Il était prévu, demain samedi, à la librairie Aux 4 vents à Dakar-Mermoz, la présentation du livre «L’idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal». Finalement, les éditions Karthala basées à Paris, qui ont publié ce livre de l’historienne Séverine Awenengo Dalberto, ont décidé d’annuler ladite cérémonie. Suite aux polémiques suscitées par l’ouvrage, les organisateurs n’ont pas voulu prendre le risque de voir cet événement perturbé.Par Dieynaba KANE –

Les pourfendeurs du livre sur l’idée de la Casamance autonome ont réussi à faire annuler la cérémonie de présentation de cet ouvrage qui était prévue samedi à Dakar. Suite à la polémique suscitée par la parution de ce livre, les éditions Karthala ont, dans un communiqué, fait savoir que cet événement ne se tiendra plus. «La séance de dédicace de l’ouvrage L’idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Séné­gal de Séverine Awenengo Dalberto, historienne, chargée de recherches au Cnrs à l’Institut des mondes africains (Imaf), prévue le samedi 26 octobre 2024 à la librairie Aux 4 vents à Dakar-Mermoz, a suscité de nombreuses réactions. Face au risque de voir son déroulement perturbé, il a été décidé de l’annuler», ont-elles renseigné.

Dans leur document, les éditions Karthala ont également regretté «profondément l’instrumentalisation politique d’un ouvrage scientifique par des personnes qui n’ont manifestement pas pris connaissance de son contenu». Et d’expliquer : «Ce livre est le fruit de vingt ans de recherches rigoureuses menées par une historienne de renom, reconnue par ses pairs au sein de la communauté académique.» Pour­suivant leurs propos, les auteurs du communiqué ajoutent que «l’idée de la Ca­samance autonome porte sur la période 1875-1970 et s’appuie sur une vaste documentation composée d’archives publiques et privées, ainsi que d’entretiens». La maison d’édition basée à Paris, qui se veut claire sur ce sujet, soutient que «l’ouvrage n’a nullement pour objectif de défendre des thèses séparatistes, mais d’en restituer les origines historiques complexes». Dans cette même veine, elle estime «crucial de préciser que la publication de cet ouvrage, prévue depuis de très nombreux mois, est totalement indépendante de la situation politique actuelle au Sénégal». S’adressant certainement aux détracteurs de ce livre, les éditions Karthala les invitent «chacun à lire cet ouvrage afin de se forger une opinion éclairée sur le sujet». Des personnalités comme le ministre responsable de la Communication de l’ancien Président Macky Sall, M. Yoro Dia, estiment que laisser véhiculer les thèses défendues dans ce livre reviendrait à dire que l’Armée sénégalaise a vaincu la sécession et gagné la guerre, mais que le Sénégal n’aurait pas raison sur le Mfdc. Il semblerait que le Préfet de Ziguin­chor où le livre devait être présenté en premier, a partagé l’opinion du ministre Dia, car il a annulé la cérémonie de présentation.
Par ailleurs dans le document, il est indiqué que «depuis leur création dans les années 80, les éditions Karthala ont toujours eu à cœur la diffusion des savoirs, notamment sur l’Afrique». «Nombre de ces ouvrages sont devenus des références pour la recherche en sciences sociales, détachées de tout militantisme. Cet incident ne saurait les détourner de cette mission», assurent-elles.

L’annonce de la présentation de l’ouvrage intitulé L’idée de la Casamance autonome. Possi­bles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal, de Séverine Awe­nengo Dal­berto, a suscité de nombreuses réactions. Certains qualifient le livre «de pamphlet irrédentiste» qui «défend des thèses dangereusement révisionnistes qui n’ont d’autre objectif que d’exacerber les tensions déjà existantes dans la région de la Casa­mance». D’ailleurs, dans un communiqué mardi dernier, l’Apr, le parti de l’ancien président de la République Macky Sall, avait dénoncé «le mutisme des nouvelles autorités sur la question» et demandé l’annulation de cet événement. On n’en est pas encore à l’interdiction du livre, mais ce ne serait pas une première au Sénégal lorsque des réactions de ce genre éclatent. En 2016, le gouvernement du Sénégal avait interdit à la vente, l’ouvrage de Héla Ouardi, Les Derniers Jours de Muhammad, paru chez Albin Michel. Cela, suite à une levée de boucliers d’Ong islamiques comme Jamra et de certains hommes politiques dont l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye. Un autre livre, au titre iconoclaste et assez provocateur, «Le sexe d’Allah», de la journaliste française Martine Gozlan, n’a pas eu la possibilité d’entrer dans ce pays, suite à une levée de boucliers initiée par des organisations comme Jamra, appuyées par des personnalités à la religiosité assez marquée.
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