Parti de rien, Baba Ahmadou Danpullo a arraché sa part du destin pour bâtir son immense fortune estimée à plus de 550 milliards de francs Cfa. L’homme d’affaires camerounais de 67 ans, en visite au Sénégal aujourd’hui, constitue le parfait exemple à l’Afrique et aux Africains en quête d’une émergence économique. De l’immobilier aux télécoms en passant par l’agro-industrie, la palette de l’homme le plus riche de l’Afrique francophone pourrait être une opportunité au régime de Macky Sall.

Baba1Baba Ahmadou Danpullo. Au Sénégal, ce Camerounais qui sera l’hôte du Président Macky Sall aujourd’hui, est loin de capter les attentions. Même dans son pays, l’homme d’affaires a tracé la trajectoire de son destin dans la discrétion totale. C’était pour se construire un empire dont les activités aujourd’hui, dépassent les frontières du pays de Samuel Eto’o. Fort de plus 550 milliards de fortune que lui attribue le magazine Forbes, cet homme à la moustache, habillé souvent en grand boubou traditionnel, est connu pour ses immenses plantations de thé de Ndawara, sa région natale du Nord-Ouest du Cameroun. Au­jourd’hui, en contrôlant plus de 30 % de parts, Baba Ahmadou Danpullo est le plus gros actionnaire camerounais du troisième opérateur local de téléphonie mobile, Nexttel. Il détient également des participations dans Cameroon Tea Estates et Aéroports du Cameroun (Adc)
En l’invitant au Sénégal, le président de la République ne manquera pas de lui présenter la palette d’opportunités que pourrait lui offrir le Sénégal. Long­temps chanté pour sa démocratie et sa stabilité, le pays semble être un endroit d’affaires propice pour Baba Ahmadou Danpulrange-baba-ahmadoulo. Dans l’immobilier, la nouvelle ville de Diamniadio pourrait attirer le businessman. «Un homme d’affaires doit investir partout où se trouvent des opportunités. Nous n’avons jamais obtenu de soutien financier de quelque Etat que ce soit. Nous avons simplement tiré profit de la stabilité politique pour développer nos affaires. Cela étant, nous pensons que l’Etat doit jouer le rôle de régulateur de l’activité économique. Une réglementation attractive pour les investisseurs et la facilitation de l’accès au financement surtout pour les start-up et une fiscalité transparente et propice à l’épanouissement de l’entreprenariat», théorisait-il en mars dernier dans une interview au Point Afrique.

Son premier travail : camionneur  
Sur ce plan, le Sénégal peut se targuer d’avoir facilité la réforme de l’environnement des affaires. Le classement Doing business sur l’environnement des affaires de ces dernières années le place comme parmi les Etats les plus réformateurs. Macky Sall ne se privera pas à le rappeler. En attendant au Nigeria et en Afri­que du Sud, Danpullo investit dans l’immobilier, les centres commerciaux, dont la fameuse Marble Towers, à Johannesburg. Construit en 1973, cet immeuble est un véritable bijou de 152 mètres et 32 étages. Selon Jeune Afrique, l’édifice est la troisième tour la plus haute de l’Afrique du Sud et la sixième à l’échelle du continent. En somme, le coût total de ses actifs immobiliers pays arc-en-ciel s’élèverait à 400 millions de dollars. L’accrois­sement de son empire coupe le souffle : il est actionnaire et Président du Conseil d’administration de Nexttel, le 3ème  opérateur de téléphonie mobile du Cameroun dans lequel il contrôle 30 % des parts à travers son entreprise Bestinvet Cameroon (BestCam). Né le 1er janvier 1950, Baba Ahmadou Danpullo est un Peul issu du Nord-Ouest anglophone du Cameroun. Il grandit dans une famille modeste et démarre ses activités com­me camionneur et propriétaire de quelques échoppes.
Il a su trimer pour arracher sa part du destin qui ne lui prédestinait sans doute pas un avenir aussi nanti. Chanceux, la main divine accompagne ses actions. Il fait la connaissance de Yous­soufa Daouda, ministre de l’Economie de l’époque du Cameroun, qui lui octroie des licences d’importation de riz et de farine. On est dans les années 1970. Quelques années plus tard, sa rencontre avec Jeanne-Irène Biya lui permet de mettre un pied dans l’industrie. La Pre-mière Dame (décédée depuis) l’aide à acquérir la Société des minotiers du Cameroun, en cours de privatisation, pour un franc symbolique. Son ascension, Danpullo le doit en partie au pouvoir du Président Paul Biya. Lui qui a quitté l’école avant le collège, fait aujourd’hui partie des financiers des activités du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir). Plus récemment, le gouvernement lui a permis de reprendre Cameroon Tea Estates et la Ndu Tea Plantation. Toutes deux faisaient auparavant partie de Cameroon Deve­lopment Corporation (Cdc), entreprise à capitaux publics spécialisée dans la production de thé noir – aujourd’hui le principal métier de Danpullo. Car il faut le dire : l’homme d’affaires s’active dans la culture du thé.

«L’argent n’aime pas le bruit»
Père de huit enfants, qui travaillent presque tous dans les entreprises du groupe, le milliardaire peut envisager l’avenir avec optimisme. Il veut se lancer dans la production de thé vert, dont la consommation ne cesse d’augmenter depuis que des études lui prêtent la capacité de prévenir certains types de cancers. Le groupe a engagé un programme de modernisation de l’outil de production pour accroître son offre. Bien que le Cameroun soit un producteur de petite taille, notamment par rapport au Ken­ya, Baba Danpullo se bat pour faire adhérer le pays au groupe intergouvernemental du thé de la Fao, afin de garantir à la production locale, un meilleur accès au marché international. Dan­pullo s’investit aussi beaucoup dans des œuvres caritatives et sociales à travers son association Sodelco. Il a construit de nombreuses écoles et soutenu la création de ranchs tout en ap­portant son appui à l’installation de centres de santé dans les zones défavorisées.
Malgré sa fortune, il fuit obstinément les mondanités. Au­jourd’hui encore, il vit à l’air frais, à Ndawara, entre le mont Cameroun et les monts Man­dara, au milieu de son élevage de plusieurs milliers de bœufs, de plantation de thé luxuriante. ADouala, la capitale économique du Cameroun, peu de gens connaissent ce Peul anglophone de 67 ans. Ses apparitions de­vant la presse sont rares. Pour rester fidèle à sa maxime : «L’argent n’aime pas le bruit.»