Aminata Lô, la cinquantaine, a été placée sous mandat de dépôt hier pour avoir violé le couvre-feu, mais aussi pour outrage à agent, entre autres délits. Le Quotidien revient sur les petites histoires de cette ancienne ministre libérale au tempérament chaud. Très chaud !

Le destin de Aminata Lô s’est fait en une après-midi. Ce 19 juin 2007, le Sénégal était suspendu à l’annonce d’un nouveau gouvernement post-Législatives. Macky Sall est parti à l’Assemblée nationale, Hadjibou Soumaré, qui était au Budget, est le nouveau Premier ministre. C’est là justement, dans ses bureaux de l’avenue Carde, qu’il fait ses consultations. Sous Wade, les remaniements ministériels étaient plus des moments très médiatisés. Les entrées et sorties installaient l’ambiance et la tension d’une proclamation des résultats du Baccalauréat. C’était sans doute plus fort que lorsqu’elle avait décroché son Baccalauréat Série D au Lycée Limamoulaye. Dans son édition du 20 juin 2007, Le Quotidien rendait compte du cas de Aminata Lô, qui n’avait pas encore son Dieng, du nom du célèbre avocat Mbaye Dieng, lorsqu’elle est sortie du bureau de Soumaré. «Visiblement, elle était émue. On aurait dit une fille déclarée admise à un examen. La ministre des Sénégalais de l’extérieur ne pouvait retenir sa satisfaction. La peur de la foultitude de caméras et d’appareils photo l’a empêchée de répondre aux questions des journalistes. La Pikinoise préfère rejoindre sa voiture. Elle compose un numéro de téléphone. Oui, elle veut passer un coup de fil certainement pour annoncer la bonne nouvelle. Cette militante du Pds ne pouvait entendre les appels de ce compagnon qui ne cessait de lui dire : ‘’Attends ! Attends ! A ton arrivée, tu leur diras’’.» Et c’est parti ! Les Sénégalais vont faire connaissance avec une (re)belle. Mais surtout une passionnée qui n’a pas encore la carapace politique en dépit de sa proximité revendiquée avec Wade.

De «Lô» chaude sur Sada Ndiaye et Wade en 2009
On pourrait la comparer à l’autre ancienne jeune ministre déléguée, membre de l’Apr, Fatou Tambédou, qui s’en est publiquement prise à son «chef», Diène Farba Sarr, en pleine session budgétaire. Elles ont en commun de ne pas comprendre les codes politiques. Tenez, lorsqu’en 2009 l’ancienne conseillère municipale du Pds à Pikine effectuait sa passation de services, qui était plus une passation de sévices, avec son successeur au ministère du Tourisme et des Sénégalais de l’extérieur, Sada Ndiaye, elle a surpris son monde. Saisissant cette occasion, Aminata Lô Dieng avait fouillé dans le passé de son remplaçant. Mais encore, elle n’avait même pas épargné celui qui l’a sortie de l’anonymat, le Président Wade. Le journal Le Populaire, devenu Vox Populi, rapportait qu’elle n’avait pas raté Sada Ndiaye, transhumant socialiste, à qui elle a rappelé son attitude de «bourreau» du Parti démocratique sénégalais (Pds) dans l’opposition. En son temps, expliquait-elle, leur leader, l’opposant Me Abdoulaye Wade, Secrétaire général national du Pds, était arrêté par le régime du Président Abdou Diouf. Pour réclamer sa libération, elle et ses camarades étudiants avaient entamé une grève de la faim au Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud). «A cette époque, vous étiez alors le directeur. Et vous me disiez que la grève de la faim ne se tiendrait pas. Aujourd’hui, si après vingt-cinq ans de compagnonnage, Abdoulaye Wade prend une chose de mes mains pour te la confier, c’est qu’il y a injustice quelque part. Certes l’homme est injuste, mais Dieu est juste», avait-elle martelé, laissant un public interloqué. Avant de charger le Président Wade dont le régime menait le pays à la dérive. «Le pays est en danger. Nos institutions sont bafouées, la République est en danger. Nous devons prier du fond du cœur pour que le Sénégal soit sauvé. Si je voulais un poste, il suffirait de demander à Pikine de brûler des pneus. J’ai demandé à mes militants de tout remettre entre les mains du Tout-puissant et de ne pas manifester, car mon éviction du gouvernement n’est pas une sanction», avait craché la native de Pikine, dans la banlieue Dakaroise. Mais elle ne savait pas qu’elle avait affaire à un successeur froid. La preuve, par son «petit meurtre» contre son neveu Macky Sall qu’il a dégagé de l’Assemblée nationale par la loi qui porte son nom. «Ce qu’on m’a appris, c’est servir l’Etat en toute circonstance, en tout lieu et sans aucun état d’âme», lui rétorque Sada Ndiaye. Aminata Lô reste Dieng qui lui colle toujours à la peau, en dépit de son divorce avec l’avocat depuis 2010. La titulaire d’un Deug en Pharmacie et d’un Des en Cosmétiques garde quand même son teint chocolat. Elle avait dirigé l’Ong Réseau international des femmes africaines de la diaspora. Et c’est bien à ce titre, et bien sûr parce que jeune Libérale, que Wade l’avait nommée ministre des Sénégalais de l’extérieur et du Tourisme en 2007. C’est à la faveur du remaniement ministériel intervenu le 24 juin 2010 qu’elle avait signé son retour dans le gouvernement.

Ephémère «Amy» de Macky
Des années après la chute du régime Wade, elle rejoint la mouvance présidentielle à quelques encablures des élections législatives de juillet 2017, en abandonnant la coalition dirigée par Khalifa Ababacar Sall. «Nous avons décidé de ne pas voter la liste Taxawu Senegaal après mon audience avec le président de la République. Nous nous sommes retrouvés autour de l’essentiel qui est de travailler ensemble pour la majorité Benno bokk yaakaar», avait fait savoir la présidente de l’Alliance patriotique pour l’émergence et le libéralisme/Jëf jokko jubël (Appel 3J). Interrogée sur ce que le président de l’Alliance pour la République (Apr) lui aurait promis, elle avait répondu : «Je ne crois pas au marchandage politique. C’est pourquoi on ne peut pas s’allier avec n’importe qui. Je refuse de monnayer en politique. C’est l’intérêt supérieur qui prime sur tout.» Mais Lô aura été une éphémère «Amy» de Macky Sall, surtout parce que les responsables apéristes de Pikine ne l’avaient pas accueillie à bras ouverts. Devant Awa Niang et Cie, elle n’avait aucune chance de s’imposer. Elle n’est ni élue ni nommée. Et en octobre 2018, elle rejoint Me Madické Niang dont elle soutient la candidature à la Présidentielle du 24 février 2019. Ces écarts de langage envers les forces de sécurité et le président de la République reflètent donc le caractère du personnage.