Hier, aux Rencontres de la transformation publique, le Premier ministre a trouvé une tribune pour vanter avec force le modèle de développement poursuivi par le gouvernement de Macky Sall depuis 2012. Et il assure ne pas faire de complexes devant les pays soi-disant plus avancés que le Sénégal.
Le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah, n’aime pas recevoir des leçons, même de manière amicale. Sans doute orienté vers l’objectif de mettre en valeur la politique menée par son gouvernement, il ne supporte la critique que lorsqu’elle est positive. Les participants à la rencontre organisée hier sous l’égide de l’Eurogroup Consulting, du Cabinet Grant Thornton et de l’Ecole nationale d’administration (Ena), ont eu le loisir de s’en rendre compte.
Les thématiques de la journée concernaient la transformation de l’action publique pour l’émergence du Sénégal. Le Managing Partner de Grant Thornton, Mansour Gaye, a donné dans son discours introductif, l’Estonie en exemple de modèle réussi de la transformation de l’action publique, avec notamment, 99% des services publics numérisés, des cartes d’identité numérisées, et une formation au numérique pour tous les haut-fonctionnaires. D’ailleurs, ajoutera M. Gaye, l’Estonie a même commencé à exporter son modèle, notamment au Kenya, au Nigeria et à Oman, entre autres.
Il n’en fallait pas plus pour que Mahammed Boun Abdallah en oublie son discours protocolaire. Il a improvisé ( ?) un autre discours, en partant, comme il l’a dit lui-même, sur deux remarques. La première étant que «le numérique est un moyen et non une finalité. Un moyen, c’est de la logistique. Il faut que l’on distingue l’état d’esprit. Si on développe une plateforme de e-taxe et que personne ne paie ses impôts… Combien de personnes dans la salle paient leurs impôts fonciers ?» Qu’ils lèvent la main (2 bras timides se distinguent, dont celui de l’ancien président de la Cour des comptes, M. Guèye). Une bonne occasion pour lui d’indiquer que les bons exemples ne se trouvent pas toujours chez ceux qui en parlent le plus.
Et pour en revenir à l’exemple de l’Estonie, M. Dionne fera noter que «comparaison n’est pas raison. Est-ce qu’on peut comparer une économie continentale, d’un milliard 400 millions d’habitants, ou d’un milliard comme l’Inde, à l’Ile Maurice, dont la distance, quand vous la parcourez, de la crête de l’Ile, à l’aéroport, au sud, est inférieure à la distance Dakar-Thiès. Peut-on comparer l’Estonie, avec son million 300 mille habitants et ses 45 000 km², au Nigeria ? Il faut qu’on se pose les bonnes questions, pour trouver les bonnes réponses». Le Premier ministre indiquera que le pays balte a fait partie de l’Union soviétique, et appartient aujourd’hui à l’Union européenne. Et donc, «dans des pays qui ont terminé leur formation du capital fixe, qui ont des autoroutes et tout ce qu’il faut, en termes d’énergie et autres, on n’a pas les mêmes problématiques comme les nôtres».
D’où l’intérêt pour le Sénégal et les Sénégalais, d’être nous-mêmes. «Nous aussi, on a l’immatriculation unique, avec la carte d’identité de la Cedeao. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Il faut se féliciter de la qualité de notre administration. Ce sont les meilleurs qui y vont. Il faut qu’on arrête de dire qu’on a une mauvaise administration ; je suis convaincu qu’ils sont bons mais il nous faut collectivement, repenser notre façon d’agir et notre rapport à l’Etat.»
Ce qui lui a donné l’occasion, après cette introduction, de faire un long développement sur le Pse, «matrice des politiques publiques», et de ses objectifs. Et pour que nul n’en ignore, M. Dionne a souligné fortement que «le Pse est d’abord, une vision, celle du président de la République. Qui a fait le constat qu’il faut qu’on déconnecte le temps du développement de celui de la politique. Parce que si à chaque fois, on est à un phénomène d’apprentissage et de remise en cause, on ne va pas s’en sortir. Donc, il faut travailler sur le long terme, d’où l’objectif de 2035».
Le Premier ministre a défendu les différentes phases du Pse et ses déclinaisons, en indiquant qu’elles ont été bien pensées pour remplir des missions claires. Car, le pays, comme tous les Etats africains, a besoin de créer de la richesse, afin de retenir ses forces valides chez lui. «Quand vous exportez des matières premières, vous exportez les emplois de votre jeunesse. Vous faites du très beau coton, que vous vendez en Autriche, et les jeunes Autrichiens vont en faire du Djezner que vous importez 10 fois plus cher. D’où le besoin de transformation locale, l’axe 1 du Pse.» Et cette phase a besoin des infrastructures, «qui ne sont pas une finalité, mais un moyen». S’il vous manque des ports, des aéroports, des pistes de production, interroge le Pm, comment exportez-vous ?
En clair, la politique menée par le gouvernement de Boun Abdallah Dionne, sous l’impulsion de Macky Sall, est une bonne politique dans tous les domaines, et produit des résultats tangibles, dont les acteurs sont très fiers. Que cela soit dans le domaine des infrastructures, de la formation technique et intellectuelle, ou même là où le chef du gouvernement a reconnu quelques faiblesses, dans le Développement humain, le Sénégal avance. Et M. Dionne ne pouvait accepter qu’on lui offre en exemples des modèles bien éloignés de ses réalités. Il l’a dit avec force, et a été très satisfait de ne pas être contredit en sa présence.
Les participants ont attendu les débats qui ont suivi pour battre en brèche certains de ses arguments. Mais il n’était plus là pour l’entendre.
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