Décédé hier à l’âge de 95 ans, Ben Cheikh Ba, qui sera enterré ce vendredi à Thiès, est un journaliste chevronné qui a rencontré les plus grandes personnalités du pays. La presse perd son aîné. Par Cheikh CAMARA –
C’est dans l’après-midi de ce jeudi 21 septembre 2023, vers 17 heures, au quartier Gouye Sombel, à Thiès, que Maguette Bâ «Ben Cheikh», ancien journaliste à Dakar-Matin, au quotidien Le Soleil et à l’Aps, l’un des pionniers de la presse sénégalaise, a été rappelé à Dieu, à l’âge de 95 ans, au Centre hospitalier régional Ahmadou Sakhir Ndiéguène. Chose bizarre, il a tiré sa révérence quelques heures seulement après le décès, dans la matinée du même jour, à Khombole, de son grand frère de mêmes père et mère, El-Hadji Moustapha Bâ. Ben Cheikh sera inhumé ce vendredi au cimetière de Madoki, à Grand-Thiès. «Tant que j’aurai la capacité d’écrire, j’écrirai, car c’est la passion qui me guide», avait l’habitude de dire le journaliste presque centenaire. A 87 ans, il était toujours actif et continuait d’exercer son métier. L’illustre défunt reporter était témoin de tous les faits historiques qui ont marqué le Sénégal : crash d’un avion à Thiès, clash entre Senghor et Dia, assassinat du maire Demba Diop. «Ce qui m’a surtout marqué dans mon enfance vers les années 1942, c’est le crash d’un avion militaire qui avait décollé de la Base aérienne de Thiès, dans le village de Diokoul, vers Khombole. L’avion s’était écrasé vers 10 heures, dans le champ de «Maindop». C’était un désastre parce que les 7 membres de l’équipage avaient perdu la vie. J’avais juste 14 ans.»
Il confiait un jour : «Je fais partie de la 1ère génération de journalistes. Aujourd’hui, malgré mes 86 ans, je n’ai pas pris ma retraite et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. Je suis originaire de Saint-Louis. Mon nom à l’Etat civil est Maguette Bâ, mais mon pseudonyme dans la presse est Ben Cheikh. A Mbour, il m’arrivait de signer plusieurs articles avec mon nom Maguette Bâ. J’ai alors pensé signer certains papiers avec Ben Cheikh Bâ, pour ressusciter ce sobriquet de ma jeunesse parce que j’étais gêné de voir plusieurs de mes articles paraître sous la même signature dans Dakar-Matin, ancêtre du Soleil.» Il expliquait dans l’une de ses confidences : «Je suis né en 1928 à Saint-Louis, mais déclaré à Khombole où mes parents s’étaient établis. Je continue d’exercer jusqu’à présent le métier de journalisme, et tant que j’aurai la capacité d’écrire, j’écrirai, car c’est la passion qui me guide. Présentement, je ne fais que du bénévolat à la Rts depuis ma retraite administrative en 1984. Par rapport au quotidien Le Soleil, je continue mes prestations en qualité de pigiste. La rémunération que je perçois ne couvre même pas mes frais de reportage et de déplacement, encore moins mes charges ménagères. Tout cela résulte du fait que pour moi, la vocation prime sur le gain.»
Par ailleurs, son attachement au Soleil était viscéral. «Mon ancrage au quotidien Le Soleil se justifie par le fait que je ne peux pas faire partie des journalistes transhumants attirés par des prébendes. Quand j’ai quitté l’école en 1947, je suis entré dans la vie active en qualité d’aide géomètre dans une entreprise française dénommée «Soliditi Français» sur la route de Rufisque à Dakar. J’ai alors intégré l’équipe des techniciens exerçant derrière M. Claude, ingénieur des travaux publics, chargé de la reconstruction et du bitumage de la Route nationale n°1 transgambienne partant de Diamnadio jusqu’à Kaolack, en passant par Fatick.» C’est dans cette zone qu’il a rencontré le père du Présdient Sall. «C’est en arrivant dans la zone du Sine que j’avais connu Mamadou Sall, appelé affectueusement Thierno Amadi par ses proches, recruté à la demande de son protégé Macky Gassama, agent technique d’agriculture, en qualité de gardien de l’entrepôt du matériel destiné à la réalisation des travaux. Le père de Macky Sall avait toujours un exemplaire du Coran et un chapelet enrôlé autour du bras droit, signes distinctifs à partir desquels on reconnaît un érudit avéré. Il nous servait comme imam et dirigeait les prières sur le chantier. J’ai connu Amadi Sall en 1947, un homme affable et de paix. C’est pourquoi les thèses qui présentent Macky Sall comme un homme méchant, je ne peux pas l’admettre, car connaissant les qualités de son père.»
Rencontre avec Al Amine
Dans sa longue carrière journalistique, il a rencontré Al Amine. «1947 me rappelle aussi mon compagnonnage avec Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine. Je suis un fervent talibé tidiane et mon guide et maître à penser est Khalifa Ababacar Sy. Bon nombre de mes enfants dont 6 jumeaux parmi lesquels une institutrice, une infirmière d’Etat et un élève à l’Ena, ont tous pris le Wird auprès de leur oncle Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine. Mon fils aîné, Oumar Ngaty Bâ, est le chef du Bureau régional du quotidien Le Soleil à Fatick. Une forte amitié me lie à Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine de telle sorte que nous nous appelons affectueusement «La classe», ce du fait que nous avons passé, à deux fois, la visite militaire en 1947 et 1948, à l’école des filles de Thiès, en tant que citoyen français descendant des quatre communes, avant que le médecin ne nous déclare inaptes, tout comme notre aîné Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy, pendant que mon frère aîné Moustapha Bâ et Serigne Mansour Sy, reconnus aptes, étaient enrôlés dans l’Armée française, de même que l’ex-chef d’Etat Me Abdoulaye Wade.»
Correspondant