prélèvements sur le produit que nous envoyons au laboratoire. Si les résultats sont bons, l’importateur continue de vendre le produit, sinon nous procédons à son retrait.
Quels sont les moyens utilisés par vos services pour vérifier la conformité entre ce qui est indiqué dans les documents et la réalité ?
Quand le lait arrive au port, il y a les Services de l’élevage qui font des prélèvements sur la cargaison. Nous aussi nous allons voir le produire, c’est-à-dire aussi bien nous que le Service de l’élevage faisons un contrôle en amont avant même que le produit n’entre. Nous avons un laboratoire qui est l’un des plus équipés de la sous-région. On a un dispositif analytique qui peut valablement contrôler le lait en poudre. Outre le laboratoire officiel, il y a le laboratoire comme celui de l’Institut Pasteur et celui de l’Ecole supérieure polytechnique. Il y a un débat qui se pose au niveau international. On dit que les laits qui sont envoyés en Afrique sont de bas de gamme. Pour garantir la bonne conservation du lait liquide d’origine, les gens enlèvent tout ce qui est extrait sec. C’est l’extrait sec qui constitue le lait en poudre. Il peut être ré-engraissé. Il y a des gens qui ne veulent pas de cette matière grasse, c’est quand quelqu’un vous dit que je veux du lait écrémé. Il y en a qui vous disent je veux du lait demi écrémé, c’est-à-dire que la matière grasse a été réduite de moitié. Et le lait entier, c’est le lait qui garde toute sa matière grasse. C’est pour éviter des matières grasses d’origine animale que les gens mettent de la matière grasse végétale. Cela dépend des choix des consommateurs.
Est-ce qu’à votre niveau vous savez le type de matière grasse végétale qui a été utilisé ?
La matière grasse végétale utilisée n’est pas le problème. Ce n’est pas à nous de déterminer le type de matière végétale qu’on y a mis. Pour quelqu’un qui s’y connaît, ce n’est pas un problème. Le problème c’est de vouloir vendre à un consommateur du lait avec de la matière grasse végétale, tout en voulant le tromper en lui faisant croire que c’est du lait d’origine animale. Il n’y a pas un quelconque problème sur la qualité du produit.
Qu’est-ce qui explique que le lait importé soit moins cher que le lait local ?
Quand on parle de concurrence, il faut parler de produits identiques. Est-ce que le lait entier, c’est-à-dire en liquide venant d’Europe, est moins cher que le lait entier produit au Sénégal. Au Sénégal, on ne produit pas de lait en poudre. Le Sénégalais aussi a des habitudes de consommation. La majorité des Sénégalais vont prendre du lait en poudre. Dans les pays développés, les gens ne connaissent pas le lait en poudre. Si vous prenez le lait importé, l’Etat du Sénégal a mis en place un dispositif de protection tarifaire pour protéger la production locale de lait. Outre les 44% payés sur les droits de douane, l’Etat y a ajouté une taxe conjoncturelle de 10% pour protéger la production locale. Mieux depuis 2018, l’Etat a suspendu la Tva pour le lait liquide pasteurisé parce qu’il y a des gens qui vous disent qu’ils fabriquent le lait au Sénégal, mais en réalité ils importent du lait en poudre qu’ils transforment. Cela ne peut pas être considéré comme du lait 100% sénégalais parce que le fabriquant a importé la matière première. L’Etat du Sénégal, outre la protection tarifaire sur l’importation, a suspendu tout ce qui est Tva sur le lait local 100% sénégalais. L’objectif c’est de garantir un prix rémunérateur aux éleveurs qui font la collecte tous les jours.