Le premier recueil de poèmes que Ahmed Baba Counta a fait paraître en novembre dernier s’intitule «Ombre fraîche». Il est paru aux Editions Damelles du Sénégal. Un recueil qui s’intéresse à l’actualité et traite de l’éducation, la santé, l’économie, l’environnement, le sport, les nouvelles technologies, la politique, la justice…

Quand la retraite sonne, on pense souvent à se reposer. Mais pour Ahmed Baba Counta, retraite rime plutôt avec réflexion. L’ancien journaliste de la Rts et ex animateur de l’émission «Dissoo» et qui a quitté les rédactions depuis 2000 continue pourtant à être mu et hanté par l’actualité. Au cœur de son Bambey natal, M. Counta a écrit un recueil de poésie. Dès les premières pages, le poète démontre combien il est attaché à la presse. Le décor est vite campé par un hommage au journaliste nigérien Moussa Kaka, frère et confrère à la fois, qui dit Halte à la barbarie. M. Kaka avait connu de longs mois de prison, à l’époque de l’ancien Président Mamadou Tandjan qui l’avait accusé de non moins que collusion avec des forces terroristes.
L’aventure de Ahmed Baba Counta dans les rédactions se poursuit dans le poème Le témoin où le journaliste-poète dépose les tares d’un métier : «Un lit de paresse» ; «Tout le monde pense pouvoir exercer dans la presse… incomprise, elle est mal exercée…» Et il revendique également le droit de reconnaissance pour les séniors : «Dans les rangs, tu comptes des séniors que contestent parfois des juniors autoproclamés grands reporters, méprisés par les jeunes reporters.» Sortant des couloirs des rédactions, Ahmed Baba glisse dans l’escalator qui mène à la mairie. Le poème Bonjour Monsieur le maire s’adresse aux autorités de la collectivité locale et dresse le portrait du maire parfait. L’occasion est saisie pour introduire quelques notes politiques. Et dans Lapi-lapi, ce sentier politique se creuse davantage. Là, l’auteur s’intéresse au sort du politicien transhumant qui, comme il le dépeint, est toujours apte à débiter «des propos sordides, dénués de sens, vides…» Et qui par-delà tout considère son mentor comme «un homme en or».
Pour l’ex-voix de «Diisoo», une émission dédiée aux cultivateurs et aux éleveurs, Ombre fraîche est aussi le prétexte de se pencher sur le quotidien de ce paysan tant attaché à la terre. Ayant grandi au cœur du Baol, au sein même d’une communauté de cultivateurs, M. Counta rend hommage aux paysans dans Les nourriciers et célèbre la terre comme jamais dans Les entrailles du bonheur. Outre la terre, le sport tient également toute sa place dans le recueil. L’ancien footballeur et homme qui jadis meublait par sa voix les ondes de la radio trouve dans La balle trouée le moyen de poser le débat sur l’échec des Lions. «Le foot sénégalais est sur la touche par la faute des dirigeants sans touche», dit-il. La justice n’échappe pas non plus à l’œil du poète qui voit en elle une source de joie et de peine.
Mais au-delà de l’actualité, le retraité pose aussi un regard inquiet sur la vieillesse souvent synonyme de santé précaire, d’incertitudes, du temps fugace. Je suis le troisième âge résume en quelques mots toute la pensée de Ahmed Baba Counta qui partage aussi ses souvenirs de jeunesse d’hier, ce bonheur avec la famille (le Rubis)… En somme, en vrai Baol-Baol témoin de son temps, il s’emploie dans son recueil à renouer avec le fil de l’actualité, et comme sait bien le faire le journaliste, il raconte et se raconte. Et tout en se racontant, il esquisse une peinture de la société dans laquelle il vit. Il invite à de profondes réflexions sur la condition humaine.
Au-delà de cette réflexion, la préfacière Andrée Marie Diagne retient après lecture que Baba Counta, à la manière du fabuliste, met en scène ses personnages et glisse quelques leçons, des conseils, des notes d’avertissement. A en croire ses amis professeurs de français du lycée de Bambey, c’est justement là que se trouve toute l’originalité de l’œuvre. Pour son confrère Mouhamadou Tidiane Kassé, le génie du poète est surtout à chercher du côté de ses diverses sources d’inspiration. «Comme l’abeille, Baba a butiné à diverses sources. C’est de ce pollen qu’il a fait son miel et qu’il distille dans les pages suivantes».
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