Le taux de prévalence des violences sexuelles au Sénégal, 21, 5%, n’est que l’arbre qui cache une forêt de cas non dénoncés. La Secrétaire exécutive de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) en fait le constat et plaide pour la mise en place d’un fonds d’aide aux victimes de violence et la création de structures dédiées à la prise en charge holistique de ces victimes.Pour le Sénégal, le projet Kasa chiffre le taux de violences sexuelles à 21, 5%. Qu’est-ce qui se cache derrière ces chiffres ?

Derrière ces chiffres, il se cache qu’il n’y a pas vraiment de dénonciation. Ces chiffres cachent surtout l’ampleur des violences sexuelles dans le pays. Nos boutiques de droit couvrent 7 des 14 régions du pays. Ce qui veut dire que beaucoup de cas ne sont pas dénoncés à la police ou à la gendarmerie. De janvier à juin 2024, sur 2550 personnes reçues pour toutes les catégories de consultations juridiques, nous avons 500 cas de violence et sur ces 500 cas de violence, 196 sont des cas de viol.

Vous estimez qu’il faudrait mettre en place un fonds d’assistance des victimes de violences sexuelles. Pourquoi ce plaidoyer ?

Les victimes de violence ont besoin d’être assistées médicalement, psychologiquement, matériellement et aussi juridiquement. Et dans notre pays, le fonds d’assistance qui est en place au ministère de la Justice ne concerne que les accusés ou les prévenus. Mais une victime de violence sexuelle a besoin d’être prise en charge parce qu’il y a déjà un traumatisme. D’où l’importance de mettre en place ce fonds d’assistance pour que dès qu’il y a un cas de violence, de pédophilie ou de viol, on puisse avoir cette assistance des avocats pour ces victimes.

Et il y a aussi le renforcement des capacités des enquêteurs…
Les enquêteurs, la loi les cantonnent dans un délai de 48 ou 72h. S’ils ont suffisamment de preuves, ils font le défèrement au niveau du procureur. Mais s’ils n’en ont pas, ils sont obligés de relaxer le prévenu. C’est pour dire que les enquêteurs doivent être mieux outillés pour les enquêtes concernant les victimes. Est-ce que nos Officiers de police judiciaire (Opj) sont assez outillés pour mener à bien les interactions avec les victimes ? C’est ce qui nous pousse à demander le renforcement des capacités des personnes qui vont faire les enquêtes avec les victimes de violences sexuelles.

Il y a aussi la lourdeur des procédures que doivent suivre les victimes. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait les alléger ?

Je serais mitigée. C’est la nature de l’infraction qui exige ces procédures, mais on peut les alléger sans doute. On pourrait mettre en place des structures où toutes ces prises en charge seront réunies : police, personnel de santé, psychologue, et une maison d’accueil. Pour que quand on a un cas de violence sexuelle, que ces personnes puissent être prises en charge. Par exemple au Mali, il y a les One stop center où on regroupe tous les services de prise en charge des victimes de violences sexuelles, et à mon avis, ce sont des exemples qui ont de bons résultats.

Vous participez à cette rencontre de l’Awdf autour du projet Kasa. Qu’est-ce que ce soutien vous a permis de faire ?

L’Ajs a participé à cette rencontre avec le partenaire Awdf qui est un des partenaires qui nous financent pour la vulgarisation, la sensibilisation et la lutte contre les violences sexuelles. Depuis le début du financement qui en est à sa deuxième phase, nous avons fait beaucoup d’activités communautaires avec les acteurs religieux, les jeunes et autres. Nous avons aussi fait d’autres activités avec les acteurs de la chaîne judiciaire, pour que les populations puissent s’approprier cette loi criminalisant le viol et la pédophilie, mais également pour une application effective de cette loi.